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#TangPing : le mouvement de lutte contre le surmenage au travail lancé par les jeunes cadres sur les réseaux sociaux en Chine

Apparu au printemps sur Weibo, le Twitter chinois, ce hashtag a rassemblé des milliers de convaincus, avant d’être censuré par les autorités chinoises. Et pour cause : il témoigne d’un ras-le-bol de la culture du travail intensif et propose de lever le pied.

Article rédigé par franceinfo
Radio France
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Ambiance matinale dans le quartier des affaires de Shanghai lors de l'arrivée des salariés au bureau. (VINCENT ISORE / MAXPPP)

Dans un pays où les travailleurs n’ont qu’une dizaine de jours de congés par an, plaider pour la procrastination est osé. C’est pourtant ce qu’ont fait des milliers de jeunes travailleurs sur internet, usés par le surmenage. Mais difficile d’obtenir leur témoignage. La seule qui ose s’exprimer se fait appeler Wendy, et préfère rester anonyme pour raconter au magazine Sixth Tone comment est né sur les réseaux sociaux chinois le mot-clé #tangping.

"Tang ping", c’est le fait de ne rien faire, la stratégie du moindre effort, du minimum nécessaire, le refus de la culture du travail intensif qui veut qu’être productif en permanence soit un accomplissement. Il y a quelques semaines, ce mot-dièse est donc devenu une tendance sur le réseau social Weibo, repris des milliers de fois, des forums ont été ouverts pour en parler. Et physiquement, les internautes ont traduit ça par un geste simple : s’allonger par terre. "M’allonger est mon geste de sagesse, écrit l’un d’eux, c’est seulement en s’allongeant que les humains peuvent prendre la mesure de toute chose."

Pourtant, au départ, Wendy est l’archétype de la jeune femme très active : elle a un travail, un bon revenu, elle correspond parfaitement à ce que la société chinoise attend d’elle.

D’après la norme, un style de vie décent implique le fait de travailler dur, de se démener pour avoir de bonnes évaluations, ce contre quoi j’essaye de lutter, par exemple en refusant de faire des heures supplémentaires, ou en ne courant pas après les promotions.

Wendy, jeune cadre chinoise

au magazine Sixth Tone

Wendy envisage même de démissionner. Un discours qui n’a pas plu, mais alors pas du tout aux autorités.

Le journal du parti fustige une vision défaitiste, problématique pour l’économie du pays, les forums de discussions ont été fermés, et le mot-dièse #tangping effacé des réseaux sociaux, censuré. Au pays qu’on a longtemps appelé l’usine du monde, ce type de débat est une menace. Pourtant, plusieurs universitaires y voient plutôt l’expression d’une philosophie très chinoise, quelque chose entre Lao Tseu et Confusius. Et c’est peut-être ça aussi qui gêne le pouvoir : le spectre d’un retour de l’autre pensée chinoise, celle qui a longtemps prévalu, bien avant que le capitalisme d’État ne ringardise la notion de sagesse.

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