"Le Goût du crime" d'Emmanuel et Mathias Roux
Pourquoi sommes-nous si friands de faits divers, de grandes affaires criminelles, pourquoi sommes-nous tant fascinés par les figures du grand banditisme, les grands criminels ou autres tueurs en série ? C'est à ces questions, et à bien d’autres encore, que tentent de répondre les deux frères Emmanuel et Mathias Roux. Tous les deux agrégés de philosophie. Ils ont fait ce constat à la lumière de grandes affaires récentes : Dupont de Ligonnès, Troadec ou la tuerie de Chevaline par exemple, ou d’autres plus anciennes.
Mathias et Emmanuel Roux ne peuvent que constater : les revues comme Society, et son numéro spécial Xavier Dupont de Ligonnès, les récits-enquêtes, les True Crimes se multiplient et sont souvent des succès hors normes. Les auteurs nous proposent quelques grandes idées et de grands philosophes, pour nous aider à comprendre cette fascination, et à nous aider, dans le même temps, à mieux comprendre ce concept de fait-divers. Quels enchaînements d'événements, avec quelles causes, sont susceptibles d’être classés dans le genre, et de retenir notre attention à ce point.
Les deux auteurs constatent que les faits-divers fascinent intellectuels et écrivains
Dans le prolongement de notre propre fascination, cette sorte de réflexe qui nous pousse à regarder un accident de voiture, par exemple. Roland Barthes est souvent cité. On y croise Marguerite Duras qui arrive à Lépanges-sur-Vologne avec un journaliste de Libération devant la maison des Villemin, les parents du petit Grégory, et qui, telle une pythie en regardant le pavillon, décrète la culpabilité de Christine Villemin. "Sublime, forcément sublime Christine V", on se souvient du scandale, et c’est dire à quelle dérive les faits-divers peuvent mener.
Les deux auteurs rappellent que beaucoup de grands procès ont été suivis par de grandes plumes, Giono pour le procès Dominici, Kessel au procès Pétain, avec parfois aussi l’envie, de la part de ces intellectuels, de défendre un point de vue ou de combattre une injustice.
Mathias et Emmanuel Roux examinent tous les aspects de notre fascination, y compris à l’extrême, comment et pourquoi tant de criminels ont ce pouvoir de séduction ? Anders Breivik reçoit, paraît-il, 800 lettres d’amour par mois. Rappelons qu’il a tué sans états d’âme et sans regrets, 77 personnes en Norvège, en 2011. Certains se marient même, comme Fourniret, qui a rencontré Monique Olivier quand il était derrière les barreaux. Elle est devenue sa complice. On parle alors du syndrome 'Bonnie and Clyde'.
Cette admiration pour les criminels a même un mot savant pour la définir. Ça s’appelle l'hybristophilie : c’est-à-dire aimer ce qui commet un outrage pour autrui. C'est éclairant, parfois ardu, mais toujours passionnant. Une lecture recommandée pour comprendre notre curiosité.
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