Vidéo Violences en cuisine : "cuillère brûlante sur le bras, demi-journée enfermée en chambre froide", la cheffe Laetitia Visse raconte l'envers du décor des restaurants étoilés

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Violences en cuisine : "cuillère brûlante sur le bras, demi-journée enfermée en chambre froide", la cheffe Laetitia Visse raconte l'envers du décor des restaurants étoilés
Violences en cuisine : "cuillère brûlante sur le bras, demi-journée enfermée en chambre froide", la cheffe Laetitia Visse raconte l'envers du décor des restaurants étoilés Violences en cuisine : "cuillère brûlante sur le bras, demi-journée enfermée en chambre froide", la cheffe Laetitia Visse raconte l'envers du décor des restaurants étoilés (13H15 LE DIMANCHE / FRANCE 2)
Article rédigé par France 2
France Télévisions
La cheffe Laetitia Visse participe régulièrement à des ateliers de prévention pour en finir avec les violences en cuisine. Un sujet qu'elle connaît bien puisqu'elle garde, encore aujourd'hui, des traces de son apprentissage dans les plus grands restaurants étoilés.

Depuis quatre ans à la tête de son propre restaurant, La femme du boucher, à Marseille, la cheffe Laetitia Visse dénonce les abus et le harcèlement qu’elle a subis lors de son apprentissage dans de grands restaurants étoilés. Aujourd’hui, elle entend faire bouger les lignes sur la prévention des violences en cuisine. Dans des ateliers organisés dans le cadre du programme Des Etoiles et des Femmes, elle intervient régulièrement auprès des élèves pour parler de son expérience et protéger les femmes en réinsertion qui se lancent dans les métiers de la restauration.

Heureuse et passionnée par ce qu’elle considère être "le plus beau métier du monde", Laetitia Visse a pourtant gardé des traces de ses classes auprès de certains grands chefs. "J’ai vécu des choses qui m’ont beaucoup marquée, sur lesquelles je travaille aujourd’hui avec du soutien. Ça m’a marquée à vie. Moi, je suis très heureuse aujourd’hui, mais il a fallu déconstruire beaucoup de schémas", avoue-t-elle dès le début de l’atelier.

"C'était soit tu fermes ta gueule, soit tu dégages"

Le message que Laetitia veut transmettre à ces futures cuisinières, c’est qu’il est désormais possible de refuser ce management à la dure, longtemps admis sous prétexte de l’exigence du métier et de la médiatisation des chefs étoilés. Devant une assemblée attentive, elle explique que les règles ont changé et qu’il est primordial de se faire respecter : "Le seul schéma auquel on avait le droit, c’était : ‘soit tu fermes ta gueule, soit tu dégages’. Les chefs avec lesquels j’ai travaillé estimaient que non seulement ils étaient dans leur bon droit, mais qu’en plus, ils faisaient quelque chose de bien pour moi : c’est-à-dire qu’ils me violentaient, donc j’apprenais plus vite parce que quand on apprend dans la peur, on apprend très, très vite. En fait, on s’en fout du temps que vous allez prendre, s’il vous faut dix ans, il vous faut dix ans. C’est pas une course contre la montre, là, on parle de votre projet de vie mais pour ça, il faut que ce soit dans de bonnes conditions. (…) Oui, vous travaillez pour quelqu’un, au service de quelqu’un, dans la cuisine de quelqu’un, mais ça ne lui donne pas le droit de faire quoi que ce soit avec lequel vous n’êtes pas d’accord. Si, ça ne convient pas, vous en parlez, vous essayez de faire en sorte que ça s’arrange mais si ça ne s’arrange pas, vous prenez vos affaires et vous vous barrez ! "

Le public féminin présent lors de cet atelier est une cible particulièrement concernée par les violences et le harcèlement. Laetitia Visse, qui a lancé en 2020 avec quatre autres cheffes un "MeToo des cuisines", le sait et prévient : "La tête de Turc, ça va être la personne isolée. Ça veut dire celle qui ne va pas pouvoir se défendre. En l’occurrence, vous êtes bien placée pour savoir que les femmes, on est souvent en minorité dans les équipes, donc on est une proie facile. "

Sans le reste de l’équipe, le restaurant n’existe pas

Plus tard, la cheffe détaille aux équipes de "13h15 le dimanche" (X#13h15) jusqu’où les violences peuvent aller dans les huis clos des grandes maisons étoilées : " Le premier restaurant dans lequel j’ai bossé, les cuillères étaient mises à chauffer sur le bord de la plancha, quand tu faisais une connerie, on t’imprimait la cuillère brûlante sur le bras pour que tu aies une marque de ta connerie et que tu ne la reproduises plus. Ou ça va être on va t’enfermer dans une chambre froide une demi-journée ou un congélateur une dizaine de minutes. L’imagination de la torture n’a pas de limites et elle a été complètement banalisée, voire même c’était drôle."

"Des restaurants étoilés où je suis arrivée et dès le premier jour le chef s’adressait à l’équipe en disant ‘Alors, qui c’est qui la saute, la Parisienne ? Qui est-ce qui lui passe dessus ce soir ?’ Oh ça fait pas deux heures que je suis là, mon gars, respecte-moi un peu ! Je parle d'un mec meilleur ouvrier de France, étoilé, enfin c’est ça qui est fou, ça leur donne le droit de nous cracher dessus comme de la chair à canon alors que sans le reste de l’équipe, le restaurant n’existe pas."

Extrait de "L'assiette française" diffusé dans "13h15 le dimanche" le 12 mai 2024.

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