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Au Liban, un habitant sur deux a basculé dans la pauvreté

L’inflation galope et les pénuries se multiplient. En deux ans, la crise financière s’est transformée en crise humanitaire.

Article rédigé par franceinfo - Aurélien Colly, édité par Ariane Schwab
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
Confrontés à une inflation galopante et aux pénuries, un Libanais sur deux a basculé dans la pauvreté (illustration du 17 juin 2020). (IBRAHIM CHALHOUB / AFP)

Le Liban traverse la pire crise économique de son histoire, confronté à des pénuries aux conséquences de plus en plus dramatiques. À Beyrouth ces dernières semaines, c’est l’essence qui se fait rare, l’essence des voitures, des taxis, dans un pays sans transports publics, mais aussi l’essence des centrales ou des groupes électrogènes, indispensables pour la production d’électricité.  

Devant cette station–service de la capitale, des dizaines de voitures font déjà la queue depuis l’aube, bien avant l’ouverture. "Je me réveille tous les jours vers 4 heures du matin, raconte Mohammed. Avec sa fourgonnette, il va à la station-service et attend dans la file. "Je dors encore une heure ou deux jusqu’à ce qu’on me réveille quand ça ouvre, poursuit le livreur. Je remplis autant que je peux sinon je ne peux pas travailler et je ne rapporte pas d’argent à la maison. Je suis seul pour soutenir la famille, je suis obligé de le faire pour mes enfants".

On n’a plus que trois heures d’électricité par jour, le reste c’est un groupe électrogène. Mais je ne peux plus payer. Ça ajoute encore de l’angoisse.

Mohammed, livreur à Beyrouth

à franceinfo

"Tout augmente, se désole Mohammed. Il faut de l’argent pour l’essence, pour l’électricité, pour manger et pour les médicaments aussi. Tous les jours la pression monte et je ne sais pas quand ça va exploser".

"Beyrouth, la cocotte-minute", titrait mercredi un journal local, pour résumer la tension qui règne et le ras-le-bol des Libanais qui assistent à l’effondrement de leur pays, dans l’indifférence des responsables politiques. Malgré la gravité de la situation, il n’y a toujours pas de gouvernement depuis bientôt un an. La raison de ces pénuries, c’est l’effondrement de la livre libanaise et une banque centrale qui arrive au bout de ses réserves. Elle subventionnait jusqu’ici des produits de base, pour qu’ils restent accessibles, qu’ils ne subissent pas l’hyperinflation : l’essence, les médicaments, mais aussi des produits alimentaires, comme la farine pour le pain, l’huile de cuisson ou le lait pour bébé. Ce dispositif est devenu intenable.

Des cartes de rationnement à venir

"La banque centrale puise sur ses réserves en devises pour financer ça et à un moment elle n’en a plus vu que le Liban est dans une crise extrêmement forte, synthétise l’économiste Fouad Helou. Ce qu’essaient de faire les pouvoirs publics c’est de réduire fortement la voilure des subventions. Et donc, vous arrêtez de subventionner les riches et la contrebande, principalement en Syrie, et vous subventionnez le tiers de la population qui a besoin de cet argent. Ça, ce serait 1 milliard 200 millions au lieu de 4 à 5 milliards. Parce que sinon, vous avez des problèmes sécuritaires et politiques beaucoup plus graves".    

Dans l’urgence, le Parlement libanais est en train de créer une carte de rationnement pour cibler 500 000 familles. Mais en attendant, le prix de l’essence à la pompe a grimpé cette semaine de quasiment 30 % et le Liban est passé en deux ans de la crise financière à la crise humanitaire.  

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