Çafait partie des impondérables quand un président de la République est élu.Imperceptiblement, les comportements se modifient autour de lui. Lescommentaires des proches sont moins vifs, les critiques plus feutrées. Ceux quil'apprécient veulent ménager leur champion. Les conseillers ont tendance à seretrancher derrière leur spécialité. Leur temps du chef de l'Etat est compté.Il ne doit surtout pas être gaspillé à des sujets hors de leurs compétences.Par exemple, au moment de l'affaire de l'EPAD, quand Nicolas Sarkozyenvisageait tranquillement la nomination de son fils à cet organisme, aucunconseiller élyséen n'a osé lui dire que cette promotion, concernant son fils,passait très mal dans l'opinion. Chacun pensait qu'un autre se chargeait de cettedésagréable besogne. Quand le chef de l'Etat va lui-même à la rencontre defrançais, le cérémonial de la fonction, les contraintes imposées par lasécurité, et celles de la communication politique dressent une barrièreinvisible infranchissable. La contestation est bannie. Les mauvais coucheursécartés. Et petit à petit, inévitablement, le président de la République vitdans un monde où tout va bien. Les mauvaises nouvelles, les difficultés ne setraduisent plus que dans l'abstraction des notes ou des chiffres.**Comment remédier à cela ? ** Evidemment il se doit d'yremédier. Car un président isolé dans sa tour d'ivoire, où la vérité vécue parses concitoyens ne s'incarne pas, devient un mauvais président. Chacun a sarecette. François Mitterrand entretenait différents cercles d'intimes, qu'ilmettait en rivalité. Il entretenait quelques amitiés avec de vieux amis, éluslocaux, qu'il consultait régulièrement, dans le Morvan notamment. Durant sonpremier quinquennat, l'association SOS-Racisme lui permettait également deprendre le pouls de la jeunesse. Jacques Chirac cherchait à susciter lescritiques de son entourage, par l'humour. En tête à tête, il supportait lesréflexions très vertes de ses visiteurs du soir. Des amis fidèles, aufranc-parler, comme Pierre Mazeau ou Jean-Louis Debré, qu'il rencontrait entoute décontraction, le dimanche soir à l'Elysée.NicolasSarkozy lui aussi avait ses visiteurs Maisil se plaignait souvent de leurs bavardages intempestifs. Car la nature humaineest ainsi faite que celui dont le cœur a été sondé par le président de laRépublique, aime à le faire savoir, et à dévoiler ses confidences. Or lacommunication règne en maître en politique. Un président qui rencontre unfrançais mécontent est un Président qui échoue. Un président qui répond à uncontestataire est un Président acculé. Un président qui sonde les cœurs est unprésident qui doute. Le contact direct est donc chose rare à l'Elysée.Commentopère François Hollande, alors, pour lutter contre cet isolementinévitablement ? Avantd'être président de la République, la Corrèze constituait son baromètrerégulier. Il s'y rendait quasiment tous les week-ends. Ce qui est évidemmentimpossible au chef de l'Etat. François Hollande s'est plaint de ce manque decontacts directs et impromptus. Il a dû organiser ses réseaux, ses amis fidèlesqui lui disent les choses telles qu'ils les pensent. Ils savent resterdiscrets, et ne clament pas les confidences du chef de l'Etat. Comme sesprédécesseurs, François Hollande ne s'interdit plus les sondages, mais laprocédure sera publique. Comme Nicolas Sarkozy, il multiplie les déplacementshors les murs parisiens, deux fois par semaine. François Hollande disposeégalement d'une technique personnelle, c'est le sms. Il en use pas mal, maiscertains ministres commencent à s'en vanter. Le président de la République abeau se dire normal, aucun de ses faits et geste n'est banal, même s'il prétenddécréter l'inverse.