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L'e-sport est-il devenu un sport comme les autres ?

Article rédigé par Vincent Matalon
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5 min
Le président du PSG, Nasser Al-Khelaïfi, entouré des recrues de sa section e-sport, le 20 octobre 2016 au Parc des Princes, à Paris. (CHRISTOPHE SAIDI / SIPA)

La Ligue de football professionnel, qui gère l'organisation des championnats de la Ligue 1 et de la Ligue 2, a annoncé mardi le lancement du premier championnat de France officiel de "Fifa 17". Oui, le jeu vidéo…

En pleine reconstruction, l'Olympique de Marseille peut viser le titre de champion de France dès la saison 2016-2017. L'affaire est mal engagée sur les pelouses de Ligue 1, mais sur les terrains virtuels de Fifa 17, l'espoir est permis. Comme les 19 autres formations de l'élite française, le club marseillais va en effet participer à la première "e-Ligue 1", disputée sur ce jeu vidéo et annoncée mardi 18 octobre par la Ligue de football professionnelle (LFP).

L'arrivée de l'instance organisatrice de la Ligue 1 dans le secteur des compétitions de jeux vidéo marque sans doute une nouvelle étape dans le développement de l'e-sport en France. Au point d'en faire désormais un sport comme les autres ? Franceinfo récapitule.

Oui, parce que les poids lourds du sport s'y mettent

Outre le lancement du premier championnat de France de Fifa 17 par la LFP, un autre mastodonte du foot a fait cette semaine une entrée fracassante dans le monde du jeu vidéo. Depuis les salons VIP du Parc des Princes, le Paris Saint-Germain a présenté en grande pompe, jeudi, sa section e-sport. Créée en partenariat avec le groupe Webedia, qui gère déjà les équipes de joueurs pro Millenium, la structure se pense comme une division à part entière du club, à l'image de sa section handball.

"Dans l'e-sport, la stratégie du PSG est la même que dans le foot : devenir une franchise et une référence internationale", explique à franceinfo Cédric Page, directeur général du secteur gaming de Webedia, aux manettes de ce partenariat. Au cours de sa conférence de presse, à laquelle assistait le président Nasser Al-Khelaïfi, le club a ainsi présenté son Zlatan du jeu Fifa : le Danois August "Agge" Rosenmeier, double champion du monde de la discipline.

Le champion de France de Ligue 1 ne compte toutefois pas se limiter au foot virtuel. A l'image du club allemand Schalke 04, qui a lancé sa section e-sport au printemps, le PSG va également mettre sur pied une équipe du jeu de stratégie League of Legends, dont les compétitions sont particulièrement suivies. Signe qu'il ne lésine pas sur les moyens, le club a diffusé un clip mettant en scène son nouveau coach Bora "Yellowstar" Kim sur la pelouse du Parc des Princes, accompagné du Brésilien Lucas, habitué de la Ligue 1.

Oui, parce que les marques y voient un intérêt financier

Le PSG ne se lance évidemment pas dans cet univers par simple goût de la compétition. Lors de la présentation de la section e-sport, Frédéric Longuépée, directeur général adjoint du club, n'a pas caché que cet investissement était surtout destiné à conquérir de nouveaux marchés.

L'e-sport nous donne l'opportunité de toucher dans le monde entier une nouvelle génération, celle des Millenials, et en particulier dans un territoire important pour le club et qui s’ouvre au football : la Chine.

Frédéric Longuépée, directeur général adjoint du PSG

lors de la présentation du PSG e-sports

D'autres acteurs n'ont pas tardé à voir dans le développement des compétitions de jeux vidéo un levier de développement économique. Canal+ sponsorise ainsi l'équipe de joueurs pro Vitality, et devrait bientôt diffuser les plus grandes compétitions, rapportait Le Figaro début octobre (article payant).

Orange, déjà partenaire de la Ligue 1 et du Top 14, a également flairé le bon filon. "Nous avons signé en septembre 2015 un partenariat de trois ans avec l'équipe Millenium, et nous équipons en fibre optique les principaux événements liés à l'e-sport en France, comme la DreamHack de Tours ou la Paris Games Week", explique à franceinfo Gaëlle Le Vu, directrice de la communication de l'opérateur. Elle assure que la marque "considère l'e-sport avec le même sérieux que le football ou le rugby", même si les investissements y sont évidemment moins importants.

Non, parce que ce terrain reste délicat pour certains investisseurs

De nombreuses entreprises restent toutefois frileuses à l'idée d'investir dans les compétitions de jeux vidéo. "Aujourd'hui, la plupart des sponsors sont liés à l'univers du gaming, qu'il s'agisse de fabricants de matériel ou d'opérateurs", reconnaît Cédric Page, le directeur général du secteur gaming de Webedia. "Les acteurs plus traditionnels, comme les banques, sont pour le moment encore absents. Nous comptons profiter du développement très rapide de ce marché pour faire bouger les choses de ce point de vue."

La tâche est d'autant moins aisée que le public visé n'est pas facile à conquérir. "N'est pas sponsor qui veut ! Il faut être considéré comme légitime par les fans pour être bien accueilli, confirme à franceinfo Gilles Raison, directeur du service de livraison de nourriture à domicile Allô Resto. Nous sommes partenaires d'O'Gaming [une web-TV spécialisée dans la diffusion de compétitions de jeux vidéo] depuis 2014, ce qui nous permet d'être crédible pour notre cible. Si demain un géant du cosmétique débarque en bombardant une diffusion de bannières publicitaires, il peut y avoir du rejet de la part de la communauté."

Certaines compétitions peuvent en outre poser des problèmes d'image pour les marques. Au moment de choisir les jeux sur lesquels il allait constituer des équipes, le PSG a ainsi immédiatement écarté Counter-Strike: Global Offensive. Pas question d'associer le club à un jeu de guerre dans lequel des terroristes s'opposent à des forces spéciales.

Non, parce que la scène amateur est encore embryonnaire

La différence fondamentale entre l'e-sport et le sport traditionnel réside toutefois dans sa structure : si le haut niveau s'y développe à toute vitesse, comme en témoigne la récente prise en compte par le Sénat du statut de joueur professionnel de jeu vidéo, les tournois amateurs sont encore à l'état embryonnaire. 

"L'un des volets essentiels pour développer le marché est d'arriver à créer ce que j'appelle les 'e-sportifs du dimanche', abonde Cédric PageIl faut donner envie aux milliers de personnes qui suivent les compétitions sur internet de participer eux-mêmes à une ou deux compétitions amateurs par an, et les inciter à progresser jusqu'au niveau international." Avant, peut-être, de rejoindre le PSG.

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