Cet article date de plus de quatre ans.

"Nous voudrions savoir la réalité du quotidien" : après la mort du maire de Signes, le Sénat veut "prendre la mesure exacte du phénomène"

La commission des lois du Sénat va lancer une grande consultation de tous les maires de France. "Nous allons demander aux maires de recenser les actes avec toute la gradation envisageable, des propos menaçants aux atteintes physiques", a expliqué le sénateur Philippe Bas. 

Article rédigé par franceinfo
Radio France
Publié
Temps de lecture : 4 min
Philippe Bas, président de la commission des lois du Sénat. (FRANCOIS GUILLOT / AFP)

"C'est parfois un sacerdoce d'être maire dans nos communes rurales", a réagi mercredi 7 août sur franceinfo Philippe Bas, président de la commission des lois et sénateur Les Républicains de la Manche. À la suite de la mort du maire de Signes (Var), renversé par une camionnette lundi, la commission des lois du Sénat lance une consultation sur les violences auxquelles sont confrontés les élus. Dès la semaine prochaine, tous les maires recevront un questionnaire pour tenter de quantifier ce phénomène.

franceinfo : Pensez-vous que les incivilités et les violences peuvent concerner l'ensemble des maires de France ?

Philippe Bas : Nous avons beaucoup de remontées sur des actes d'incivilités, des marques d'agressivité, des menaces parfois et rarement, heureusement, des agressions. Ce qu'il s'est passé à Signes est quelque chose de tout à fait inacceptable et qui ne doit jamais se reproduire. Mais il faut que ce soit pour nous l'occasion de prendre la mesure exacte d'un phénomène dont nous mesurons intuitivement l'importance, mais qui n'a jamais été exactement chiffré. Nous faisons un questionnaire que nous adressons à tous les maires de France la semaine prochaine. Nous faisons également une consultation des maires sur le site du Sénat, pour faciliter leur expression.

Nous demandons également au ministère de la Justice, au procureur, au ministère de l'Intérieur, avec les préfets et les services de police et de gendarmerie, de nous donner tous les éléments chiffrés qu'ils peuvent avoir sur les plaintes déposées par des maires dans l'exercice de leurs fonctions. Parce qu'ils rappellent la loi à des citoyens qui ne la respectent pas, comme cela s'est passé à Signes avant-hier. Parfois à l'occasion de ces rappels à la loi ou tout simplement du fonctionnement des services publics de la commune, ils font l'objet d'agression, alors que ce sont les premiers représentants de l'autorité républicaine. Ils doivent être absolument respectés. La commune, c'est une petite République dans la grande, c'est là que se forge la citoyenneté dans notre pays. Donc il faut absolument que nos maires, qui généralement sont des élus respectés, le soient par tout le monde. 

Qu'est-ce que vous allez poser concrètement comme questions dans cette consultation ?

Nous allons demander aux maires de recenser les actes avec toute la gradation envisageable, à partir des propos menaçants, des actes d'incivilités, des refus d'obéissance, voire des atteintes physiques. La plupart du temps, tout ceci se gère par les maires sans recours à la police ou à la gendarmerie. Mais dans certains cas, des plaintes sont déposées. Nous voudrions savoir, quand ces plaintes ne sont pas déposées, la réalité du quotidien, des difficultés pour leur sécurité auxquelles les maires sont confrontées. Il y a beaucoup de maires qui nous disent qu'ils ne veulent pas se représenter, il y a beaucoup de Français aussi qui hésitent à se présenter dans leur petite commune aux élections municipales. Dans les problèmes de motivation des maires, il y a la difficulté croissante vis-à-vis de certains de nos concitoyens à exercer la fonction. Mais il y a aussi toutes les difficultés financières, les difficultés techniques.

Y a-t-il aussi des difficultés pour conjuguer cette fonction de maire avec sa vie personnelle ?

Oui tout à fait et il y a eu à la délégation des collectivités territoriales du Sénat un très gros travail sur les conditions d'exercice : retraite, formation, protection sociale, retour à l'emploi, combinaison d'un emploi et d'une fonction de maire de plus en plus prenante. Ce sont des sujets qui doivent être traités. Ils vont l'être en partie au moins à l'occasion de l'examen par le Sénat d'un projet de loi du gouvernement au mois d'octobre, que nous comptons bien enrichir.

Ce désamour pour la fonction de maire semble particulièrement vrai dans les petites communes. Pourquoi ?

Le maire dans la petite commune fait tout, ou à peu près, avec l'aide de ses adjoints. Il a l'aide d'une ou d'un secrétaire de mairie, un ou deux employés municipaux. Toute la journée, il arpente les rues de sa commune et il est invité par tous nos concitoyens à constater ici des dégradations, là un mauvais fonctionnement d'un service. Il doit être au four et au moulin et c'est une fonction de plus en plus prenante et de plus en plus complexe, parce que les normes se sont multipliées.

Pendant que les normes se sont multipliées, avec les charges que ça représente, les finances n'ont pas suivi. Si bien que la fonction de maire est vraiment difficile. Si vous y ajoutez les contraintes liées à l'insécurité et la difficulté de concilier vie familiale, vie professionnelle et vie d'élu municipal, c'est très difficile. C'est parfois un sacerdoce d'être maire dans nos communes rurales et c'est une raison supplémentaire d'attirer l'attention de nos concitoyens sur la nécessité de respecter cette fonction qui est essentielle pour notre démocratie. Je souhaite vivement qu'on lève un certain nombre d'entraves à l'exercice de la fonction de maire et qu'on rassure nos concitoyens qui sont tentés par cette aventure municipale.

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.