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Affaire Tapie : l'arbitrage aurait bien été faussé

Selon "Le Monde", les enquêteurs ont désormais les preuves que l'arbitrage qui a permis à l'homme d'affaires d'obtenir 403 millions d'euros a bien été verrouillé. 

Article rédigé par franceinfo avec Reuters
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Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3 min
L'homme d'affaires Bernard Tapie, le 26 mai 2013 au stade Vélodrome de Marseille (Bouches-du-Rhône).  (KARINE VILLALONGA / SIPA)

L'arbitrage en faveur de Bernard Tapie a bien été "verrouillé" et "faussé". Le Monde, qui a eu accès au dossier judiciaire, rapporte lundi 17 juin que l'affaire Tapie vire à l'affaire d'Etat au vu des éléments recueillis par les enquêteurs. Ils soupçonnent une "escroquerie en bande organisée" dans la procédure d'arbitrage pour régler le contentieux entre Bernard Tapie et le Crédit lyonnais, concernant la vente d'Adidas. Arbitrage favorable à l'homme d'affaires qui a obtenu, au terme de cette procédure, en juillet 2008, 240 millions d'euros de réparation auxquels s'ajoutaient une centaine de millions d'euros d'intérêts et surtout 45 millions d'euros pour préjudice moral.

L'Etat, qui s'apprête à déposer un recours en révision après s'être constitué partie civile, va pouvoir s'appuyer sur la procédure établissant qu'il y a eu fraude, ajoute le quotidien. Pour démontrer l'escroquerie en bande organisée, les enquêteurs estiment avoir établi un lien entre l'un des trois juges arbitres, Pierre Estoup, et Me Maurice Lantourne, l'avocat de Tapie, tandem qui aurait joué le rôle moteur. Voici les principaux éléments mis en lumière par l'enquête et qui laissent penser que l'arbitrage a bien été truqué. 

Lagarde rétropédale 

A ce jour, trois personnes ont été mises examen pour ce chef, Pierre Estoup, Stéphane Richard, le PDG d'Orange, et Jean-François Rocchi, l'ancien président du CDR, l'organisme chargé de gérer le passif du Crédit lyonnais. L'ex-ministre de l'Economie& Christine Largarde a été placée parallèlement, par la Cour de justice de la République, sous le statut de témoin assisté. Selon un extrait de son audition, cité par Le Monde, la directrice générale du Fonds monétaire international, qui avait dit assumer pleinement l'arbitrage, prend aujourd'hui ses distances. 

"Au moment où j'ai pris mes décisions dans l'affaire Tapie, j'ai déjà indiqué que je n'avais aucune raison de douter de l'impartialité de M. Estoup. Aujourd'hui, avec le recul et au vu des éléments que vous me communiquez, il est évident que mon sentiment est différent...", aurait-elle dit aux enquêteurs. 

Les liens entre Tapie et le juge arbitre

A l'appui de liens anciens entre Bernard Tapie et Pierre Estoup, les enquêteurs retiennent la dédicace d'un livre datant du 10 juin 1998. L'homme d'affaires y adresse son "infinie reconnaissance" au magistrat pour son soutien. Un soutien qui se serait à nouveau manifesté dix ans plus tard.

L'arbitre suggéré

Selon Le Monde, les enquêteurs relèvent trois niveaux d'intervention : une décision politique, à l'initiative de l'Elysée, par Nicolas Sarkozy et Claude Guéant. Deux "architectes" de l'arbitrage, Stéphane Richard, alors directeur du cabinet de Christine Lagarde, et Jean-François Rocchi, ancien président du CDR; et deux "maîtres d'œuvre", Me Maurice Lantourne et Pierre Estoup.

L'avocat aurait reconnu lors de son audition avoir proposé Pierre Estoup comme arbitre, alors que les deux hommes se connaissaient, contrairement aux règles de l'arbitrage, pour s'être croisés dans au moins dix procédures. "Les policiers ont aussi découvert que, depuis 1997, Pierre Estoup facture des honoraires, en tant que consultant, à l'ex-avocat de M. Tapie, Me Francis Chouraqui", ajoute le quotidien.

Dans l'ordinateur de Maurice Lantourne figurerait aussi une note du 20 septembre 2008, relative à l'arbitrage, et destinée à Christine Lagarde. 

A en croire Le Monde, Pierre Estoup aurait "neutralisé" les deux autres arbitres en se chargeant de tout et en leur proposant des "honoraires confortables" pour une charge de travail réduite. Jean-Denis Bredin, l'un des deux autres arbitres, dont la santé et la mémoire seraient chancelantes, aurait dit ne pas connaître auparavant l'ex-haut magistrat Pierre Estoup, mais les enquêteurs auraient découvert, là-encore, des dédicaces prouvant le contraire.

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