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En Inde, des étudiantes musulmanes interdites de cours car elles portent le voile

Des groupes hindouistes de l'État du Karnataka font pression sur les écoles de la région pour qu'elles refusent l'entrée aux étudiantes musulmanes portant le hijab.

Article rédigé par Sébastien Farcis
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 2 min
Une manifestation de solidarité avec les femmes musulmanes organisée par plusieurs associations et ONG à Bangalore dans l'état du Karnataka en Inde le 19 février 2022. (SYED ASIF / THE TIMES OF INDIA)

Dans le sud de l’Inde, depuis plusieurs semaines, des centaines de jeunes étudiantes musulmanes n'ont pas le droit d’entrer en classe. Leurs établissements ont soudainement exigé qu’elles enlèvent leur voile islamique, ce qu’elles refusent. Cette décision arbitraire entraine d’importantes tensions voire des affrontements entre hindous et musulmans dans cet état, et profite au parti nationaliste hindou au pouvoir qui cherche à stigmatiser la minorité musulmane en Inde.

Tous les matins, c’est le même drame : les surveillants des écoles et lycées de l’ouest de l’état du Karnataka se placent à l’entrée des établissements et demandent aux jeunes musulmanes d’enlever leur voile. Des filles de 10 à 18 ans sont ainsi déchirées entre la tradition religieuse héritée de leurs parents et leur volonté d’étudier. "On nous a dit : 'Si vous voulez étudier, vous devez enlever votre hijab et vous rentrerez en classe.' Nous avons refusé", explique cette jeune fille de la ville d’Udupi, refoulée à l’entrée de son lycée. "Pourquoi changent-ils soudainement les règles ? Est-ce normal, alors que nous avons nos examens la semaine prochaine ?" 

Une stratégie électorale des nationalistes hindous du BJP

En Inde contrairement à la France, les signes religieux sont acceptés à l’école. Les sikhs peuvent par exemple porter leur turban. Mais des groupes hindouistes du Karnataka font pression depuis un mois sur les écoles de l'état pour qu’elles refusent le voile islamique. Ceci a entrainé des affrontements violents entre hindous et musulmans et la fermeture des écoles pendant plusieurs jours. Les directeurs ont désormais trop peur de s'opposer à ce diktat politique et demandent donc aux étudiantes musulmanes d’enlever le voile. Certaines d'entre elles ont saisi la cour d’appel régionale et un jugement sur le fond est attendu dans les jours qui viennent.

Cette polémique intervient alors que cinq états indiens sont en train de voter pour renouveler leur parlement. Les nationalistes hindous du BJP, au pouvoir dans la région et à New Delhi, cherchent à stigmatiser les musulmans pour recueillir les votes des hindous. Le BJP fait donc gonfler ce problème du hijab et un autre état qu’il dirige a aussi commencé à l’interdire. Le problème est que le gouvernement ne permet pas ainsi l’émergence d’un débat apaisé sur le voile à l’école : il laisse des extrêmistes imposer leur exigence suprémaciste et brutaliser les étudiantes musulmanes, à qui l'on demande de changer soudainement une pratique religieuse, sans concertation. C’est un piège car en défendant ainsi leur voile et leur identité, ces musulmanes passent pour des rétrogrades qui préfèrent leur religion à leur éducation, alors que ce sont les institutions étatiques qui ne garantissent pas les droits des minorités.
  

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