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1914-1918, franceinfo y était. 8 mars 1918 : Le jour où l'Allemagne a perdu la guerre

Cent ans après la Première guerre mondiale, franceinfo raconte les événements clés de 1914-1918 comme s'ils venaient de se passer. Aujourd'hui, "Le jour où l'Allemagne a perdu la guerre".

Article rédigé par Grégoire Lecalot, Jérôme Jadot
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Les Allemands battent en retraite alors que l'armée française est en passe de reprendre la ville d'Amiens.  (Gallica / Agence Rol)

La ville d’Amiens à portée de main. Les Allemands en retraite. La reconquête est-elle enfin amorcée ? En tout cas, l’offensive orchestrée par Foch, nommé maréchal il y a seulement deux jours, semble être un succès. Jérôme Jadot, vous êtes depuis ce matin avec l’unité canadienne qui a lancé l’assaut surprise sur les positions adverses ; une partie du terrain perdu lors de la grande attaque de mars dernier a déjà été regagnée. Ce mouvement continue-t-il ?

Cette progression se fait à vive allure, en effet. Je suis depuis ce matin aux côtés du 22e bataillon canadien, ou plutôt à l’arrière de ce bataillon composé de combattants québécois. Nous nous trouvons actuellement à proximité du village d’Ignaucourt, soit 10 kilomètres au-delà de ce qui était encore la ligne de front ce matin. Les terres que nous foulons étaient aux mains allemandes depuis plusieurs mois. Au moins 10 kilomètres ont donc été repris en quelques heures ! Cela pourrait bien être l’offensive alliée la plus rapide depuis le début de la guerre. D’après les informations que nous avons, le 22e régiment aurait déjà repris huit villages depuis ce matin. Et la journée n’est pas terminée, les combats se poursuivent, toujours selon le même schéma : tirs de barrage de l’artillerie au sol, bombardements des avions britanniques et français pour couvrir l’avancée des chars, ces chars qui font si cruellement défaut aux Allemands, même s’ils ne sont pas invincibles. Pendant notre progression, nous avons aperçu de nombreuses carcasses de tanks sérieusement amochés par le feu germanique.

Les Québécois du 22e régiment semblent jouer le premier rôle dans cette offensive…

Ils ont, c’est vrai, permis de prendre les Allemands par surprise… Jusqu’à très récemment, ces 80 000 soldats canadiens étaient stationnés près d’Arras, plus au nord. Pour tromper le camp adverse, il semble qu’une petite partie d’entre eux ait fait ostensiblement mouvement vers la frontière belge. Un gradé m’a même confié avoir fait en sorte que les Allemands interceptent certaines de leurs communications afin de crédibiliser ce mouvement de diversion. Et pendant ce temps, le gros des troupes a mis le cap au sud, vers Amiens. Ils sont arrivés la nuit dernière, n’ont même pas eu le temps de bivouaquer avec leur petite tente triangulaire. L’offensive générale a été lancée dès 4h20, deux heures avant le lever du soleil. Et, preuve de la surprise, du désarroi de l’armée allemande, ses soldats se rendent sans combattre. L’échec de leur offensive du printemps a manifestement laissé des traces sur le moral. Dans le dernier village que nous avons traversé, j’ai pu voir les visages fatigués, presque soulagés d’en finir, d’un groupe de prisonniers germaniques. En comparaison, les soldats canadiens paraissent beaucoup plus frais. C’est vrai qu’ils n’ont pas beaucoup combattu depuis plusieurs mois. Et si on les dit plutôt rétifs à la discipline militaire, ils font montre depuis ce matin d’efficacité et de bravoure, à l’image de ce jeune lieutenant que j’ai vu venir du front en sang sur une civière, inconscient sous son casque aux allures coloniales. Un soldat de sa compagnie également blessé m’a expliqué que ce lieutenant avait été touché à trois reprises mais qu’à chaque fois il avait refusé d’abandonner ses hommes, qu’il avait lui-même neutralisé plusieurs mitrailleuses ennemies. Si ce gradé devrait s’en sortir, les pertes sont indéniablement lourdes dans ce 22e bataillon. Le champ de bataille est jonché de plusieurs dizaines de corps. Les pertes allemandes semblent toutefois encore plus importantes.

Cette offensive vous semble-t-elle différente de toutes celles qui ont eu lieu pendant la guerre ? Peut-on espérer que celle-ci fasse plier les Allemands ?

C’est impossible à dire mais ce qui est sûr, c’est qu’il y a encore quelques mois, ici, c’étaient les troupes allemandes qui progressaient. Ainsi la vapeur s’est-elle indéniablement renversée. Cela va-t-il durer ? Ou les troupes germaniques auront-elles la capacité de se réorganiser ?

Pour ce 22e  bataillon québécois et les Alliés, la tâche sera encore plus compliquée dès demain : ils ont en effet avancé sur un terrain assez peu accidenté, sans tranchées. Et un officier m’expliquait, tout en le redoutant, que les Alliés allaient bientôt arriver sur l’ancien terrain de la bataille de la Somme, celle d’il y a deux ans, celle de 1916, et cela rendra, dès demain, les choses plus compliquées…

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