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Dans les rues d'Alger, l'ombre de Maurice Audin

François Hollande débute aujourd'hui une visite d'État en Algérie. Dans la capitale, il a prévu de s'arrêter place Maurice-Audin, pour rendre hommage au mathématicien disparu pendant la guerre d'Algérie.
Article rédigé par Jean Leymarie
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 2 min
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A Alger, tout le monde connaît la place Audin. Mais qui connaît encore Maurice Audin ? Depuis 1957, une femme se bat pour découvrir la vérité. C'est Josette Audin, la veuve du mathématicien. Aujourd'hui, elle habite près de Paris. Elle a plus de quatre-vingts ans. Mais sa détermination n'a pas vacillé. Elle veut savoir.

Elle n'a rien oublié, et surtout pas ce 11 juin 1957. A l'époque, Maurice et Josette Audin habitent Alger. Ils ont vingt-cinq ans. Ils ont de jeunes enfants. Ils sont tous les deux enseignants. Maurice est mathématicien, et assistant à la faculté des sciences d'Alger. Il milite au parti communiste. Nous sommes en pleine "bataille d'Alger", une phase très violente de la guerre. La répression bat son plein. Le 11 juin, donc, des parachutistes français se présentent chez la famille Audin. Ils viennent arrêter Maurice. Ils le soupçonnent de soutenir le FLN et l'indépendance algérienne. Ils l'emmènent dans une caserne.

Maurice Audin est torturé. Puis il disparaît, brutalement. Josette Audin interroge les militaires. On lui répond que son mari s'est enfui. Cette thèse, elle n'y croit pas. Elle porte plainte. En quelques mois, le jeune mathématicien devient un symbole. Des intellectuels se mobilisent autour d'un "comité Audin". L'historien Pierre Vidal-Naquet mène une enquête. Il en tire une conviction : l'enseignant est mort sous la torture. Des militaires français l'ont tué. Et leurs supérieurs ont couvert ce meurtre.

Josette Audin doit quitter l'Algérie. Elle s'installe en France. Mais elle ne lâche rien, malgré l'amnistie qui protège les militaires à partir des années 1960. La justice écarte sa plainte ? Tant pis. La veuve du mathématicien continue à réclamer la vérité. Sans relâche, au fil des années, elle interpelle les dirigeants français. Les responsables militaires de l'époque, eux, ne disent rien ou choisissent de rester très évasifs.

Il y a quelques mois, un nouvel élément apparaît. Une journaliste découvre le manuscrit d'un militaire, Yves Godard qui commandait la zone Alger-Sahel. Selon ce manuscrit, Maurice Audin a bien été tué par les militaires qui le détenaient. Godard désigne même un certain Gérard Garcet. Mais comment savoir si cette version est la bonne ? Le colonel Godard est mort il y a plus de trente ans.

Josette Audin ne baisse pas les bras. En 2007, elle écrit à Nicolas Sarkozy qui ne lui répond pas. En revanche, François Hollande vient de s'engager. Le 1er février, le ministre de la défense, Jean-Yves Le Drian, recevra la veuve du mathématicien. Il promet de lui donner tous les documents qui pourraient faire émerger la vérité, 55 ans après la disparition de Maurice Audin.

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