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Syrie : les Etats-Unis et la France réservés sur l'initiative russe pour éviter la guerre

Moscou suggère à Damas d'accepter une mise sous contrôle puis une destruction de son arsenal chimique afin d'éviter des frappes occidentales. Tournant ou manœuvre de diversion ? La communauté internationale est divisée.

Article rédigé par franceinfo avec AFP
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Le président américain Barack Obama au sommet du G20 à Saint-Pétersbourg (Russie) le 6 septembre 2013.  (KEVIN LAMARQUE / REUTERS)

Placer sous contrôle international l'arsenal chimique de la Syrie : voici la dernière proposition de la Russie pour éviter des frappes occidentales contre le régime de Bachar Al-Assad. "Nous appelons les dirigeants syriens à non seulement accepter de placer sous contrôle international leur stock d'armes chimiques, et ensuite à le détruire, mais aussi à rejoindre pleinement l'Organisation pour l'interdiction des armes chimiques", a déclaré, lundi 9 septembre, le chef de la diplomatie russe, Sergueï Lavrov.

Comment les différents acteurs du conflit en Syrie et l'Occident se positionnent-ils ? Cette proposition inattendue peut-elle dissuader les Etats-Unis et la France de mener des représailles armées ? Résumé des échanges.

Le régime syrien "salue" cette proposition

L'initiative de l'exécutif russe a aussitôt été "saluée" par la Syrie. Le ministre des Affaires étrangères syrien, Walid Mouallem, a remercié "la sagesse des dirigeants russes qui essaient d'empêcher une agression américaine contre notre peuple". Damas ne s'est pas pour autant prononcé sur le fond. 

Et l'approbation publique du régime syrien a été mise en doute par la rébellion syrienne, toujours favorable à une intervention militaire. "Nous appelons à des frappes et nous avertissons la communauté internationale que le régime dit des mensonges", a réagi le chef de l'Armée syrienne libre.

Les Etats-Unis soufflent le chaud et le froid

S'il s'agit d'une manœuvre de diversion russe, elle s'avère plutôt réussie, tant elle sème le trouble dans l'exécutif américain. Dans un entretien à CNN, Barack Obama a pesé ses mots, évoquant un "développement potentiellement positif" de la situation après la proposition russe. Celle-ci doit toutefois être considérée avec scepticisme, a ajouté le président américain, précisant qu'il n'avait toujours pas décidé s'il utiliserait la force en cas de rejet d'une intervention militaire par le Congrès. 

Obama prudent face à l'initiative russe pour éviter les frappes en Syrie (MARYSE BURGOT / FRANCE 2)

Un peu plus tôt, le secrétaire d'Etat américain, John Kerry, a affirmé à Sergueï Lavrov que sa proposition était d'ordre d'ordre rhétorique. Exprimant son "profond scepticisme" sur la coopération de Damas sur la destruction de son arsenal chimique, John Kerry a ajouté que l'administration américaine n'allait pas ralentir ses efforts pour tenter d'obtenir du Congrès un feu vert à une action militaire en Syrie. 

Les Etats-Unis peuvent malgré tout faire volte-face ? Contredisant la position de John Kerry, un conseiller de Barack Obama, Ben Rhodes, a affirmé sur MSNBC que les Etats-Unis étaient prêts à discuter avec la Russie pour déterminer si leur proposition de placer l'arsenal chimique syrien sous contrôle était digne de foi.

La France pose ses conditions

Paris, fer de lance d'une intervention militaire en Syrie aux côtés de Washington, accueille avec prudence la proposition russe. Elle "mérite un examen précis", a fait savoir le chef de la diplomatie française Laurent Fabius, estimant qu'elle serait "recevable à au moins trois conditions".

A savoir : le président syrien doit s'engager "sans délai à mettre sous contrôle international et à laisser détruire l'ensemble de son arsenal chimique". Cette opération doit se faire sur la base d'une "résolution contraignante" du Conseil de sécurité de l'ONU, avec un "calendrier court" et des "conséquences fermes" si Bachar al Assad ne respecte pas ses engagements. Enfin, les responsables du massacre de civils par des armes chimiques le 21 août à Damas "ne doivent pas rester impunis" et la Cour pénale internationale (CPI) devra donc être saisie.

Pour Laurent Fabius, cette initiative est un "revirement" de la diplomatie russe sur le dossier syrien. Le patron du Quai d'Orsay l'attribue à la "fermeté" des Occidentaux, mais aussi à la volonté de Moscou de prendre du recul vis-à-vis de Damas. Il l'a déclaré, mardi 10 septembre au matin sur Europe 1.

Syrie : "Notre fermeté paye", se félicite Fabius (EUROPE 1)

L'ONU, la Grande-Bretagne et l'Allemagne sont séduits

De son côté, l'ONU s'est engouffrée dans la brèche, afin de surmonter "l'embarrassante paralysie" du Conseil de sécurité sur la Syrie, selon les mots du secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon. Ce dernier appelle à la création de zones supervisées par les Nations unies en Syrie où les armes chimiques du pays pourraient être détruites. Ban Ki-moon pourrait faire cette proposition au Conseil de sécurité si les enquêteurs de l'ONU confirmaient l'utilisation d'armes prohibées dans le conflit.

Le secrétaire général de la Ligue arabe Nabil Al-Arabi a également indiqué, mardi, soutenir la proposition russe.

En Europe, la chancelière allemande Angela Merkel, critiquée par l'opposition pour ses "zigzags" sur le dossier syrien, juge "intéressante" la proposition russe, espérant que "les actes suivent" et qu'il ne s'agisse "pas que de gagner du temps".

Cette option est également approuvée par le Premier ministre britannique. David Cameron a jugé lundi "particulièrement bienvenu" l'appel adressé par la Russie à la Syrie, estimant qu'une telle démarche de Damas serait "un grand pas en avant""Si la Syrie mettait ses armes chimiques hors d'usage, sous supervision internationale, (...) cela devrait être encouragé", a-t-il déclaré devant les députés britanniques. David Cameron se veut toutefois prudent. Il faut, selon lui, s'assurer qu'"il ne s'agit pas d'une manœuvre de diversion"

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