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1914-1918, franceinfo y était. 8 mai 1915 : Le torpillage du Lusitania

Cent ans après la Première guerre mondiale, franceinfo raconte les événements clés de 1914-1918 comme s'ils venaient de se passer. Aujourd'hui, "Le torpillage du Lusitania".

Article rédigé par Grégoire Lecalot, Fabienne Sintes
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
Le navire Lusitania. (©)

Nous sommes le 8 mai 1915. Nous revenons tout de suite sur l’information tombée cette nuit : le naufrage du paquebot britannique Lusitania, entre l’Irlande et la Grande-Bretagne. Il a été torpillé par un sous-marin allemand embusqué en mer d’Irlande. Le prestigieux paquebot effectuait régulièrement la liaison entre New York et Bristol. Il avait d’ailleurs remporté le célèbre Ruban bleu… Hier, au moment de son torpillage, il battait pavillon américain, donc neutre. Le nombre exact des victimes n’est pas encore connu mais pourrait dépasser le millier. Nous retrouvons notre correspondante à Washington, Fabienne Sintes. Fabienne, on imagine l’émotion ce matin aux États-Unis…

L’émotion est immense, en effet… C’est le monde civilisé qui est frappé de stupeur devant le torpillage du Lusitania. Le titre du New York Herald résume à lui seul le choc aux États-Unis ce matin : "L’Allemagne est devenue folle". Pendant que le Richmond Evening Journal parle de "crime absolu lâchement exécuté", de "massacre", et ajoute que rien de ce qui a été accompli par les peuples les plus arriérés – les Indiens, les Africains –, les plus sauvages, n’atteint un tel degré de bassesse.

Le bilan est extrêmement lourd : le New York Times parle de 1 260  victimes, dont 128 Américains apparemment. On lit les scènes d’horreur de ce torpillage. Il était 14h10 lorsque le bateau a été touché, et il a fallu quinze minutes seulement au Lusitania pour sombrer. Dans la panique, les explosions successives – il y en a eu trois –, seul dix des 44 canots de sauvetage ont pu être mis à l’eau. Le bateau a littéralement piqué du nez, l’arrière s’est retrouvé très vite hors d’eau, et on peut facilement imaginer la suite… La température dans la mer d’Irlande à cette époque de l’année ne dépasse pas les 13°C ; beaucoup de passagers sont sans doute morts sur le coup. Notez aussi que le capitaine Turner a pu être sauvé. Nous n’avons en revanche aucune nouvelle du millionnaire Alfred Vanderbilt, qui était sur le Lusitania avec sa famille. Il avait été prévenu des dangers encourus par les bateaux de commerce dans cette zone mais avait décidé de ne pas annuler son voyage, comme d’ailleurs tous les autres passagers. 

Fabienne, le Lusitania a été torpillé sous pavillon américain. La neutralité des États-Unis dans le conflit n’a donc apparemment pas suffi. Comment le gouvernement américain prend-il les choses ?

Mal, évidemment ! On comprend bien que le président Wilson soit pris entre deux feux, si on peut dire. Est-ce que les États-Unis peuvent conserver leur neutralité ? Oui, répond le secrétaire d’État Bryan : les États-Unis doivent rester en dehors. En face, de multiples voix se font entendre pour que les relations diplomatiques avec Berlin soient rompues immédiatement. L’opinion américaine est extrêmement choquée par le torpillage du Lusitania. Elle ne veut pas entendre les soupçons allemands qui prétendent que le bateau servait en fait à transporter des armes. Wilson sait tout cela, mais des sources proches de la Maison-Blanche réaffirment que le président ne veut pas de la guerre. D’ailleurs, les Allemands ne tiennent pas non plus à voir les États-Unis s’engager dans le conflit puisque des diplomates américains, sous couvert d’anonymat, confirment ce matin que Berlin désormais respectera les navires circulant sous pavillon neutre.

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