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C'est dans ma tête. Les haines familiales : "Une véritable prison pour la pensée"

Les grands-parents du petit Grégory, Marcel et Jacqueline Jacob, doivent être prochainement entendus par la justice, pour l'enlèvement et la séquestration de leur petit-neveu, Grégory, en 1984.

Article rédigé par franceinfo, Claude Halmos
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Temps de lecture : 2 min
Photo d'illustration. (ELVA ETIENNE / MOMENT RF / GETTY IMAGES)

Les grands parents du petit Grégory vont donc être prochainement entendus par la justice, pour l'enlèvement et la séquestration de leur petit-neveu en 1984. Au-delà de cette affaire, qui dure depuis trois décennies et dont il n’est pas question de parler ici, nous revenons aujourd'hui, avec la psychanalyste Claude Halmos, sur le problème des haines familiales.

Comment peut-on expliquer que certaines familles soient traversées par de telles haines ?  

On rencontre souvent en analyse des haines de ce type. Et on constate qu’elles se sont en général constituées à une génération, autour de problèmes qui n’étaient pas forcément dramatiques. Mais qu’elles se sont ensuite solidifiées et aggravées en se transmettant de génération en génération.    

Vous pouvez donner des exemples des problèmes qui peuvent être à l’origine de ces haines ?  

On ne peut pas prétendre faire une liste exhaustive mais il peut y avoir des problèmes de filiation : un enfant que des membres de la famille supposent illégitime, par exemple, et qu’ils considèrent comme un usurpateur. Il peut y avoir des problèmes matériels : des membres de la famille qui,  lors d’un héritage, se sentent spoliés, c’est fréquent.

Mais il peut y avoir aussi des problèmes affectifs. C’est le cas, par exemple, des haines à l’intérieur des fratries, qui sont toujours très intéressantes. Parce que les frères et les sœurs qui se haïssent pensent en général qu’il s’agit d’une histoire entre eux. Alors que les parents jouent, dans ces haines, un rôle déterminant. Soit parce qu’ils n’ont pas su mettre des limites aux rivalités. Soit parce qu’ils les ont même souvent favorisées, voire organisées, en faisant des préférences injustes entre leurs enfants.  

Comment ces haines en arrivent-elles à se transmettre ?  

Elles se transmettent d’abord parce que, très souvent, ce qui a provoqué la haine, à une génération, continue à la génération suivante. Il n’est pas rare que l’on entende par exemple des choses comme : "Ma mère préférait ma sœur et maintenant elle préfère ses enfants aux miens".

Mais elles se transmettent aussi parce que les enfants sont piégés : ils épousent les inimitiés de leurs parents. Et il leur faut souvent des années de travail analytique pour pouvoir sortir de l’emprise familiale, commencer à penser par eux-mêmes et se rendre compte que ceux qu’on leur a présentés comme "mauvais", ne le sont peut-être pas. Les haines familiales sont une véritable prison pour la pensée. Elles empêchent de penser.    

La réussite sociale peut-elle être une cause de haine ?  

Bien sûr. Parce que la rivalité est l’un des mobiles essentiels de ces haines. Des membres d’une famille peuvent avoir l’impression que celui qui réussit trahit son milieu d’origine. Et ils peuvent même se sentir méprisés par lui. En fait le mécanisme est celui de la projection : ceux qui n’ont pas réussi se pensent "moins bien" que celui qui a réussi, mais n’arrivent pas à se l’avouer. Alors ils projettent sur lui ce sentiment et s’imaginent que c’est lui qui les pense "moins bien".      

Est-ce que certaines choses peuvent aggraver ces haines ?  

Oui. Et en premier lieu la manipulation perverse. Si une personnalité perverse (et dans les familles qui dysfonctionnent, il y en a toujours) manipule celui ou ceux qui éprouvent ces haines, cela peut aggraver les choses et même conduire à des passages à l’acte très graves.    

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