Cinéma week-end. "La lumière intérieure" de Naomi Kawase
Dans "Vers la lumière", la cinéaste japonaise filme la perte.
Il y a une forme de naïveté, de candeur dans le 12e film de Naomi Kawase, poème en images, au tropisme culturel qui peut dérouter un regard occidental. Vers la lumière évoque la perte, le renoncement, des thèmes récurrents dans les civilisations et les cinémas asiatiques. Une jeune femme, qui a perdu son père, écrit et enregistre des commentaires d'audio-description de films pour des aveugles. C'est comme ça qu'elle rencontre un homme plus âgé, photographe en train de perdre la vue.
A partir de la perte, on peut trouver la lumière
Naomi Kawase
Naomi Kawase filme cette rencontre brutale au départ entre deux êtres fragiles et sa caméra effleure les visages comme le fait la main d'un non-voyant. Du flou de la perte à la découverte d'une lumière intérieure, ce film illustre les frictions entre le verbe et l'image, il est aussi une belle réflexion sur le cinéma.
En tête du box-office des sorties de la semaine, Normandie nue et Downsizing
Normandie nue aurait pu être la comédie française de ce début d'année, Philippe Leguay avait précédemment signé Alceste à bicyclette et Les femmes du 6e étage. Mais en empilant les histoires, le réalisateur s'égare. Dans un village normand le maire, François Cluzet, accepte la proposition d'un photographe artiste américain de faire poser nus ses administrés, ce qui serait une bonne pub aussi pour la cause paysanne malmenée. Scènes enfilées comme des sketches à la lourdeur bovine, cette Normandie nue est évitable.
Alexander Payne a dans une certaine mesure voulu lui aussi trop en dire dans Downsizing. Son film s'éparpille mais il a une charpente solide, faire une comédie sur le risque écologique. Pour sauver la planète des scientifiques parviennent à réduire le monde vivant, en ne mesurant que 12 centimètres, les hommes consomment bien moins et voient leur pouvoir d'achat exploser. Matt Damon en américain moyen et naïf qui accepte cette réduction physique drastique et Christoph Waltz en margoulin des Balkans font un bon duo mais Alexander Payne aborde trop de thèmes et de formes, ce qui explique aussi les 2h16 de son film.
Le documentaire de la semaine est inclassable
Belinda est un portrait au long cours, Marie Dumora filme sa protagoniste à 9 ans, 15 ans et 23 ans. En Alsace, Belinda est d'abord une gamine séparée de sa sœur, fugueuse, trimbalée d'un foyer à l'autre, adolescente, puis adulte sans passé ni avenir, elle vit le présent, rêve de mariage avec un homme trop souvent en prison, aime sa famille et les fêtes foraines.
Ce qui m'a bouleversée, c'est qu'il n'y a même pas de revendication de ce passé
Marie Dumora
C'est la banalité du quotidien de gens qui n'ont connu que la pauvreté, beaucoup de scènes sont filmées dans la cuisine d'un appartement HLM, mais Marie Dumora parvient à en extraire une substance universelle. Belinda s'accroche à un rêve de bonheur qui lui file entre les doigts et on découvre, au hasard d'une discussion avec son père, qu'elle appartient à la communauté des Yéniches, méconnue et malmenée en Europe jusqu'aux camps nazis.
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