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"On va au pré avec la boule au ventre" : les affaires de chevaux mutilés continuent d'inquiéter les éleveurs et sont l'une des priorités de la gendarmerie

Les signalements d'animaux blessés se comptent désormais par centaines. Mais dans tous ces faits, il s'agit parfois de blessures accidentelles. Les actes malveillants sont cependant pris très au sérieux par les forces de l'ordre.

Article rédigé par David Di Giacomo
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4 min
Sebastien gère une pension de 13 chevaux. Un gendarme en patrouille lui rend visite, le 24 septembre 2020. (DAVID DI GIACOMO / RADIO FRANCE)

Les cas de mutilations de chevaux ou de poneys en France s’accumulent depuis le début de l’année 2020. "Nous sommes extrêmement choqués par ces actes ignobles", avait déclaré le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin en déplacement début septembre avec son confrère de l'Agriculture, Julien Denormandie, chez une éleveuse dans l'Oise. Deux ministres en déplacement pour des actes de cruauté sur des animaux, c’est quasiment du jamais vu. Ces affaires sont devenues une priorité pour les gendarmes alors que les signalements d'animaux blessés se comptent désormais par centaines.

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Dans le sud de la France, deux chevaux de dressage ont été victimes d'une tentative d’empoisonnement alors qu'ils se trouvaient dans leur box. La scène a été entièrement filmée par la propriétaire. Le suspect, lui, ignorait que les écuries de Céline étaient équipées de caméras. "On voit une personne qui arrive dans mes installations et qui décharge plusieurs dizaines kilos d’aliments contaminés dans le seau, raconte Céline. Il repart très vite voyant que la caméra s’allume." Cette intrusion "perturbe énormément" l'éleveuse car "dans la grande majorité on s’attaquait à des chevaux dans des prés isolés. Il a quand même fait cet acte ignoble en sachant que j’étais présente dans ma maison et que j’étais à moins de 60 mètres de lui. On a affaire à des gens qui sont très déterminés." Céline a déposé plainte et ses chevaux ont pu être sauvés. Dans cette affaire, l'enquête s'oriente clairement vers un conflit de voisinage.

Les éleveurs sécurisent leurs installations

Les mutilations d'équidés sont devenues l'une des priorités des gendarmes depuis la rentrée. Les patrouilles se multiplient partout en France. Un numéro vert, le 0 800 738 908, a été ouvert au début du mois pour les propriétaires de chevaux avec déjà près d'un millier d’appels. Il est géré par l’Institut français du cheval et de l’équitation (IFCE). Des éleveurs qui ont pour consigne de sécuriser leurs installations. Sébastien gère une pension de 13 chevaux dans le Doubs, près de Besançon. Il vient d'acheter plusieurs petites caméras de chasse pour surveiller ses 15 hectares de terrain : "J'en ai mis plusieurs et ça me permet de couvrir une grande partie du pré. C'est assez efficace, même de nuit, ça fait de belles photos. Ça m'envoie une alerte sur mon téléphone en cas d’intrusion."

Des chevaux dans le Doubs, ils appartiennent à Sébastien qui a installé des caméras pour surveiller son pré. (DAVID DI GIACOMO / RADIO FRANCE)

Pour protéger ses bêtes Sébastien a aussi "mis une barrière avec un cadenas à code, ça permet de sécuriser un peu plus." Il inspecte chaque cheval, "pour voir s'il n'y a pas eu de sévices". Ces affaires de mutilation d'équidés l'inquiètent : "On va au pré avec toujours un peu la boule au ventre en se posant la question : est-ce qu'il n'y a rien eu sur un de nos chevaux ?"

C'est un stress supplémentaire qu'on n'avait pas besoin de vivre. Pour quoi faire du mal à des bêtes comme ça ?

Sébastien, propriétaire de chevaux

Dans le département du Doubs, le chef d'escadron Darios Zugno est le chef du bureau renseignements. Ces équipes ont recensé 40 700 chevaux dans ce département de l’est de la France. "Ça fait beaucoup d'équidés à surveiller et beaucoup de propriétaires à contacter, explique-t-il. On a besoin que les éleveurs nous signalent des faits et directement en faisant le 17. C'est grâce à ces signalements et ces rencontres lors des patrouilles des gendarmes qu'on arrivera à solutionner certains faits."

55 actes de cruauté avérés

Aujourd’hui, il y a précisément 344 signalements de chevaux blessés. Mais à chaque fois, il faut faire la différence entre les faits commis par l'homme et les blessures accidentelles. Et pour près de 200 cas, il est établi qu'il s'agissait d'accidents ou d'automutilations. Yann Santinelli, du service de santé des armées, apporte son expertise aux gendarmes locaux. Il est le responsable vétérinaire du régiment de cavalerie de la garde républicaine. "Les chevaux peuvent se faire des plaies très impressionnantes tout seul au pré ou dans un box, explique Yann Santinelli. Et si on les interprète à tort comme étant un acte malveillant, on risque d’orienter les forces de l’ordre sur une mauvaise piste. On va avoir une action pour permettre aux forces de l’ordre de se recentrer sur les cas réellement suspects."

Mais il y a aussi des actes de cruauté. On recense 55 faits avérés pour une vingtaine de chevaux morts depuis février dernier. Les gendarmes sont convaincus qu'ils font face à plusieurs auteurs, qui savent comment approcher et immobiliser un cheval. Des traces ADN partielles ont été isolées sur certaines scènes d’infraction et des prélèvements sont en cours d’analyse. De gros moyens sont engagés pour résoudre ce mystère.
 
L'enquête se déroule aussi sur les réseaux sociaux. Un groupe Facebook anti-chevaux a été signalé cette semaine aux gendarmes. Un groupe, sous couvert d'humour noir, haineux à l'encontre des chevaux, sans plus d’explications. L'un des membres écrivait il y a quelques années "avoir l'expérience des armes tranchantes pour faire taire les animaux à crinière". Mais, rien ne relie ce groupe aux actes commis ces derniers mois, même si toutes les pistes sont prises au sérieux par les gendarmes.

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