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L'économiste de Jean-Luc Mélenchon veut s'attaquer à l’inégale répartition des richesses

Bien que la tragédie de Toulouse et de Montauban ait braqué le projecteur sur les questions sécuritaires, la crise financière demeure l’un des enjeux majeurs de la présidentielle sur lequel le Front de gauche a particulièrement planché.
Article rédigé par Catherine Rougerie
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5 min
Jacques Généreux (g) et Jean-Luc Mélenchon, à Limeil-Brévannes, le 31 janvier 2009. (AFP - Boris Horvat)

Bien que la tragédie de Toulouse et de Montauban ait braqué le projecteur sur les questions sécuritaires, la crise financière demeure l'un des enjeux majeurs de la présidentielle sur lequel le Front de gauche a particulièrement planché.

Lorsque l'on interroge les Français sur leurs principales préoccupations, 49% citent la crise économique et financière et le chômage. Du côté des candidats, les propositions sont diverses à commencer par celles du président sortant, Nicolas Sarkozy, partisan d'une réduction des dépenses publiques.

Ce n'est pas du tout la position du Front de gauche qui s'oppose à toute politique d'austérité et soutient qu'il faut sortir de la logique ultralibérale. "Nous, on peut !" affirme même dans son livre Jacques Généreux, professeur d'économie à Sciences Po et partenaire de Jean Luc Mélenchon.

Comment ? M. Généreux nous livre ses solutions.

1) Que propose le Front de gauche pour faire face à la crise ?

De s'attaquer aux deux causes de la crise : la finance déréglementée, la soumission des gouvernements aux marchés financiers et la spéculation d'une part ; l'inégale répartition des richesses, d'autre part.

Ces deux causes dépriment l'activité en permanence, obligent l'Etat comme les ménages à un surendettement, et favorisent toutes les possibilités de spéculation qui sont responsables de la crise financière.

Sur la première cause, comment agissez-vous ?

Nous comptons installer une totale indépendance du financement des biens publics à l'égard de la spéculation et des marchés financiers.

Les Etats doivent d'abord reprendre le contrôle des mouvements de capitaux à leurs frontières pour combattre, voire interdire, certaines transactions purement spéculatives, par exemple les fameux CDS (contrats d'assurance sur les obligataires. Il faut surtout qu'ils cessent d'être dépendants des marchés financiers pour emprunter donc pour financer leurs dettes.

Nous demandons donc que la Banque centrale européenne (BCE) puisse prêter directement aux Etats à taux très réduit, voire à taux zéro.

Rendez-vous compte, la France débourse chaque année 50 milliards d'euros d'intérêts en pure perte, 50 milliards d'euros que l'on pourrait consacrer, par exemple, à la réduction de la dette, plutôt que d'engraisser les produits financiers.

2 ) C'est interdit par les Traités européens…

En réalité, la Banque centrale européenne le fait déjà de manière détournée. Elle intervient massivement pour prêter des liquidités aux banques en prenant en pension, donc temporairement, des dettes publiques sur les marchés secondaires. In fine, c'est exactement comme si la BCE finançait directement les banques.

Pourquoi le fait-elle sans le dire ?

Entre un circuit où la Banque centrale prête directement aux Etat à taux zéro et un circuit où elle passe par un circuit financier, cela fait des dizaines de milliards d'euros de profits pour la sphère financière. Il y a là une première explication.

L'autre raison est qu'en Europe, un certain nombre de gouvernements ont une peur quasi mythique de l'excès de création monétaire et de l'inflation. Au final pourtant, une partie des dettes que détient la banque centrale ne seront jamais rendus à leurs détenteurs initiaux et sera monétisée.

S'il n'y a donc pas moyen de négocier quoi que soit, on peut toujours désobéir partiellement au traité. M. Papaendréou aurait été bien inspiré d'agir ainsi. Il aurait dû suspendre le paiement de sa dette et réformer les statuts de sa banque nationale pour qu'elle puisse intervenir directement au côté de l'Etat. Cella aurait évité l'aggravation de la dette grecque et tous ses effets collatéraux sur l'ensemble de l'Europe.

Si nous étions au pouvoir et avions le choix entre, respecter à la lettre tous les articles du Traité et prendre quelques marges de liberté sur telles dispositions particulières pour éviter d'enfoncer notre pays et toute l'Europe dans la crise, nous n'hésitons pas une seconde. Nous choisissons la désobéissance européenne, qui n'est pas là pour détruire, mais pour mettre nos partenaires devant la nécessité de négocier.

En résumé, il faut contrôler les mouvements de capitaux, interdire un certain nombre d'instruments financiers et financer autrement notre dette publique, c'est-à-dire par la Banque centrale.

3) Sur la seconde cause de la crise, comment agissez-vous ?

Il y a une double distribution à l'envers : dans l'entreprise, une distribution défavorable aux salaires et favorable aux profits, et dans la fiscalité une redistribution qui a rendu de l'argent aux plus hauts revenus et aux revenus financiers au détriment du plus grand nombre. Nous renversons totalement la vapeur sur ces deux axes là.

Nous augmentons le Smic à 1.700 euros, ce qui enclenche une vraie dynamique de restauration du pouvoir d'achat des salariés, et nous supprimons la plupart des niches fiscales, des exonérations, des cadeaux aux grandes entreprises, aux plus hauts revenus, aux détenteurs d'actions qui ne servent à rien, ne soutiennent pas l'investissement ni l'emploi et n'ont d'autres utilités que d'augmenter des patrimoines financiers et immobiliers.

Cela représente 130 à 150 milliards d'euros.

Par ailleurs, nous mettons en œuvre une vraie réforme fiscale de l'impôt sur le revenu, et pas un gadget électoral comme celui inventé par M. Hollande avec, tout d'un coup, une tranche à 75%. On est ravi qu'il commence à se rapprocher de nos idées sauf que la méthode n'est pas celle qui propose.

Que voulez-vous dire ?
On ne peut pas avoir juste une taxe à 75% au-dessus des 1 millions d'euros de revenus et garder le système actuel. On ne passe pas de 40% d'imposition à 75% d'un coup. Cela n'a aucun sens. On voit bien là qu'on est là dans l'improvisation démagogique. Nous, nous avons une vraie réforme de l'impôt sur le revenu avec 14 tranches d'imposition extrêmement progressives, qui part de taux très bas pour aller jusqu'à 100% quand on est à 20 fois le revenu médian, c'est-à-dire au-dessus de 360.00 euros par an.

C'est le principe du salaire maximum.

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