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Des pratiquants de VTT ciblés par des pièges en montagne et en forêt : "Une ligne rouge a été franchie"

Qui en veut aux pratiquants de VTT ? Ces dernières semaines, on retrouve en forêt ou en montagne de nombreux pièges destinés à blesser les vététistes. En Alsace, dans le massif des Vosges, un jeune de 18 ans a même failli en mourir.

Article rédigé par Valentin Dunate
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4 min
Depuis plusieurs semaines, les vététistes sont la cible de piège à base de clous ou de barbelés.  (JEAN-MARC LALLEMAND / MAXPPP)

C'était il y a trois semaines. Gaétan, 18 ans, est dans une descente à 50 km/h quand il roule sur une planche cloutée disposée au sol. Il finit sa course contre un arbre. Résultat : traumatisme crânien et thoracique, commotion et épanchement intercostal ainsi que des lésions au niveau du foie, de la rate et du pancréas. Il est transporté en hélicoptère à l’hôpital par le peloton de gendarmerie de montagne du Haut-Rhin qui estime qu’"une ligne rouge a été franchie".

Et ce n'est pas un cas isolé. Des pièges anti-VTT, on en retrouve de plus en plus chaque semaine, dans les Alpes, en Auvergne ou même en Île-de-France. Maxime Mouget a donc lancé une pétition qui a recueilli plus de 10 000 signatures.

"Depuis le début de l'été, voire la fin du printemps, on voit se multiplier des pièges : des barbelés à hauteur de poitrine ou de gorge pour blesser les pilotes. Là typiquement, on voit qu'il y a quelqu'un qui dans sa tête est assez extrême pour se dire 'Je vais blesser des vélos'."

Maxime Mouget

à franceinfo

Et les clous ? "J'en ai toujours vu dans ma vie de vététiste, affirme Maxime Mouget. Maintenant c'est vrai que ça se multiplie en France de manière exponentielle. Et plutôt que de trouver des planches à clous sur des entrées de chemin, pour vraiment signifier 'là vous n'avez pas le droit de passer', on est passé sur des pièges, comme celui sur lequel est tombé Gaétan, qui visent à blesser."

Des conflits d'usage entre vététistes et randonneurs

Pourquoi un tel acharnement sur les VTT ? Parce que depuis le premier confinement, la montagne est de plus en plus fréquentée et avec la généralisation du vélo électrique, la pratique du VTT s’est développée. Il y a donc parfois ce qu’on appelle poliment des "conflits d’usages". Autrement dit : des embrouilles entre les vététistes et les autres usagers de la montagne et des forêts.

Qui est derrière tout ça ? Pour l’instant, la seule personne condamnée en France pour ce type de faits était un chasseur, dans l’Hérault. Il avait posé des câbles et des clous et a été condamné à neuf mois de prison dont huit avec sursis. Certains soupçonnent également les randonneurs. Pour Dominique Humbert, président de l’association SOS Massif des Vosges, les VTT "n'ont rien à faire sur les sentiers, c'est évident". Même s'il condamne fortement la pose de pièges, il donne deux arguments. D'abord, la sécurité.

"J'ai reçu de nombreux témoignages de randonneurs qui témoignent avoir reçu un VTT dans l'épaule. Au-delà de l'agacement, il y a des gens qui commençent à éviter certains sentiers fréquentés par des vététistes car ils ont peur."

Dominique Humbert, président de l’association SOS Massif des Vosges

à franceinfo

Deuxième argument : l'environnement. D'après lui, les VTT endommagent les sols. "Souvent, ils passent à côté donc à terme, le sol du sous-bois est dégradé. Au premier orage, tout part, la terre descend. Je ne suis pas sûr que ça participe de la préservation de la nature et de la biodiversité."

Mais Maxime Mouget, l'auteur de la pétition, contredit cet argument en prenant comme exemple un sentier très fréquenté par les VTT. "Est-ce que l'érosion a provoqué un torrent ou une saignée énorme ? Non, on peut voir la terre décaissée sur cinq centimètres peut-être. Il n'y a pas d'étude scientifique à proprement parler, qui dise qu'un vélo va provoquer plus d'érosion qu'un marcheur." Rien ne prouve non plus que les vététistes dérangent les animaux. Une idée reçue qui crée donc un climat de défiance et de conflit.

Vététiste sur un parcours free ride à la station du Lac Blanc en Alsace, 31 mai 2020. (VANESSA MEYER / MAXPPP)

Trouver un terrain d'entente

D'une part, ces comportements anti-VTT sont marginaux. D'autre part, pour faire avancer les choses, certains ont des idées : le club vosgien a inauguré récemment le premier sentier partagé en France. Dans les virages, il y a un côté pour les randonneurs et un autre pour les VTT. Cela paraît simple mais cela prend des années à construire. Il y a plein d’intervenants en forêt : en l’occurrence, la commune, l’Office national des forêts (ONF), le parc naturel régional des Ballons des Vosges.

Joseph Peter, président du club vosgien du Haut-Rhin, reconnaît qu'il faut du temps. "Il faut aussi que les esprits évoluent et nous avec, explique-t-il. Il faudra dix ans au massif vosgien pour construire quelque chose de logique pour la cohabitation dans le respect de la nature, mais quand on le fait, on le fait bien et pour longtemps."

L’an dernier, le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin ainsi que le ministère chargé des Sports se sont emparés du dossier. Les élus et les associations attendent désormais des prises de position plus tranchées de la part du gouvernement.

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