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François Fillon a-t-il pris un mauvais départ ?

L'état de grâce a été de courte durée pour François Fillon. Trois semaines après sa désignation, le candidat de la droite est sous le feu des critiques. Mais lui et ses proches affirment qu'ils s'attendaient à des turbulences.

Article rédigé par Sophie Brunn
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5 min
François Fillon à l'Assemblée nationale, le 13 décembre 2016. (MICHEL EULER/AP/SIPA / AP)

"On va avoir deux mois pour travailler tranquilles, l'attention se portera sur la primaire de la gauche, personne ne va nous emmerder, tant mieux." Voilà ce que disait à franceinfo un très proche de François Fillon, à deux jours du second tour qui allait sacrer le champion de la droite le 27 novembre. Plus de trois semaines après sa désignation, force est de constater que François Fillon a bel et bien été "emmerdé". Par la gauche et le Front national, qui en ont fait une cible de choix. Mais aussi par une partie de son camp, qui semble avoir un peu de mal à se rassembler derrière lui sans sourciller. Retour sur ces premières semaines de campagne compliquées.

Le projet santé : un rétropédalage pour crever l'abcès

Ses adversaires de la primaire de la droite l'avaient anticipé, ses partisans peut-être pas assez. Dans le camp de Juppé comme dans celui de Sarkozy, on s'attendait à ce que les premières semaines du candidat Fillon soient difficiles. Tout simplement parce qu'après des mois de campagne passés dans l'ombre, relativement à l'abri du fait de son statut de challenger, il allait dorénavant être sous les projecteurs. Et cela n'a pas tardé.

Lors du débat de l'entre-deux-tours, Alain Juppé pointe du doigt les propositions de François Fillon en matière de santé. Une critique ensuite abondamment reprise par le Front national, par tous les candidats à la primaire de la gauche, et jusqu'au Premier ministre, Bernard Cazeneuve, dans son discours de politique générale. "Cela prouve qu'aucun détail ne sera laissé de côté par nos adversaires", soupire aujourd'hui l'un de ses soutiens. "Il va falloir qu'on soit très attentifs aux mots qu'on emploie, la moindre déclaration peut être sortie de son contexte et caricaturée."

La polémique a tellement enflé qu'elle a contraint François Fillon à revenir sur son projet et annoncer une "convention" pour préciser son programme. Une simple "mise au point" pour ses soutiens. Un vrai rétropédalage pour beaucoup. Le député Serge Grouard, filloniste de la première heure, explique ainsi l'ampleur prise par cette polémique : "Elle est tombée à un moment de transition entre deux équipes, celle de la primaire et celle de la présidentielle, qui n'était pas encore constituée. Ça explique le flottement."

Pour la députée Isabelle Le Callennec, qui fait partie de l'équipe chargée du projet, c'est la preuve que c'est bien le candidat de la droite qui donne le tempo dans cette campagne : "C'est sur lui que se calent ses concurrents, c'est lui qui lance les débats. Nous attendons qu'en face, ils détaillent leurs programmes." 

Ce n'est pas tout à fait ce que pense cet autre député, récemment rallié à Fillon, qui voit un avantage à ce "rétropédalage" de décembre. "A la fin, d'une façon ou d'une autre, on aurait dû rétropédaler. Autant éviter que le sujet devienne un sparadrap de campagne, celui-ci est assez dangereux, mieux vaut le solder tout de suite." Idem pour la "convention santé", prévue en janvier : "Il ne faut pas trop traîner. Plus tôt on évacuera l'épine, moins elle s'infectera."

La Syrie : une discrétion assumée

"Sur la Syrie, il a dit ce qu'il avait à dire", estime l'un de ses soutiens. Certes, mais sur la forme, François Fillon a fait le minimum : un simple communiqué de presse en milieu de semaine dernière. Pas de prise de parole médiatique pour défendre sa vision du conflit, à l'opposé de celle de la diplomatie française.

Mais ne croyez surtout pas que François Fillon n'a pas voulu assumer son positionnement pro-russe, alors qu'Alep était en train de tomber sous les bombes du régime. Serge Grouard s'insurge: "C'est le premier des responsables français à avoir pris la parole, à avoir dit qu'on allait dans une impasse. Qui peut dire aujourd'hui qu'il a tort? Chaque drame lui donne raison. C'est bien gentil de gesticuler, de se scandaliser, mais ça produit quoi sur le terrain ?" La discrétion de François Fillon est volontaire. "Vous lui reprochez ce qu'il est, affirme Serge Grouard. Il n'est pas en permanence dans une certaine logique médiatique."

Isabelle Le Callennec abonde : "Il a dit qu'il ne serait pas le président des petites phrases et des faits divers. Sa parole doit rester utile et juste". Un autre député constate, sans savoir s'il faut s'en réjouir ou le déplorer : "Vous connaissez Fillon, ce n'est pas Sarkozy. Il ne va pas se mettre à faire des '20 heures' tous les jours, il ne va pas répondre en permanence à tous les sujets, il a son rythme, il va continuer comme ça. Et ça ne lui a pas si mal réussi jusque-là." François Fillon a prévu d'être l'invité d'un journal de 20 heures début janvier.

Le rassemblement : opération réussie... au moins sur le papier

Il lui a fallu à peine trois jours, après avoir remporté la primaire, pour mettre la main sur le parti. François Fillon n'a pas perdu de temps pour placer ses hommes de confiance aux postes clefs chez Les Républicains. Indispensable pour avoir "une bonne articulation entre ce qu'on défend et ceux qui vont le dire à l'extérieur", explique un de ses soutiens. Et en trois semaines, il a constitué une équipe de campagne, certes pléthorique, mais où tout le monde est servi. "Il y avait quand même des réglages à opérer : passer d'une organisation de campagne de primaire à une équipe de présidentielle, passer de 2-3 personnalités qui vous soutiennent, à 200 personnes, mettre la main sur le parti... tous ces réglages ne peuvent pas être faits en trois jours, c'est un rodage de la campagne", explique un de ses proches. 

Les juppéistes, qui avaient été peu intégrés au parti - et l'avaient fait savoir -, ont cette fois récupéré de bonnes places. De nombreux sarkozystes sont aussi aux premières loges. Pas assez cependant aux yeux de Laurent Wauquiez, qui n'hésite pas à parler de "purge" des sarkozystes dans le JDD. Visiblement, le rassemblement n'est pas encore tout à fait achevé.

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