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Syrie : le coton, l’or blanc de Daech

La lutte contre le financement du terrorisme est plus que jamais au cœur des réflexions. Si le pétrole est une importante source de revenus pour Daech, le coton syrien est également stratégique – à moindre échelle toutefois – pour les djihadistes. Des sources de revenus qui risquent de s’amenuiser après les frappes de la coalition en Syrie. Lesquelles s'accélèrent depuis les attentats de Paris.
Article rédigé par Catherine Le Brech
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 4min
Plantation de coton à Taftanaz, au nord-ouest de la Syrie, dans le gouvernorat d'Idlib. (AFP/URSULA GAHWILER / ROBERT HARDING HERITAGE / ROBERT HARDING)

Daech contrôlait en février 2015, selon le spécialiste du terrorisme Jean-Charles Brisard dans Challenges, 60% de la production pétrolière syrienne et moins de 10% de la production irakienne. On sait moins que le groupe Etat islamique a pris le contrôle des «trois quarts de la production de coton», dont la Syrie était un gros exportateur avant 2011, affirmait le 2 septembre 2015 à l’AFP le co-auteur d’un rapport sur le financement de l’organisation terroriste réalisé pour Thomson Reuters.
 
Avant la guerre, Damas réalisait 10% de ses exportations grâce au textile. Et le coton bio était une de ses spécialités (troisième fournisseur mondial). La production est passée de 600.000 tonnes par an à un volume compris entre 70.000 et 100.000 tonnes aujourd'hui, dont 3.000 tonnes sont officiellement exportées, selon l'ICAC, organisme représentant les pays producteurs et consommateurs de coton, auquel a adhéré la Syrie jusqu'en 2013.
 
La Turquie, importatrice nette de coton pour la fabrication de vêtements, compte parmi ses principaux fournisseurs «les Etats-Unis, la Grèce, l'Ouzbékistan, l'Egypte et historiquement la Syrie», a indiqué à l'AFP Emmanuelle Butaud-Stubbs, déléguée générale de l'Union des industries textiles.

Photo prise le 5 août 2001: ouvrières dans une usine textile de Damas appartenant à l'Etat. En arrière-plan, le portrait de Hafez al-Assad, père de Bachar, arrivé au pouvoir un an avant. (LOUAI BESHARA / AFP)

Du coton vendu par Daech à des intermédiaires
Si Ankara a officiellement refusé de recevoir la fibre blanche, il a été jusqu’à récemment vendu à bas prix par Daech à des intermédiaires turcs. Des cotonniers syriens ont rapporté à l’AFP que le groupe Etat islamique avait envoyé en Turquie du coton non égrené (brut), cultivé dans la région de Raqqa (au nord-est de la Syrie) et Deir ez-Zor (à 140 km au sud-est de Raqqa à la frontière irkienne), soit un tiers de la production syrienne.
 
 «Même en supposant que toute la production syrienne (...) passe en Turquie, ce qui est hautement improbable, cela ne représenterait que 5% du coton utilisé» par ce pays, a précisé José Sette, directeur exécutif de l'ICAC. Et d’ajouter : «Il est difficile d'avoir une image précise de ce qui se passe réellement sur le terrain. Si du coton syrien passe en Turquie, cela se fait probablement par des canaux non-officiels.»
 
En septembre 2015, Claire Fage rapportait pour RFI les conclusions d’une étude d'Anne-Laure Linget Riau. Pour cette experte dans l'approvisionnement de l'industrie textile, le coton «a de grandes chances de financer autant l'organisation Etat islamique que le régime de Bachar al-Assad». Et la journaliste de préciser que «la plus grande partie des fils de coton syrien se perd clandestinement dans la filière turque, au profit de l'organisation Etat islamique».

 
Une situation paradoxale
Dans le même temps, l’AFP indiquait que Daech revendait le coton brut à des intermédiaires qui les transportaient vers des centres d'égrenage situés notamment à Hama et Homs, des régions tenues par le régime de Bachar al-Assad. L'égrenage, tout comme l'exportation, est monopole d'Etat en Syrie.
 
Orient XXI raconte : «Détail insolite, le quart des sociétés créées en Turquie en 2014 sous forme d’investissements étrangers l’a été par des entrepreneurs syriens, selon des statistiques officielles turques. A l’intérieur du "pays utile" à l’ouest (de la Syrie), contrôlé par le régime, des industriels et des commerçants ont ainsi trouvé pour leurs affaires un havre de paix dans une région relativement épargnée par les combats féroces mais où les prix de l’immobilier flambent.» 
 
Un business mâtiné de trafics et de complaisances pour un trésor de guerre estimé pour Daech à quelque 150 millions de dollars (135 millions d’euros), entre septembre 2014 et septembre 2015, selon Anne-Laure Linget Riau.

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