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Jérôme Cahuzac : la bombe Rocard et les doutes du tribunal

Le procès de l'ancien ministre du Budget a repris, lundi 5 septembre. Dès ses premiers mots, Jérôme Cahuzac a lâché une petite bombe : son compte aurait servi à financer les activités politiques de Michel Rocard.

Article rédigé par Thomas Baïetto
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
L'ancien ministre du Budget Jérôme Cahuzac, le 5 septembre 2016 à Paris. (PHILIPPE LOPEZ / AFP)

Cette fois, il n'y a pas eu de faux départ. Reporté en février, le temps d'examiner une question prioritaire de constitutionnalité, le procès de Jérôme Cahuzac a repris, lundi 5 septembre, devant le tribunal correctionnel de Paris. A la barre, l'ancien ministre du Budget a fait des aveux inédits.

Jérôme Cahuzac a commencé par raconter son parcours de jeune chirurgien qui se lance en politique. Questionné sur les raisons pour lesquelles il a ouvert un compte en Suisse en novembre 1992, l'ancien ministre demande à revenir quelques années en arrière. "A l'époque, les financements occultes des partis politiques étaient la règle", pose Jérôme Cahuzac. Et de raconter que, "au printemps 1992", parce qu'il était proche de cette industrie grâce à ses récentes fonctions au cabinet de Claude Evin, "on" lui a demandé de faire la tournée des laboratoires pharmaceutiques.

Stupeur dans l'assistance

L'objectif : récolter de l'argent pour financer les activités de Michel Rocard. Cette quête se fait d'abord légalement. Mais, rapidement, il faut davantage de fonds. "Il m'est dit que la seule façon d'aider ne peut être que de façon occulte et parallèle. Il m'est dit: 'pourquoi pas, mais pas en France'. J'avais compris", poursuit-il. Il demande alors à son ami Philippe Péninque d'ouvrir un compte en Suisse. "De novembre 1992 à mai 1993, les sommes virées sur ce compte n'étaient pas le fruit de mon travail, c'était du financement d'activité politique pour Michel Rocard", lâche-t-il.

Stupeur dans l'assistance. Tout au long de l'instruction, Jérôme Cahuzac n'a jamais parlé de ces caisses noires rocardiennes. "Je suis persuadé que Michel Rocard ignorait tout de cela. Il ne s'occupait pas de ça", précise-t-il rapidement. Avant de reconnaître, à demi-mot, que la mort de ce dernier en juillet a été déterminante dans ses aveux tardifs. "Je ne peux pas dire que cela n'a joué aucun rôle, glisse ce fervent rocardien, avant d'ajouter : "Je ne crois pas que ça nuira à son héritage politique."

Les doutes du tribunal

Passé la surprise, les doutes affleurent. Jérôme Cahuzac refuse de donner des noms, à l'exception du laboratoire Pfizer. La seule personne citée, Michel Rocard, n'est plus là pour en parler. Est-ce une manière de détourner l'attention de son activité de conseil ? Le tribunal s'interroge. "Il est peut-être plus honorable de dire que cet argent était destiné à l'activité d'une personne politique très appréciée", suggère le président.

Le vice-procureur, Jean-Marc Toublanc, doute également. "Est-ce que, depuis le début de l'audience, vous ne nous avez dit que la vérité ?" demande-t-il, en relevant que Jérôme Cahuzac a menti aux juges d'instruction. "Oui", assure le prévenu. Le procureur aimerait également savoir en échange de quoi ces laboratoires pharmaceutiques ont accepté de donner de l'argent à Michel Rocard. "Ce ne sont pas des entreprises de philanthropie", rappelle-t-il. "Elles l'ont probablement fait dans l'espérance de services futurs, répond l'ancien ministre. Elles ont été très déçues."

Elles n'ont effectivement pas misé sur le bon cheval. Aux élections européennes de 1994, la déroute de Michel Rocard met fin à ses espoirs de présidentielle. Jérôme Cahuzac se retrouve avec un compte sur les bras, dont l'argent ne lui appartient pas. Il pose la question à l'équipe de l'ancien Premier ministre : "On me dit : 'tu ne bouges pas, on te dira.' On ne m'a jamais dit." Selon sa version des faits, Jérôme Cahuzac décide de garder le compte, pour y placer des revenus non déclarés de son activité de chirurgien. Une décision qui le conduira jusqu'à la barre de la 32e chambre du tribunal correctionnel de Paris.

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