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Les comptes de Balladur "étaient irréguliers", affirme un ex-membre du Conseil constitutionnel

Ancien membre du Conseil constitutionnel, Jacques Robert affirme dans le Parisien du jeudi 1er décembre que "les comptes du candidat Balladur [en 1995] accusaient 10 millions de francs de recettes d’origine inconnue. Ils étaient donc irréguliers".
Article rédigé par Pierre Magnan
France Télévisions
Publié Mis à jour
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Edouard Balladur (AFP)

Ancien membre du Conseil constitutionnel, Jacques Robert affirme dans le Parisien du jeudi 1er décembre que "les comptes du candidat Balladur [en 1995] accusaient 10 millions de francs de recettes d'origine inconnue. Ils étaient donc irréguliers".

Un ancien membre du Conseil constitutionnel, Jacques Robert, un juriste, nommé par Laurent Fabius en 1989, décrit dans "Le Parisien" de jeudi comment les neuf sages ont validé, en 1995, les comptes de campagne d'Edouard Balladur (et de Jacques Chirac) malgré la connaissance de l'origine mystérieuse des sommes versées sur son compte de campagne.

"Une première dans l'histoire de la Ve République", selon le quotidien. Les membres du Conseil constitutionnel, actifs ou anciens, sont tenu au secret des délibérations.

Octobre 1995. Le Conseil constitutionnel étudie les comptes de campagne des candidats à la présidentielle. Les rapporteurs chargés d'étudier les comptes délivrent un rapport sans complaisance sur les recettes d'Edouard Balladur: "Leur rapport, présenté en séance pleinière, était sans équivoque : les comptes du candidat Balladur accusaient 10 millions de francs de recettes d'origine inconnue. Ils étaient donc irréguliers", affirme M. Robert.

Outre les comptes de Balladur, ceux de Jacques Chirac n'étaient pas non plus conformes mais 'les irrégularités n'avaient pas une telle ampleur", précise-t-il.

"Ils ont fini par présenter des comptes exacts"

Le témoignage que délivre M. Robert dans au Parisien est édifiant. "Nous (les neuf membres du Conseil) étions tous très ennuyés. Roland Dumas, président du Conseil, a alors pris la parole. 'Nous ne sommes pas là pour flanquer la pagaille, a-t-il dit. Les Français ne comprendraient pas qu'on annule l'élection pour une affaire de dépassement de crédits. Il faut trouver une solution'".

"Il s'est tourné vers les rapporteurs, poursuit-il. 'Des postes ont peut-être été majorés ? Si vous baissiez cette somme, ce serait pas mal…' La séance a été suspendue. Les trois rapporteurs se sont retirés pour travailler. Au bout de cinq ou six heures, quand ils sont revenus, le montant avait été réduit, mais les comptes étaient encore largement dépassés."

"Roland Dumas leur a demandé de faire un effort supplémentaire, continue M. Robert. Les rapporteurs se sont retirés à nouveau. Ils ont fini par présenter des comptes exacts… à 1 franc près. Sans doute pour montrer qu'ils n'appréciaient pas d'être pris pour des imbéciles".

Les comptes ont donc été finalement validés. M. Robert estime que "la raison d'Etat l'avait emporté sur le droit" et que "Roland Dumas, Jacques Chirac et Edouard Balladur se tenaient à l'époque par la barbichette".

"Ma campagne a été financée dans le respect de la législation"

Le témoignage de M. Robert pourrait interesser les magistrats instructeurs qui enquêtent sur l'affaire Karachi, et notamment le juge Van Ruymbeke. La justice cherche en effet à savoir d'où proviennent les 10 millions de francs qui ont alimenté le compte de campagne de M. Balladur et travaille sur d'éventuelles rétrocommissions dans le cadre d'une vente d'armements au Pakistan.

Dans un livre publié au Cherche-Midi ("Coups et blessures"), l'ancien président du conseil constitutionnel, M. Dumas, reconnaissait que les comptes de M. Balladur étaient sujet à caution. Et il justifiait leur validation au nom de "l'intérêt du pays".

Sollicité en novembre 2010 par le juge Van Ruymbeke qui souhaitait consulter les archives des débats sur cette délibération, l'actuel président du Conseil constitutionnel lui avait opposé une fin de non-recevoir.

"Ma campagne a été financée dans le respect de la législation en vigueur et validée par le Conseil constitutionnel", avait affirmé le 21 novembre dernier l'ex-Premier ministre au "Figaro". Une affirmation mise en cause par M Robert.

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