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Les partis vont tirer les enseignements des régionales avec en ligne de mire l'élection de 2012

A moins de deux ans de la présidentielle, l'analyse des nouveaux rapports de force nourriront sans conteste la réflexion des partis politiques dans les prochains jours.
Article rédigé par Catherine Rougerie
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 6 min
Les élections régionales ont modifié le rapport des forces entre les partis. (France 2)

A moins de deux ans de la présidentielle, l'analyse des nouveaux rapports de force nourriront sans conteste la réflexion des partis politiques dans les prochains jours.

Si la France des régions est à forte dominante "rose", ce n"est pas tant le résultat d"un vote massif d"adhésion à la gauche que le fait que l"électeur de droite est resté chez lui. Gare aux erreurs d"interprétation donc côté PS, sources de futures désillusions.

L"alliance rose / vert va devoir transformer l"essai en consolidant les bases d"un socle majoritaire.

A droite, tel un caillou dans la chaussure, le Front National est revenu empoisonner les affaires de l"UMP. Sur les 12 régions où le FN était présent, il a en effet rendu impossible, arithmétiquement, la victoire de la majorité présidentielle. Pire. Traditionnellement, une majorité des électeurs du FN se reportait sur la droite au second tour. Mais « les électeurs du FN sont devenus très antisarkozistes » souligne Bruce Teinturier, dans le Monde daté du 20 mars.

Que va faire Nicolas Sarkozy ?

Il va devoir réviser sa stratégie et donner des gages à son camp. Le procès de la gouvernance sarkozyste s"est ouvert dès l"entre-deux-tours, plusieurs responsables de la majorité, comme Alain Juppé, réclamant une meilleure hiérarchisation des réformes et une remise en cause de l"ouverture.

Et le chef de l"Etat a trop besoin de la majorité parlementaire pour faire passer certains textes délicats, mal engagés, pour ne pas prendre en compte les critiques, jusque-là contenues. Va-t-il lâcher du lest sur certaines des réformes ? Reporter la réforme du code de procédure pénale, amender celle des collectivités locales ?

Lors de sa campagne présidentielle, Nicolas Sarkozy avait trouvé l"équation gagnante en séduisant en même temps un électorat de la droite traditionnelle, notamment un électorat âgé avec un discours décomplexé sur la sécurité et l"immigration, et un électorat populaire, qui aurait pu être tenté par la gauche, mais qui s'est laissé griser par le discours autour du pouvoir d"achat, du travail, de la lutte contre le chômage ou la désindustrialisation du pays. Deux ans et demi plus tard, la déception est patente.

Certes, la crise est passée par là, mais la politique fiscale menée par le gouvernement Fillon a aussi laissé des traces. L"électorat populaire s"est senti floué. Quant aux électeurs de la droite traditionnelle, eux n"ont goûté ni à la politique d"ouverture du chef de l"Etat, ni même, parfois, à ses comportements.

Par ailleurs, le chef de l"Etat ne dispose pas d"une grande marge de manœuvre. Elle est quasi nulle sur la partie économique et sociale vue la situation dans la laquelle se trouve la France et sauf à renier ce qui a fait l"essence même du « sarkozysme », à savoir la rupture. Le terme de « pause » utilisé par le chef de l"Etat, dans son interview au Figaro, au-delà même de l"opportunité de l'entretien, a en d"ailleurs surpris plus d"un.

Restent les symboles, "remaniement léger" et recalage idéologique.

Côté casting, certaines des « prises » symboliques » de Nicolas Sarkozy, pourraient être sacrifiés sur l"autel d"un retour aux fondamentaux. Bernard Kouchner, Fadela Amara, ou Marin Hirsh, qui a mis sur orbite son projet de « service civique », pourraient voir leur mandat s"achever.

Autres membres du gouvernement sur la sellette, les ministres têtes de liste. La sanction pourrait être fatale pour Valérie Létard et pour Xavier Darcos qui doit conduire la réforme des retraites, grand chantier du quinquennat. Laisser aux manettes d"un tel dossier, un ministre fragilisé, n"est sans doute pas des plus opportuns. A l'inverse, la probabilité de voir apparaître ou réapparaître au sein du gouvernement des figures de la droite traditionnelle est grande.

Au-delà des personnes, les accents d"une droite décomplexée, en clair les thèmes qui avaient plutôt bien réussi au candidat Nicolas Sarkozy, pourraient bien ressurgir.

Le Président pourrait enfin revenir sur plusieurs mesures telle la taxe carbone qui, si elle séduit une frange ténue de « bobos verts », n"emporte adhésion ni de l"électorat populaire, ni de la droite traditionnelle.

Mais c"est sur la scène internationale que Nicolas Sarkozy retrouvera, une fois n"est pas coutume, un terrain plus porteur. Le calendrier lui est favorable avec un voyage aux Etats-Unis prévu dans les prochaines semaines et surtout le pilotage du G20 par la France, de fin 2010 au printemps 2011.

Les obstacles de la gauche

L"une des chances du PS réside dans la probable poursuite de la politique économique et sociale menée par le gouvernement et dans un raidissement à droite. Si tel est bien le cas, la gauche a un boulevard devant elle, à condition de refonder sa doctrine et d'être en mesure de proposer une politique économique alternative.

Le temps est compté. La convention nationale du PS sur un nouveau modèle de développement économique, social et écologique est prévu en mai. Le projet qui en sortira devra être « écolo-compatible » et aussi acceptable pour le Front de Gauche. Pas simple.

« Ne pas mélanger les échéances, ni céder à l"obsession française de la présidentielle » a d'ailleurs mis en garde Cécile Duflot.

« Respecter les autres et être ouvert aux idées des autres si on veut construire un projet pour l"avenir » a prévenu Martine Aubry, jeudi au café de l"Industrie, lors d"une conférence de presse commune aux côtés de Cécile Duflot, benjamine des Verts et Marie-Georges Buffet, la patronne du PCF. La photo de famille était plutôt réussie : beaux sourires sur les visages et 2012, dans toutes les têtes.

La gauche plurielle a été un échec, éliminé du 1er tour aux élections présidentielles. L"enjeu est de ne pas reproduire des alliances factices qui s"écroulent au 1er choc. A écouter les nouveaux partenaires, la leçon a été comprise… mais la sagesse résistera-t-elle aux ambitions, contenues dans l"entre deux tours, des uns et des autres ?

Le PS est en position de force. Il domine. Europe Ecologie est désormais une force importante dans le pays mais ne menace pas directement le PS d'autant qu'elle n"a pas de candidat pour la présidentielle. Daniel Cohn-Bendit, qui aurait pu l"être, a officiellement décliné l"offre.

En outre, les écologistes sont devant un double choix stratégique. D"abord, l"organisation du parti. Europe Ecologie doit-elle fusionner avec les Verts ?

Ensuite, la stratégie pour 2012. Europe Ecologie doit-elle s'allier avec le PS. Si l"écologie n"est pas intrinsèquement de gauche, les données sociales égalitaristes, les enracinements idéologiques font tout de même plutôt pencher les écologistes du côté des socialistes.

Déjà, des dissensions se font jour. Certains sont partisans de poursuivre seul l"aventure et de se poser en « concurrent » du PS. D"autres, tel Daniel Cohn-Bendit, penchent pour laisser la barre du navire aux socialistes sous réserve de négocier, notamment des places ou gouvernement et au Parlement.

Les abstentionnistes, en situation d"attente

L"abstention record au premier tour a touché tous les partis révélant un affaiblissement général de l"électorat. Que feront ces abstentionnistes dans les prochains mois ? Rejoindront-ils Europe Ecologie ? Le Front de Gauche ?

Adhéreront-ils au Front National ? La probable future présidente du parti, Marine Le Pen, outre qu"elle apparaît plus « fréquentable » que son père, possède une force d'attraction non négligeable. A moins que les déçus des partis ne se laissent tenter par une future nouvelle formation politique.

Dominique de Villepin n"a pas commenté le scrutin au lendemain du premier tour. Mais il se prépare pour 2012. Tout comme Ségolène Royale, relancée par une victoire haut la main et plus que jamais déterminée.

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