Emploi des seniors : "Il faut trouver une réponse à cette question, que beaucoup de pays européens ont déjà trouvée"

Les partenaires sociaux n'ont pas trouvé d'accord après trois mois et demi de négociations sur l’emploi des seniors. Mais l'organisation patronale U2P invite à nouveau les syndicats mardi pour négocier à nouveau. Selon la députée Astrid Panosyan-Bouvet, il faut améliorer la copie.
Article rédigé par franceinfo, Isabelle Raymond
Radio France
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Temps de lecture : 7 min
Astrid Panosyan-Bouvet, députée Renaissance de Paris, membre de la commission des Affaires sociales, spécialiste des questions d'emploi. (RADIOFRANCE)

La négociation entre syndicats et patronat, mercredi 10 avril sur l'emploi des seniors, s'est terminée la semaine dernière sur un constat d'échec. Mais l'U2P, l’Union des entreprises de proximité, syndicat majoritaire chez les artisans, les petits commerçants et les professions libérales, en a décidé autrement. L'organisation a convoqué les syndicats mardi 16 avril, pour remettre plusieurs sujets sur la table. Astrid Panosyan-Bouvet, députée Renaissance de Paris, membre de la commission des Affaires sociales, spécialiste des questions d'emploi, salue cette initiative.

Astrid Panosyan-Bouvet, députée Renaissance de Paris : Il y a un intérêt aujourd'hui de toutes les parties prenantes à trouver une réponse à cette question de l'emploi des seniors, que beaucoup de pays européens ont déjà trouvée. Il y a un vrai sujet autour de l'attractivité des métiers. Et il y a un vrai sujet aussi d'anxiété de la part des personnes de plus de 50 ans dans notre pays, qui pensent qu'elles vont être mises au placard ou qu'elles n'ont plus nécessairement leur place dans l'entreprise.

Donc il y a des réponses à trouver, et les réponses, elles existent. Elles ont été d'ailleurs discutées et envisagées dans le cadre de ces discussions qui n'ont pas abouti. Il faut qu'on soit ambitieux. Les retraites progressives, la question des reconversions professionnelles pour certains métiers, comme les aides soignants ou les manutentionnaires qui portent des charges lourdes, ce sont des métiers qui ne sont pas tenables toute une vie, il faut pouvoir envisager les reconversions avant.

Alors, à l'ordre du jour de cette négociation, il y a le Cetu (Compte épargne temps universel). Le Medef et la CPME (Confédération des petites et moyennes entreprises) ne voulaient pas en entendre parler. Ce compte épargne-temps universel permettrait au salarié de transporter avec lui son compte épargne temps, d'une entreprise à l'autre. Que pensez-vous de cette initiative ?

C'est intéressant de penser le travail tout au long d'une vie, en essayant d'imaginer des passerelles entre ces césures qu'on trouve assez artificielles : la formation, le travail, ensuite la retraite. Mais il faut aussi entendre les difficultés de mise en œuvre pratique et opérationnelle pour des petites et moyennes entreprises, qui embauchent par exemple des salariés qui auront cette portabilité avec des congés, des congés RTT à prendre et à imposer. Il faut qu'on réfléchisse à la mise en œuvre. 

"Plus qu'aux grands soirs, je crois aux petits matins concrets, réalistes et ambitieux. Donc avançons sur le travail tout au long de la vie, avançons sur la retraite progressive, avançons sur les reconversions pour les métiers pénibles."

Astrid Panosyan-Bouvet

à franceinfo

Avançons aussi sur les sujets qui sont au cœur de la vie active comme la parentalité ou les aidants familiaux. Pour rappel, 40% des aidants familiaux sont salariés. Voilà des questions qui permettent de répondre à la portabilité tout au long de la vie et à l'adaptation du temps de travail tout au long de la vie.

Au sujet de l'assurance chômage, le Premier ministre Gabriel Attal veut durcir les règles actuelles. Une des pistes envisagées est de réduire la durée d'indemnisation des demandeurs d'emploi. Dans une récente tribune, vous dites de votre côté que notre système d'indemnisation n'est pas plus généreux que celui de vos voisins. Est-ce que ça veut dire que le Premier ministre n'a rien compris ?

Ça veut dire qu'il faut qu'on continue la discussion. Moi je suis totalement d'accord avec lui pour dire que la bataille de l'emploi des pas terminée. On a un taux d'activité qui est historiquement très élevé, un taux de chômage des jeunes qui n'a jamais été aussi bas. Mais la bataille de l'emploi est toujours devant nous. Et je comprends et j'entends ce débat sur la réduction du temps d'indemnisation.

Ça peut permettre d'accélérer la recherche d'emploi, quitte d'ailleurs à chercher des choses en deçà de ces qualifications, mais ça peut créer ou agrandir des fragilités ou des vulnérabilités pour ceux qui sont éloignés. Je pense qu'aujourd'hui, dans un contexte incertain du marché de l'emploi, et où la dernière réforme du marché de l'emploi touchait précisément à la durée d'indemnisation il y a quatorze mois, il y a d'autres leviers tout aussi puissants.

Est-ce que cette voix est entendue ?

Je pense que je ne suis pas la seule à en parler au sein de la majorité. Il faut aussi entendre l'Association nationale des directeurs des ressources humaines (ANDRH). Il faut entendre également des employeurs. Il y a d'autres leviers qui sont tout aussi puissants. 

"Quand vous regardez les emplois non pourvus aujourd'hui, deux tiers sont liés à l'attractivité des métiers, et un tiers est lié à des formations et des compétences qu'on ne trouve pas sur le marché de l'emploi."

Astrid Panosyan-Bouvet

à franceinfo

Je pense à la DATA, je pense à l'intelligence artificielle. Il y a des leviers qu'on appelle périphériques, mais qui sont centraux, tels que le logement, la garde d'enfants ou les transports. Parlons de ces sujets qui sont absolument centraux.

Autre sujet dont je voulais parler avec vous, celui de la fiscalité pour tenir l'objectif de ramener le déficit sous les 3% en 2027. Le gouvernement s'apprête à faire 10 milliards d'euros d'économies supplémentaires cette année. Faut-il en parallèle augmenter les recettes?

On est en 2024. Le dernier budget en équilibre a été voté en 1974, il y a 50 ans. La norme, avec des gens qui veulent avoir une loi à leur nom, avec le recours à la dépense publique, parce qu'un bon ministre doit voir son budget en augmentation, ou encore le réflexe de régler un problème par une taxe, ce sont des maladies françaises qui existent depuis 50 ans. Et donc moi, je pense qu'il faut regarder le sujet sans tabou, ni sur les dépenses, dont il faut regarder maintenant l'efficacité, ni sur la fiscalité et les recettes.

"Il faut regarder le sujet de la fiscalité sans tabou. Je pense aux effets d'aubaine que sont notamment les superprofits, je pense aux rachats d'actions sur lesquels l'administration Biden est beaucoup plus proactive."

Astrid Panosyan-Bouvet

à franceinfo

Il y a réellement des pistes qu'il faut aujourd'hui travailler, parce que le seul levier des dépenses ne sera pas suffisant.

Et pensez-vous que cette voix sera entendue également ?

Eh bien, on aura un débat le 29 avril à l'Assemblée nationale et j'espère que c'est dans le débat et le contrôle démocratique qu'on peut faire avancer les choses. C'est ma conviction.

Donc, vous espérez que pour le prochain budget, il y aura des pistes de recettes avec taxation des profits ?

Des pistes qui sont exceptionnelles, qui ne remettent pas en cause ni la question de l'investissement, ni le sujet de la juste répartition du fardeau fiscal. Je pense qu'elles existent et il faut en parler. Aucun tabou.

Retrouvez cette interview en vidéo : 

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