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"On ne peut pas en faire seulement une femme transparente" : la dernière réplique de la défense pour réhabiliter les époux Fillon

Penelope Fillon, son mari et l'ancien suppléant de ce dernier étaient jugés, principalement pour détournement de fonds publics. Au lendemain d'un réquisitoire impitoyable, les avocats des prévenus ont plaidé, mercredi, la relaxe générale.

Article rédigé par Violaine Jaussent
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5 min
François et Penelope Fillon, ainsi que l'avocat de cette dernière, Pierre Cornut-Gentille, lors de leur arrivée au tribunal de grande instance de Paris, le 24 février 2020. (SAMUEL BOIVIN / NURPHOTO / AFP)

"Elle ne se met jamais en avant. Elle ne sait pas se faire valoir. Mais comment se défendre de ne pas être une femme différente de celle qu'on est ?" Elle, c'est Penelope Fillon, invitée à s'exprimer une dernière fois devant les juges, mercredi 11 mars. Mais la discrète assistante parlementaire, contre laquelle le parquet national financier (PNF) a requis, la veille, trois ans de prison avec sursis, n'a rien souhaité ajouter. Pas plus que son époux, François Fillon, ni son ancien suppléant à l'Assemblée. Le PNF a réclamé cinq ans de prison, dont deux ferme, à l'encontre de l'ancien Premier ministre, et deux ans de prison avec sursis contre Marc Joulaud. Lors de l'ultime journée du procès, consacrée aux plaidoiries de la défense, les six avocats des prévenus se sont efforcés de démonter les soupçons d'emplois fictifs de Penelope Fillon. Et, parfois, de la réhabiliter.

Son avocat prend la parole en fin de matinée. "Ce que vous avez à juger, c’est la réalité de son emploi, la réalité de sa mission", commence Pierre Cornut-Gentille. Quelle était, justement, sa mission ? La question a largement occupé les débats, pendant plus de deux semaines. a nous ramène en 1981 : les époux Fillon font un choix. François Fillon décide d’embrasser une carrière politique et elle, de l’accompagner", répond l'avocat. Le couple met en œuvre une "collaboration adéquate". Penelope Fillon est chargée d'"entretenir une relation essentielle" entre son député de mari et les "électeurs ruraux". Etait-ce la femme qui agissait, ou l'assistante parlementaire ? L'avocat plaide le mélange des genres.

Tout homme politique aime avoir près de lui quelqu'un qui ne fait pas carrière.

Pierre Cornut-Gentille, avocat de Penelope Fillon

dans sa plaidoirie

Quid de son emploi d'assistante parlementaire auprès de Marc Joulaud ? "Elle est la femme du député titulaire", elle est donc "utile" à François Fillon pour "garder la majorité dans cette circonscription". "Elle rend ce service à la fois à François Fillon et à Marc Joulaud", insiste Pierre Cornut-Gentille.

"Vous ne lui rendrez pas son honneur"

"C'est important qu’elle soit telle qu’elle est", martèle l'avocat de Penelope Fillon à propos de sa cliente, qui retourne aux procureurs leurs arguments. Mardi, dans un réquisitoire impitoyable, l'un des magistrats du PNF, Aurélien Létocart, avait raillé la discrétion, de Penelope Fillon, "un argument pas recevable". Pierre Cornut-Gentille y voit au contraire "des qualités pour les électeurs." "Dans la Sarthe, vaut-il mieux être Penelope Fillon ou Cécilia Sarkozy ? Penelope Fillon assurément, elle n'est pas parisienne, elle déteste Paris !", lâche-t-il. Rires dans la salle.

Mais l'avocat ne veut pas plaisanter avec le sort de sa cliente. Il demande la relaxe pour le détournement de fonds publics et la complicité d'abus de biens sociaux. "Penelope gate, Penelope gate !", scande-t-il ensuite. "Cela veut dire que Penelope est à l’origine de ce scandale. Elle m’a dit : 'Je n’ai plus supporté mon prénom après tout ça.'" Il s'autorise cette confidence, sans oublier de répondre au PNF, qui a qualifié la prévenue de "victime consentante". L'avocat dénonce cette "violence" d'en faire "un instrument dans les mains de son mari". "Vous ne lui rendrez pas son honneur, mais vous rendrez la justice", demande-t-il au tribunal avant de se rasseoir.

"Elle a un véritable rôle politique local"

En début d'après-midi, Antonin Lévy attaque fort. "Dans cette époque de passion et de discrédit de la politique, tout a été dit je crois. Sauf l’essentiel. C'est une chose toute simple : la vérité." L'avocat de François Fillon veut livrer la sienne. Très en verve, il s'élève contre un "brûlot", une "enquête folle", ouverte en janvier 2017 en pleine campagne présidentielle, après un article du Canard enchaîné. "On a tout épluché, tout !" "Quarante-quatre personnes [ont été] entendues", rappelle l'avocat. Il reprend ces témoignages, un à un, pour les brocarder et les écarter. Pourquoi n'avoir "pas donné suite" à ceux qui étaient plus favorables ? interroge Antonin Lévy. Car "pour pouvoir être entendu, et vite, il faut dire que Penelope Fillon n'a pas travaillé", tacle-t-il.

Le rôle de collaboratrice parlementaire de Penelope Fillon n'était connue que de "neuf personnes, neuf !" Pour l'avocat de son mari, cela suffit. "On ne peut pas en faire seulement une femme transparente, une mère de famille, une femme au foyer"déclame-t-il d'une voix forte, en appuyant chaque mot. Il en veut pour preuve le plan de table d'un repas entre militants réalisé par Penelope Fillon. Il le brandit face au tribunal. "Soit elle est une épouse dévouée, à la droite, ou la gauche du père, (...) pour ensuite lui préparer son bain chaud. Soit on lui confie cette table d’une dizaine de personnes car elle a un véritable rôle politique local", plaide-t-il.

Antonin Lévy enchaîne sur le "rôle social d'un conjoint d'élu", que la défense a fermement combattu pendant les débats.

Ça veut dire quoi le rôle social d'une épouse ? De lui pondre des gosses - pardonnez-moi -, et de se comporter en bonne femme au foyer, c’est ça qu’on veut lui faire croire ?

Antonin Lévy, avocat de François Fillon

dans sa plaidoirie

L'avocat s'insurge et hausse le ton. Il ne veut pas céder sur ce terrain. "C'est quoi, c’est Mme Dambreuse dans L'Education sentimentale (en référence au roman de Gustave Flaubert) ?", débite-t-il à toute vitesse. "Si c'est le rôle traditionnel de l’épouse, où est la femme de Marc Joulaud ?! Nulle part !"

La préparation des discours, le tri des courriers, le contact avec le terrain... Antonin Lévy tente de démolir un à un les éléments à charge de l'accusation. Et au terme d'une plaidoirie de 2h30, il demande la relaxe pour François Fillon, qui "a toujours fait preuve d’un respect absolu envers l’autorité judiciaire". Les derniers mots reviennent aux avocats de Marc Joulaud. "On a dit que Mme Fillon était un choix financier. Non, c’est le meilleur choix que l’on pouvait faire", estime Jean Veil. Il revient désormais au tribunal de trancher. Il rendra son jugement le 29 juin à 13h30. 

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