À Singapour, l’exécution d’un condamné à mort suspendue parce qu’il est testé positif au Covid-19
Testé positif au Covid-19 avant son exécution, un Malaisien déficient mental arrêté avec trois cuillères à soupe d’héroïne il y a onze ans échappe provisoirement à la pendaison.
À Singapour, en Asie du Sud-Est, un Malaisien devait être pendu mercredi 10 novembre, onze ans après avoir été arrêté à l’aéroport avec trois cuillères à soupe d’héroïne cachées sur lui. Mais avant la date prévue de son dernier souffle, un test positif au Covid-19 a suspendu son exécution jusqu’à nouvel ordre. Si la condamnation à mort en 2010 du jeune homme, qui a aujourd’hui 33 ans, n’est pas surprenante lorsque l’on regarde les lois singapouriennes d’une extrême sévérité envers la possession de drogue, ce cas en particulier a suscité un émoi particulier.
D’abord car Nagaenthran K. Dharmalingam est handicapé sur le plan mental avec un QI de seulement 69, prouvé par une expertise médicale à son procès. Ensuite, le contexte de la pandémie et son climat mortifère font que la population est plus sensible aux conditions dans lesquelles sont proclamées et exécutées ces peines capitales. L’année dernière, par exemple, une autre affaire avait suscité l’émotion quand un autre Malaisien était lui condamné en direct sur Zoom à être pendu pour avoir lui transporté l’équivalent de moins deux cuillères à soupe d’héroïne.
"Comme si c'était Pablo Escobar !"
Enfin, le profil sociologique de ces condamnés, souvent précaires, et la sévérité des peines émeut également de plus en plus de personnes, comme Nathaniel Tan, un activiste malaisien qui a publié ces dernières semaines plusieurs éditoriaux dans la presse locale en s’interrogeant sur la finalité de ces pendaisons. "Dans le cas de Nagaenthran, il n’est question que de 42 grammes !, s’exclame-t-il. Et c’est une personne handicapée mentale ! On parle pourtant de lui comme si c’était Pablo Escobar ou un cerveau du crime !"
"La justice est censée être dissuasive, mais on voit que toutes les condamnations récentes n’ont jamais eu d’effet dissuasif : on voit toujours de nouveaux cas."
Nathaniel Tanà franceinfo
La défense de Nagaenthran a, elle, développé que s’il s’était retrouvé à transporter de la drogue à 21 ans. C’était en échange d’à peine 105 euros, pour aider son père à financer une opération du cœur.
Si Singapour, et de manière plus générale l’Asie du Sud-Est, jugent très sévèrement le trafic de drogue, l’impact sur le phénomène n’est clairement pas celui espéré, d’après les chiffres de l’ONU. Ainsi, le trafic de drogues, en particulier de métamphétamines, a augmenté pendant la pandémie dans cette région du monde. Pour Gloria Lai, directrice régionale de l’International Drug Policy Consortium, les lois des pays sont parfois mal écrites car elles ne semblent pas viser les têtes du trafic de drogue : "Les condamnations sont axées sur la possession de drogue, puis la quantité et le type de drogue…, explique-t-elle. Si vous avez de la drogue, on en conclut que vous comptez l’utiliser vous-même pour un trafic. C’est problématique, car les gens qui transportent les drogues sont vraiment en bas de la pyramide des réseaux."
Tant que Nagaenthran ne sera pas négatif au Covid, il ne pourra lui pas être pendu. Sa défense et sa famille gardent un ultime espoir : pouvoir prouver d’ici là que pendre un handicapé serait contraire à la Constitution de Singapour.
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