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Législatives : comment la droite parisienne tente de déboulonner NKM

Investie par LR dans l'ancienne circonscription de François Fillon, Nathalie Kosciusko-Morizet doit faire face aux candidatures dissidentes de Jean-Pierre Lecoq et d'Henri Guaino.

Article rédigé par Ilan Caro
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5 min
Nathalie Kosciusko-Morizet, le 31 mai 2017, lors d'une permanence mobile dans le 5e arrondissement de Paris. (MAXPPP)

"Vous savez, je ne suis jamais partie du principe qu'une élection allait être facile", répond-elle tout de go quand on l'interroge sur la galère dans laquelle elle se trouve embarquée aux législatives. Quand elle a reçu ce "cadeau" de la part de François Fillon, mi-janvier, Nathalie Kosciusko-Morizet ne s'imaginait pourtant pas que le combat serait si ardu.

A l'époque, l'affaire Penelope Fillon n'a pas encore éclaté et le vainqueur de la primaire de la droite a de bonnes chances de devenir président de la République. François Fillon lègue alors "sa" 2e circonscription de Paris – où il a été confortablement élu en 2012 – à NKM. Pour la chef de l'opposition au Conseil de Paris, ce territoire huppé, à cheval sur les 5e, 6e et 7e arrondissements, apparaît comme une promesse de victoire bien plus élevée que la 11e circonscription, plus au sud, dans laquelle elle était jusqu'alors investie. C'est aussi la perspective de détenir un fief bien ancré à droite, à la mesure de ses ambitions municipales.

Un "marcheur" et deux dissidents LR

Quatre mois plus tard, tout a changé, et la droite ne sait plus où elle habite. Les signaux contraires envoyés par NKM face à la "main tendue" d'Emmanuel Macron l'ont mise dans une situation délicate, concurrencée de toutes parts. Un sondage Ifop pour le JDD la donne largement battue par Gilles Le Gendre, le candidat de La République en marche. Car contrairement à d'autres candidats LR Macron-compatibles comme Thierry Solère ou Franck Riester, l'ancienne ministre de Nicolas Sarkozy n'a pas obtenu l'indulgence d'En marche !. De l'autre côté, deux dissidents de droite, prétendants sérieux à l'élection, se sont déclarés à la dernière minute, juste avant la clôture des candidatures : le très implanté maire du 6e arrondissement, Jean-Pierre Lecoq, et l'ancienne plume de Nicolas Sarkozy, Henri Guaino.

Le premier des deux, qui se présente sur ses tracts comme "le candidat républicain de la droite et du centre", a choisi de mener une campagne très locale. "Les gens connaissent mon bilan de maire d'arrondissement… Je suis le régional de l'étape !" clame l'élu, 62 ans dont 22 comme maire du 6e. Sur le marché clairsemé de la place Monge, il est bien placé pour dépeindre, à qui veut l'entendre, la candidate officielle comme une "parachutée". "Il faut quand même souligner qu'à l'heure où l'on se parle, elle est députée de l'Essonne et élue municipale dans le 14e arrondissement", rappelle-t-il malicieusement. "Les gens en ont marre. Ils se sont déjà pris Fillon, qui a été absent pendant cinq ans. Ils voient bien que NKM, elle n'en a rien à cirer d'eux."

Le maire du 6e arrondissement de Paris, Jean-Pierre Lecoq (G), en campagne le 31 mai 2017. (ILAN CARO / FRANCEINFO)

Dans le camp Lecoq, tout est bon pour enfoncer NKM, son supposé "zapping idéologique" et ses "engagements ondulatoires"... "Il y a en fait deux candidats En marche ! dans cette circonscription : l'original et la copie", appuie encore l'édile. Pour lui, pas de doute : quoi qu'il arrive, elle a déjà perdu l'élection. "Vous ne vous rendez pas compte… Le rejet qu'elle suscite est impressionnant !" 

La bataille pour la Mairie de Paris a déjà commencé

Derrière les cris d'orfraie contre le macronisme à demi-avoué de la candidate se cache aussi une bataille stratégique sans grand rapport avec les législatives. Inutile d'ailleurs d'interroger Jean-Pierre Lecoq sur les bisbilles internes à la droite au Conseil de Paris : il en parle spontanément avec un sourire non dissimulé. Début juillet, à mi-mandat municipal, le poste de président du groupe des Républicains à l'hôtel de ville doit être remis en jeu. Et à en croire Lecoq, là encore, c'est sûr : "NKM ne sera pas renouvelée. Sur 55 membres, seulement une dizaine la soutiennent !"

"L'objectif est de m'éliminer de la bataille de Paris", peste Nathalie Kosciusko-Morizet, rencontrée lors d'une de ses "permanences mobiles" quotidiennes dans les rues de Paris. Elle dénonce "un déchaînement de violence politique" et une "association des sectarismes" à son encontre. "Certains ont beaucoup d'arrière-pensées municipales", envoie-t-elle à destination de "ces barons de la droite parisienne qui, depuis quinze ans, ne pensent qu'à protéger leurs situations".

L'élection municipale de 2020 serait aussi la raison pour laquelle, selon elle, En marche ! lui a mis un concurrent, Gilles Le Gendre, dans les pattes. "Dans un meurtre, il y a les hommes de main et les commanditaires", soupire NKM, qui y voit l'œuvre de Benjamin Griveaux, porte-parole d'Emmanuel Macron pendant la campagne, et qui se verrait bien dans le fauteuil d'Anne Hidalgo dans trois ans.

L'ombre de Rachida Dati

Comme si cela ne suffisait pas, Nathalie Kosciusko-Morizet doit en plus composer avec la candidature d'Henri Guaino. Loin des querelles de clochers parisiano-parisiennes, l'actuel député des Yvelines est venu croiser le fer ici dans l'espoir de susciter le débat interne dont la droite aurait besoin au niveau national. Pour cela, quoi de mieux que de se confronter à l'ancienne ministre ? "Nathalie est progressiste, libertaire, adepte de la mondialisation heureuse… Elle est dans la politique de l'air du temps." Bref, son exact opposé. "Cette élection est l'occasion d'une clarification entre deux lignes. Et c'est dans cette circonscription qu'elles vont le mieux s'incarner", juge l'ancien conseiller spécial de Nicolas Sarkozy.

Henri Guaino, candidat dans la 2e circonscription de Paris, le 1er juin 2017 dans une rue du 7e arrondissement. (ILAN CARO / FRANCEINFO)

Guaino, Lecoq… "Ces gens ne cherchent même pas à gagner, ce sont des candidatures pour faire perdre", dénonce NKM. Derrière ces dissidences plane l'ombre de Rachida Dati. La maire du 7e arrondissement, furieuse que François Fillon lui ait préféré NKM, avait promis la guerre nucléaire. Mission accomplie : "Elle a poussé Guaino, elle soutient Lecoq, et elle a placé une de ses anciennes conseillères d'arrondissement comme suppléante du candidat En marche !", observe-t-on dans l'entourage de la candidate LR. Cette dernière conclut : "Rachida Dati roule pour trois candidats dans cette élection." Mais certainement pas pour NKM.

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