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Fraude sociale : Sarkozy reprend son discours de 2006

La lutte contre la fraude aux prestations sociales est au cœur du déplacement du président à Bordeaux. C'était aussi son cheval de bataille jusqu'en 2008. 

Article rédigé par Salomé Legrand
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5 min
Nicolas Sarkozy le 20 janvier 2011 à Châtillon-sur-Indre (Indre) lors de ses vœux aux personnels de santé.  (ALAIN JOCARD / AFP )

Sus aux fraudeurs ! A Bordeaux (Gironde) mardi 15 novembre, Nicolas Sarkozy se rendra dans une caisse d’allocations familiales (CAF), avant de prononcer un discours "sur la préservation de notre modèle social et l'importance de la lutte contre les fraudes dans ce domaine", prévient l'Elysée. Comme la sécurité, cette question est un thème fétiche du président de la République.

Entre une récurrence dans le discours et des mesures qui tardent à être mises en œuvre, retour sur ce qui a été annoncé et/ou réalisé depuis 2006.

Des "atteintes au pacte social"

Premier coup de boutoir de Nicolas Sarkozy contre la fraude sociale : le 27 mars 2006 à Douai (Nord). Alors ministre de l’Intérieur, il déclare : "Ce que je dénonce, ce sont les abus, les fraudes et les gaspillages qui fragilisent l'édifice de nos solidarités." Avant de s’insurger : "Est-il normal, comme cela a pu être établi, qu'on laisse une patiente consulter en moyenne 75 médecins par mois, consommer 12 boîtes par jour d'anxiolytiques achetés dans 27 pharmacies différentes ? (…) Toutes les fraudes aux Assedic ou au RMI, tous les arrêts de travail de complaisance ou les prestations versées à des familles en situation irrégulière sont autant d'atteintes au pacte social."

Trois mois plus tard, à Paris, il formule deux propositions : "L'instauration d'une carte de crédit santé sécurisée, comportant des éléments de biométrie" et une activation des "capacités de contrôle des anomalies dans la consommation et la prescription des soins". Elles resteront lettre morte.

Une promesse électorale

Mais Nicolas Sarkozy en a fait un thème de campagne. Entre octobre 2006 et mai 2007, une vingtaine de discours portent des attaques explicites contre les fraudeurs. Devant les chirurgiens le 2 octobre 2006, il dénonce "le poids des gaspillages, des abus et des fraudes dans la dérive des finances de l'assurance-maladie". Dix jours plus tard à Périgueux (Dordogne) : "Je veux un Etat qui ne soit pas fragilisé par le laxisme et par la fraude."

Interviewé sur France 2 fin novembre de la même année, il propose, sans la détailler, "une véritable stratégie de traque de la fraude". En décembre 2006, il affirme que "l'absurdité est à son comble quand il arrive que l'accumulation des aides (…) place les personnes inactives en situation de percevoir, sans aucun travail, des revenus identiques" à ceux des salariés au smic.

Et ça s’accélère en 2007. Ainsi à Perpignan (Pyrénées-Orientales) en février : "Comment le principe d'autorité pourrait-il encore avoir un sens dans une société où le fraudeur s'en tire toujours tandis que le travailleur peine à boucler ses fins de mois ?" A Lorient (Morbihan), le 3 avril 2007, il prononce 33 fois les mots "fraude" et "fraudeurs". Extrait : "Je veux être le président qui n'aura aucune indulgence envers les fraudeurs. Je veux être le président qui mettra tout en œuvre pour combattre la fraude et punir les fraudeurs quels qu'ils soient."

Un engagement qu’il déclinera presque tous les jours en avril 2007, de Tours (Indre-et-Loire) à Toulouse (Haute-Garonne) en passant par Meaux (Seine-et-Marne), Metz (Moselle) et Issy-les-Moulineaux (Hauts-de-Seine).

Un dispositif qui peine à se mettre en place

Le 30 août 2007, lors d’une de ses premières prises de parole depuis son élection, Nicolas Sarkozy réaffirme : "J'irai aussi loin que possible dans la lutte contre la fraude", tout en promettant un dispositif "sans tarder", notamment contre le travail au noir et la contrefaçon.

Se présentant comme le premier à s’attaquer "vraiment" à la question, il propose à nouveau deux mesures le 18 septembre 2007 : "que les fraudeurs aux prestations sociales puissent perdre leur droit à prestations pendant une ou plusieurs années", ainsi que des "peines plancher" contre les entreprises qui pratiquent le travail au noir. 

Finalement, dans la lettre de mission adressée à Eric Woerth, ministre du Budget, le 11 octobre 2007, la lutte contre la fraude devient bien "un objectif prioritaire", mais c’est sur la fraude aux prestations sociales que "les efforts les plus importants sont à mener".

Les anomalies comptabilisées

En janvier 2008, un fichier national unique pour les 123 caisses d'allocations familiales est "prêt et opérationnel", annonce Eric Woerth. Il doit permettre de détecter "ceux qui pratiquent le grand écart consistant à déclarer d'un côté des revenus importants pour toucher des arrêts maladie importants et de l'autre à déclarer des revenus pas très importants pour toucher des prestations".

Le 16 avril 2008, une délégation nationale à la lutte contre la fraude (DNLF) est créée.

Le 18 septembre, Nicolas Sarkozy annonce la mise en place de peines plancher, c’est-à-dire des amendes minimum pour les fraudeurs à la Sécu. Proposition qui sera intégrée à la loi de financement de la Sécurité sociale dix jours plus tard : ce sera 1 350 euros pour les professionnels de santé et 270 euros pour les particuliers.

Selon un bilan d’Eric Woerth en novembre 2008, les peines plancher contre le travail au noir auraient été "utilisées 224 fois, rapportant 1,3 million d'euros". Le fichier national de la CAF, lui, aurait permis "de découvrir 165 000 anomalies sur 34 millions de dossiers".

Depuis, plus rien.

"Pas du système D, mais du vol"

L’offensive sur la fraude revient en avril 2011 par la voix de Xavier Bertrand, qui profite de sa visite dans un comité opérationnel départemental anti-fraude (Codaf) à Rennes (Ille-et-Vilaine) pour annoncer "un passage à la vitesse supérieure". Le ministre du Travail et de la Santé martèle alors : "La fraude, ce n'est pas du système D, c'est du vol", estimant que les contrôles des arrêts de travail avaient permis d'économiser "plusieurs centaines de millions d'euros".

L’été 2011 est l’occasion de ressortir un projet de 2006. Le 7 août, le député UMP et ministre des Transports, Thierry Mariani, souhaite un "fichier des allocataires sociaux". Xavier Bertrand lui emboîte le pas et l’annonce pour "avant la fin de l’année". Un fichier qui ressemble drôlement au Répertoire national commun de la protection sociale (RNCPS) prévu depuis une loi du 21 décembre 2006, et dont le décret d’application n’est paru qu’en 2009, sans être suivi d’une mise en œuvre.

Fin octobre, s’appuyant sur un rapport parlementaire du député UMP des Bouches-du-Rhône Dominique Tian, l’Assemblée vote un certain nombre d’amendements pour renforcer la lutte anti-fraude, comme la retenue sur les futures allocations des sommes indûment perçues.

De son côté, Nicolas Sarkozy n’a prononcé qu’une phrase sur la question, le 20 janvier 2011 à Châtillon-sur-Indre (Indre) lors de ses vœux aux acteurs de santé : "Et si des fraudes aux prestations maladie sont détectées, il faut les pourchasser, sans relâche."

Un retard qu’il compte bien rattraper aujourd’hui.

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