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Édito
Nouvelle-Calédonie : l'éternel casse-tête de l'exécutif ?
La réforme constitutionnelle concernant la Nouvelle-Calédonie a été adoptée dans la nuit de mardi 14 à mercredi 15 mai par l’Assemblée nationale, malgré l’extrême tension qui règne dans l’archipel.
Le gouvernement en faisait une affaire de principe. Pas question de céder à la violence. Pas question que les émeutes interrompent le processus législatif. Après l’approbation du Sénat en avril, le texte a donc recueilli un vote positif des députés. Dans les mêmes termes, ce qui ouvre la voie à la convocation du Parlement en Congrès pour valider cette révision de la Constitution qui vise à élargir le corps électoral de cet archipel du Pacifique Sud de 271 000 habitants situé à 17 000 kilomètres de Paris.
Pour la forme, l’exécutif peut donc se targuer d’un succès législatif, mais sur le fond, ce vote ne change rien. Le blocage politique est tel, qu’Emmanuel Macron a renoncé à convoquer le Congrès tout de suite et invité les protagonistes à Paris pour tenter de renouer le dialogue et de ramener le calme. Cette réforme constitutionnelle touche à un élément clef du fragile équilibre politique calédonien : la démographie électorale. Et 40 ans après l’éruption de 1984, le spectre de la guerre civile plane de nouveau sur l’avenir de l’archipel. À l’époque, il fallut quatre ans et de nombreux morts, notamment lors de l’assaut de la grotte d’Ouvéa, pour restaurer la paix avec la conclusion des accords de Matignon autour de deux personnages emblématiques, l’indépendantiste Jean-Marie Tjibaou et le loyaliste Jacques Lafleur.
Plusieurs référendums
Un accord qui dotait l’archipel d’un statut spécifique et s’accompagna, dix ans plus tard, du gel du corps électoral. Il s’agissait de préserver une meilleure représentation des Kanaks. Le souci, c’est qu’aujourd’hui, près d’un électeur calédonien sur cinq est privé du droit de vote lors des élections provinciales ou des référendums. La réforme en cours vise donc à intégrer environ 25 000 nouveaux résidents installés dans l’archipel depuis au moins dix ans.
Trois référendums successifs ont certes abouti au rejet de l’indépendance, mais avec un écart de plus en plus réduit. Les indépendantistes ont atteint 43% des voix en 2018, puis 47 % en 2020, soit moins de 10 000 voix de retard, avant de boycotter le troisième scrutin en décembre 2021. Or, c’est précisément au moment où ils ont l’impression de toucher au but, d’approcher leur quête historique, que le gouvernement décide, selon, eux, de changer les règles du jeu. De quoi réactiver un sentiment d’injustice propre à enflammer les passions les plus dangereuses.
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