Syrie: qui sont vraiment les alaouites?
Pour les spécialistes, les alaouites appartiennent à une secte chiite hétérodoxe (qui s'écarte de la doctrine). «Secte» au sens où on l’entend pour d’autres minorités religieuses: ismaéliens, druzes... Comme les chiites, ses adeptes vouent un culte à la figure d’Ali, gendre du prophète Mohammad. Leur doctrine aurait été élaborée au IXe siècle en Irak par un disciple dissident du dixième imam Ali Al Hadi. Aujourd’hui, la minorité alaouite est surtout présente dans le nord-ouest de la Syrie, notamment dans la montagne et sur la côte, autour de la ville de Lattaquié.
La pratique et l’organisation de la religion sont souples. En général, la prière se fait dans l’intimité du foyer, rarement dans une mosquée. Seuls les hommes sont initiés aux secrets de la doctrine pendant leur adolescence. De leur côté, les femmes ne portent pas le hijab, à quelques exceptions près dans les villes. L’alcool est toléré. Les adeptes ignorent le jeune et le pèlerinage à la Mecque. Ils croient en la réincarnation et célèbrent une forme d'eucharistie à l'aide de pain et de vin. Leur religion est un mélange d'éléments venus du chiisme, du christianisme byzantin et de cultes hellénistiques. Ils célèbrent des fêtes aussi bien musulmanes que chrétiennes.
Une minorité longtemps méprisée
Même si le grand mufti de Jérusalem a reconnu officiellement en 1936 l’alaouisme comme une confession musulmane, les sunnites ont toujours considéré ses pratiquants comme des hérétiques. Ce «sont les pires ennemis des musulmans et le jihad contre eux est un grand acte de piété», écrivait déjà au Moyen Age le penseur sunnite Ahmad Ibn Taymiyya. Jusqu’au XXe siècle, la minorité alaouite a toujours subi humiliations et persécutions, vivant retirée dans sa région d’origine, notamment dans les montagnes surplombant la côte nord-ouest. Sous les Ottomans, les seuls de ses membres tolérés dans les villes étaient… les domestiques. En 1920, l’occupant français créé un «Etat des alaouites» mais doit y renoncer sous la pression des milieux nationalistes.
Peu à peu, les alaouites commencent à s’intégrer dans la société. Dans les années 40 et 50, ces partisans de l’idéologie laïque du parti Baas deviennent militaires et fonctionnaires. La prise du pouvoir par le général Hafez Al Assad, père de l’actuel président Bachar Al Assad, leur ouvre les portes du pouvoir.
Les alaouites identifiés au chiisme
Après 40 ans d’une dictature sans partage, les Syriens ont tendance à identifier les adeptes de l'alaouisme au clan Assad, qui n’hésite pas à faire tirer sur les mosquées. Et dans tout le monde arabe sunnite, de plus en plus opposé au chiisme, le régime alaouite de Syrie, dont l’un des derniers alliés est l’Iran chiite, est assimilé à cette confession, «pour des raisons plus politiques que religieuses», rappelle Olivier Roy, spécialiste de l’islam. Ce qu'on appelle aussi la «chiitisation» de la minorité religieuse.
Aujourd’hui, nombre d’alaouites redoutent, en cas d’effondrement du régime, une revanche sanglante de la part de leurs compatriotes sunnites. Dans ce contexte, ils pourraient être tentés de constituer un réduit dans leur région d’origine. Un tel processus est d’ailleurs en gestation. Les villes sunnites de Tal-Kalash et Jisr Al-Choughour, en périphérie de la région alaouite, ont ainsi été victimes d’un phénomène de purification ethnique : l’armée fidèle à Bachar Al Assad a laissé les habitants fuir vers le Liban et la Turquie.
Les alaouites de Turquie craignent la chute de Bachar Al Assad, AFP, 10-12-2012
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