Palmyre : quelle est la réalité des destructions et des pillages?
Outre la citadelle du XIIIe siècle qui a été endommagée lors des combats pour la prise de la ville, les djihadistes ont détruit les temples de Bêl et Baalshamin, l'arc de triomphe, sept tours funéraires ainsi que la statue monumentale du lion d'al-Lât. Cette statue, qui tient une gazelle entre ses pattes, avait été restaurée et installée à l’entrée du musée de Palmyre. Elle a été renversée, martelée et cassée.
«Mes collègues sont arrivés le 28 mars 2016 à Palmyre et je leur ai demandé de procéder à une évaluation de l'état des pierres et de la vieille ville. Ils photographient et documentent les dommages», a expliqué Maamoun Abdelkarim à l’AFP. «Nous devons nous occuper immédiatement de la citadelle car elle est en danger en raison des dégâts subis et nous devons commencer tout de suite l'évaluation de l'état des pierres de Bêl et Baalshamin», a poursuivi le responsable des Antiquités et des Musées de Syrie.
«Les destructions sont de deux ordres, il y a celles bien connues, bien visibles, puisque Daech les a mises en scène (…). Et il y a ce qui est invisible, il s'agit de toutes les destructions de tombeaux souterrains et surtout de tous les pillages du site», précise de son côté Maurice Sartre, professeur d’histoire ancienne à l’université de Tours, cité par l’AFP.
Ne pas oublier les pillages
«Evidemment, le régime mettra tout sur le dos de Daech, mais une partie des destructions ne sont pas le fait de Daech. On sait que bien avant l'arrivée (des djihadistes en mai 2015), l'armée de Bachar al-Assad a pillé Palmyre. Parce que Palmyre a été une ville rebelle assez tôt, dès 2011. Bachar avait eu beaucoup de mal à reprendre la ville fin 2012-début 2013 et la ville a été livrée au pillage. Des tombeaux de la nécropole sud-est qui avaient été restaurés superbement par des archéologues japonais autour des années 2000 ont été intégralement détruits. On a des photos des soldats qui emportent des bustes palmyriens», poursuit Maurice Sartre.
L’universitaire craint que l’on se «focalise sur les destructions des monuments bien connus, qui sont évidemment gravissimes, et qu'on oublie de mentionner ce qui relève du pillage des sites, et notamment du pillage de ce qui n'était pas connu». «ll ne faut pas oublier que Palmyre était un site fouillé à seulement 15 à 20% de sa superficie, et donc il y avait encore énormément de choses à découvrir. Tous ces tombeaux qu'on ne connaissait pas et qui ont été pillés intégralement sont à jamais perdus pour la science.»
Pourtant, à en croire le directeur général des Antiquités et des Musées, «rien n’a été volé». Ce que démentent les premières photos parvenues aux agences de presse, notamment celles de Mikhail Voskresenskiy, de l’agence russe RIA Novosti, et prises dans le musée de Palmyre. Là, «c'est un vrai saccage», commente Annie Sartre-Fautriat, chercheur à l’Institut français du Proche-Orient, membre du groupe d’experts constitué par l’Unesco en 2013 sur le patrimoine syrien.
La chercheuse a reçu le 28 mars une vidéo montrant une photo de l’intérieur de l’établissement muséographique. «Contrairement à ce qu'on pensait, le musée n'avait pas été vidé des pièces qu'il contenait, car le service des antiquités n'a eu que 48 heures pour emballer, et les pièces monumentales n'ont pas pu être emportées» avant l’arrivée des djihadistes, raconte-t-elle. De fait en septembre 2015, Maamoun Abdelkarim avait expliqué à Géopolis que «99%» des collections des 35 musées syriens avaient pu être mis à l’abri. Reste sans doute à attendre que des experts indépendants puissent constater les dégâts par eux-mêmes.
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