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Tweet de Stanislas Guerini : pourquoi une femme voilée a le droit d’être candidate (et même élue)

Interpellé par Jordan Bardella sur une affiche des élections départementales où figure une candidate LREM voilée, Stanislas Guerini a menacé de retirer l’investiture à la liste en question. Une personne portant un signe religieux a pourtant le droit d’être candidate et, le cas échéant, élue.

Article rédigé par franceinfo - Emilie Gautreau
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Interpellé par Jordan Bardella sur une affiche des départementales où figure une candidate LREM voilée, Stanislas Guérini a menacé de retirer l’investiture à la liste en question (CAPTURE ECRAN / TWEET)

Tout part d'un tweet de la tête de liste du Rassemblement national en Île-de-France, Jordan Bardella, qui met en cause le fait qu'une femme apparaisse voilée sur une affiche du parti LREM pour les élections départementales (20 et 27 juin) à Montpellier (Hérault).

En réponse et en citant ce tweet, le délégué général de LREM Stanislas Guerini condamne à son tour ce port du voile, présenté comme non "compatible avec les valeurs de son parti". Le délégué général LREM a également mis en demeure les candidats du premier canton de Montpellier de changer leur photo sous peine de perdre le soutien du parti.

Les colistiers répondent "respecter la loi" et en effet, une femme voilée a le droit d’être candidate, et élue. On vous explique pourquoi.

Parce que le respect des croyances est un principe constitutionnel

L'article 1er de la Constitution indique que "la France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale." La laïcité, telle qu’établie en France par la loi de 1905 sur la séparation des Eglises et de l’Etat, s'articule autour du fait que "la République assure la liberté de conscience" et "garantit le libre exercice des cultes" dans la mesure où il respecte "l'ordre public".

La loi précise aussi que "la République ne reconnaît, ne salarie, ni ne subventionne aucun culte". Elle préserve donc le respect de toutes les croyances religieuses en leur assurant une stricte égalité. L’exercice de la liberté religieuse dans l’espace public est directement lié au principe de laïcité et trouve ses origines dans la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, dont l’article 10 dispose que "nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la loi".

Parce que l’obligation de neutralité ne s’impose pas aux candidats

La neutralité religieuse, prévue par le droit français, n'est imposée qu'aux agents publics. Ainsi, parce qu’ils représentent l’Etat, les fonctionnaires ne peuvent pas arborer de signes religieux ostensibles. Dans un avis du 3 mai 2000, le Conseil d’Etat a d'ailleurs rappelé que "le principe de liberté de conscience", de "laïcité de l'Etat" et de "neutralité" s'appliquent à l'ensemble des services publics. Et que "le principe de laïcité fait obstacle à ce que  [les agents publics] disposent, dans le cadre du service public, du droit de manifester leurs croyances religieuses".  

C’est donc bien dans le cadre du service public, ou en tant que représentant d’une administration publique, qu’une personnalité politique est tenue à la neutralité. Par exemple, un maire, qui est officier d’Etat civil, lorsqu’il célèbre un mariage a une fonction publique et ne peut donc pas manifester sa religion.

En revanche, contrairement aux agents publics, les élus (et donc les candidats) peuvent revendiquer ou manifester une appartenance à une religion parce qu’ils représentent, non pas l’Etat, mais la société française. "La loi n'interdit pas de se présenter avec un signe religieux" a ainsi argumenté, sur franceinfo mardi 11 mai Caroline Janvier, députée LREM du Loiret. "La loi, ajoute t-elle, oblige les représentants de l'État, la puissance publique à une neutralité, mais pas les élus qui peuvent, et on en connaît certains, des gens comme Christine Boutin, défendre leurs convictions religieuses ou leur appartenance à une religion. Libre, ensuite, aux électeurs de voter ou non pour eux."

Parce qu'afficher son appartenance à une religion est sans incidence sur la liberté de choix des électeurs

Le fait qu’une candidate apparaisse voilée lors d'une campagne électorale s’est déjà produit. Ainsi, lors des élections régionales de 2010, le NPA (Nouveau parti anticapitaliste) avait présenté une femme voilée sur l’une de ses listes.

Le Conseil d’État avait été saisi et avait confirmé la validité de sa candidature. Il avait ainsi estimé que le fait "qu'un candidat à une élection affiche son appartenance à une religion est sans incidence sur la liberté de choix des électeurs et ne met pas en cause l'indépendance des élus" et "qu'aucune norme constitutionnelle, et notamment pas le principe de laïcité, n'impose que soit exclues du droit de se porter candidates à des élections des personnes qui entendraient, à l'occasion de cette candidature, faire état de leurs convictions religieuses". Le Conseil d’Etat avait de fait rejeté la demande de l’association qui souhaitait invalider cette candidature.

En conclusion, la demande de Stanislas Guerini ne répond pas à un impératif juridique mais à un choix politique. D'ailleurs, le porte-parole du gouvernement Gabriel Attal a, sur franceinter mardi 11 mai, précisé que "juridiquement, rien n'empêche une personne de se présenter à une élection avec un signe religieux, en l'occurrence un voile", mais que "pour la République en Marche, effectivement, on ne souhaite pas présenter de candidats qui s'affichent sur des documents officiels de campagne avec un signe ostensible religieux."

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