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1914-1918, franceinfo y était. 29 mars 1918 : Les canons allemands tirent sur Paris

Cent ans après la Première guerre mondiale, franceinfo raconte les événements clés de 1914-1918 comme s'ils venaient de se passer. Aujourd'hui, "Les canons allemands tirent sur Paris"

Article rédigé par Grégoire Lecalot, Anne Lamotte
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
L'église Saint-Gervais, bombardée par les Allemands. (GALLICA / BNF)

Paris à nouveau sous les obus. C’est le choc et l’horreur à l’église Saint-Gervais, tout près de l’hôtel de ville de Paris. Un obus allemand s’est abattu sur l’église, peut-être tiré par un de ces mystérieux canons. C’était en plein office du vendredi saint cet après-midi. Impossible pour le moment de dénombrer les victimes, mais il y en aurait beaucoup, dont des femmes et des enfants. Anne Lamotte, vous vous trouvez sur place. En sait-on plus ?

Nous sommes un peu tenus à distance de l’église par les forces de police depuis qu’une foule de Parisiens a accouru ici juste après le bombardement, mais on sait que dans cette église il y a des dizaines et des dizaines de morts et de blessés. Les morts sont évacués par camion militaire vers la morgue, les blessés sont quant à eux transportés en ambulance vers les hôpitaux alentour, l’Hôtel-Dieu, la Pitié Salpêtrière ou Saint-Antoine, tout proche. Les corps sont affreusement mutilés.

Et pendant ce temps-là, de là où nous sommes, nous voyons encore quelques fidèles, immobiles, l’air complètement hagard, devant l’édifice, les vêtements encore pleins de poussière et le visage ensanglanté. Ils sont visiblement encore sous le choc alors que, d’après les secours, il y aurait une majorité de femmes et d’enfants. Dans la foule autour de moi, quelques prénoms circulent : Jeanne, une grand-mère de 78 ans, Madeleine, une jeune fille de 14 ans, ou encore Marthe, 11 ans seulement, tuées dans ce bombardement alors qu’elles assistaient tranquillement au service de ce vendredi saint. Un drame qui choque les Parisiens. Et qui indigne aussi le cardinal Amette, l’archevêque de Paris, qui s’est rendu tout à l’heure sur place et qui a déclaré, très ému : "Les misérables ! Ils ont choisi le jour anniversaire de la mort du Christ pour commettre ce crime."

Comment se fait-il qu’il y ait tant de victimes ?

Les fidèles étaient très nombreux cet après-midi dans l’église Saint-Gervais – on parle de centaines de personnes. Cela faisait deux jours qu’il n’y avait pas eu d’obus allemand à Paris, et tous étaient venus assister à cette messe sans se méfier, se disant que les Allemands allaient les laisser tranquilles, respecter le week-end pascal. La grande nef était donc comble. Et l’obus est tombé sur l’église, pendant l’office, perforant une partie du toit avant de percuter un des piliers qui soutenaient la voûte de l’édifice, qui s’est alors en partie effondré sur les fidèles. Les blocs de pierre qui tombaient étaient énormes, selon certains témoins, qui ajoutent qu’il est actuellement impossible d’accéder à l’autel – trop de pierres, de bouts de bois, de chaises de prière empilés. Certains corps auraient été retrouvés sous plus de 2 mètres de décombres.

Cet obus aurait été tiré par la Grosse Bertha, un de ces gros canons qui angoissent beaucoup les Parisiens depuis une semaine car plusieurs obus sont tombés sur Paris...

L’angoisse est en effet terrible... Car la Grosse Bertha tire en plein jour pour faire un maximum de dégâts. Au départ, on était persuadés qu’il s’agissait des Gotha, des bombardiers, qui lâchaient leurs bombes sur la capitale. Mais les Gotha lancent leurs raids au crépuscule, comme d’habitude. Et le jour depuis une semaine, c’est un canon qui tire sur Paris. Ainsi, on vit ici au rythme des sirènes, des coups de sifflet, de roulements de tambour, signe que l’on doit se réfugier, en toute hâte, dans une cave toute proche ou une station de métro. Et c’est à peine croyable de penser qu’un canon posté au-delà de la ligne de front (à environ 100 kilomètres) peut tirer, cracher des obus jusqu’ici, en plein cœur de la capitale. C’est terriblement angoissant pour les Parisiens, qui imaginent à quoi peut bien ressembler cet horrible canon. Car on l’ignore pour l’instant. En tout cas, une chose est sûre, il tue – et on s’attend à un bilan très lourd ici, avec des dizaines de morts.

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