Etats-Unis : les multiples inculpations de Donald Trump peuvent-elles perturber sa campagne pour la présidentielle de 2024 ?
Une troisième inculpation en quatre mois. Un procureur spécial a annoncé des poursuites contre Donald Trump, mardi 1er août, à l'issue d'une enquête sur sa tentative d'inverser le résultat de l'élection présidentielle de 2020. Dans ce dossier, le milliardaire est désormais visé par quatre chefs d'accusation : "complot à l'encontre de l'Etat américain", "atteinte aux droits électoraux", ainsi que "complot" et "entrave à une procédure officielle". Le procureur Jack Smith a assuré vouloir un "procès sans délai" dans cette affaire. Donald Trump pourrait donc se retrouver à enchaîner les audiences au tribunal, en plein milieu de sa campagne pour la présidentielle américaine, qui aura lieu le 5 novembre 2024.
>> Etats-Unis : six questions sur l'inculpation de Donald Trump pour "complot"
L'ancien président, qui rêve de revenir à la Maison Blanche, est en effet déjà inculpé dans deux autres affaires. Son procès pour fraude comptable, dans l'Etat de New York, doit débuter en mars prochain. Puis il sera convoqué en mai pour celui dans "l'affaire des documents classifiés", dossier également mené par le procureur spécial Jack Smith. Des poursuites pourraient aussi être annoncées prochainement par la justice de Géorgie, qui enquête sur sa tentative de renverser les résultats de la présidentielle de 2020 dans cet Etat du Sud.
Des procès qui coûtent cher
"On ne sait pas combien de temps ces différentes procédures vont durer : les procès pourraient prendre des semaines à chaque fois, le temps d'entendre tous les témoins", souligne l'historien Lauric Henneton, spécialiste des Etats-Unis et maître de conférences à l'université de Versailles Saint-Quentin. "Il y aura aussi sûrement d'autres procédures et audiences en amont", ajoute l'ancien ambassadeur Jeff Hawkins, désormais chercheur associé à l'Institut de relations internationales et stratégiques (Iris). Donald Trump, obligé de comparaître devant la justice dans ces dossiers, verrait donc sa campagne parasitée.
"Ses avocats vont avoir besoin de s'entretenir avec lui pour préparer leur défense dans chaque affaire. Cela va lui demander du temps, qu'il ne pourra pas consacrer à sa campagne."
Lauric Henneton, historien spécialiste des Etats-Unisà franceinfo
Ces déboires judiciaires vont prendre du temps au candidat républicain, mais aussi de l'argent. Selon le New York Times, il ne reste presque plus rien des 105 millions de dollars levés par son comité d'action politique pour financer sa campagne. L'essentiel a été utilisé pour payer les frais de justice de Donald Trump et de ses proches, rapporte le quotidien américain. Ces fonds devaient pourtant servir à payer "des éléments cruciaux pour construire une campagne présidentielle", comme "les spots télévisés ou les opérations de porte-à-porte", pointe un journaliste de la chaîne CBS.
"Cela pourrait devenir un problème à terme, même si Donald Trump ne manque pour l'instant pas d'argent, ni d'électeurs prêts à faire des dons."
Jeff Hawkins, chercheur associé à l'Irisà franceinfo
Car la perspective de ces procès n'a pas encore entamé l'enthousiasme des électeurs conservateurs. Donald Trump est en tête de tous les sondages sur les primaires républicaines, qui se tiendront entre janvier et juillet 2024. Dans une enquête pour le New York Times publiée la veille de sa dernière inculpation, le milliardaire récoltait 54% des intentions des votes pour le scrutin interne au parti. Il devance ainsi très largement son principal concurrent, le gouverneur de Floride Ron DeSantis (17%).
L'affaire de trop pour les électeurs ?
Jusqu'ici, ces inculpations ont même servi la campagne de Donald Trump. "Il se présente comme la victime de procès politiques et assure être le dernier rempart pour protéger l'Amérique de ces dérives, explique Lauric Henneton. L'accumulation des poursuites n'y change rien : son électorat le plus fidèle est convaincu qu'il est visé par une chasse aux sorcières menée par les démocrates." Loin de saper la popularité du républicain, ces inculpations "ont, au contraire, encouragé sa base à se rallier à sa cause", abonde Jeff Hawkins.
Dans ce contexte, les autres candidats aux primaires républicaines ont bien du mal à faire décoller leur campagne. "Toute l'attention médiatique se concentre sur Trump, ne laissant pas d'opportunité de se démarquer à aucun de ses adversaires", remarque la conseillère républicaine Sarah Longwell dans un entretien à la radio NPR. D'autant plus qu'ils "sont tous venus à sa défense", dénonçant les poursuites qui le visent. "Personne ne veut se risquer à s'attaquer à Donald Trump, de peur de s'aliéner son électorat."
"Même s'il n'atteint pas les 70 à 80% d'intentions de vote qu'il avait il y a quatre ans, Donald Trump survole pour l'instant la campagne pour les primaires républicaines."
Lauric Henneton, historien spécialiste des Etats-Unisà franceinfo
Une éventuelle condamnation pourrait-elle changer la donne ? "Probablement pas pour les primaires, car les scrutins auront déjà eu lieu dans de nombreux Etats lorsque ces procès démarreront", note Lauric Henneton. Pour la deuxième partie de la campagne, qui l'opposera au candidat démocrate, la situation sera différente. "Si trois procédures se déroulent en 2024, il y aura un effet d'accumulation qui pourrait faire basculer les électeurs indécis, y compris chez une partie des républicains", analyse l'historien.
Une présidentielle en terrain inconnu
Une campagne présidentielle qui se télescope avec les multiples procès d'un candidat, voilà qui est inédit dans l'histoire américaine. A tel point que le flou règne sur les scénarios qui pourraient se dérouler au fil des procédures. Rien n'oblige Donald Trump à renoncer à la présidentielle en cas d'inculpation, ni même en cas de condamnation dans un des dossiers qui le visent à ce stade. La Constitution des Etats-Unis ne prévoit en effet de peine d'inéligibilité qu'en cas de condamnation pour "insurrection", un chef d'accusation qui n'a pas été retenu contre lui. Même s'il écopait d'une peine de prison, il pourrait donc en théorie poursuivre sa campagne depuis sa cellule. "Ce cas de figure n'a tout simplement jamais été prévu dans la loi", souligne Lauric Henneton.
"C'est toutefois peu probable. S'il est condamné, il fera certainement appel, ce qui lui épargnera d'être incarcéré."
Lauric Henneton, historien spécialiste des Etats-Unisà franceinfo
Autre hypothèse explorée par le New York Times : que Donald Trump soit élu en novembre, alors que des procès l'attendent encore. Le ministère de la Justice pourrait alors demander que toutes les poursuites fédérales contre le président soient abandonnées, selon le quotidien américain. "Là encore, on se trouverait en territoire inconnu, car rien n'est prévu dans la Constitution", insiste Lauric Henneton. Seule certitude à ce stade : Donald Trump a déjà assuré, fin juillet, qu'il comptait rester dans la course à la Maison Blanche même en cas de condamnation.
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