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Syrie : comment Obama cherche à convaincre le Congrès américain

La commission des Affaires étrangères du Sénat américain a approuvé, de justesse, un projet de frappes militaires contre le régime de Damas. Le président a reçu le soutien de la plupart des dirigeants politiques américains, mais les parlementaires restent divisés.

Article rédigé par Louis San
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5 min
Barack Obama, le président américain, lors d'une réunion avec une délégation bipartisane de parlementaires à Washington (Etats-Unis), pour évoquer une intervention en Syrie, le 3 septembre 2013. (JIM WATSON / AFP)

Les parlementaires américains vont-ils voter en faveur d'une intervention militaire en Syrie ? Alors que la campagne de lobbying de Barack Obama auprès des parlementaires américains commence à porter ses fruits, le New York Times (en anglais) a publié, jeudi 5 septembre, une vidéo qui risque de compliquer la tâche du chef de la Maison Blanche. Dans ce document datant du printemps 2012, des rebelles syriens exécutent sept prisonniers de l'armée régulière après avoir énoncé une longue sentence. Cette vidéo forte, dans laquelle le régime est une victime, pourrait bien peser dans le vote du Congrès.

Il ne reste plus en effet que deux jours au président pour convaincre les parlementaires. Les deux chambres du Congrès américain doivent commencer à débattre dès lundi, jour de la rentrée parlementaire. Francetv info détaille la façon dont Barack Obama mène ses tractations à la Chambre des représentants, à majorité républicaine, et au Sénat, à majorité démocrate.

Il décroche son téléphone

En début de semaine, Barack Obama, son vice-président Joe Biden et le chef des services de la Maison Blanche ont multiplié les coups de fil aux membres du Congrès. Objectif : préparer le terrain et prendre la température, une semaine avant les débats en séance plénière.

Pour Thomas Snegaroff, directeur de recherche à l'Institut de relations internationales et stratégiques et spécialiste des Etats-Unis, le vote est déjà sécurisé. "Je suis persuadé que le président n'aurait jamais décidé de passer par le Congrès sans avoir pris, au préalable, des informations concernant le choix des parlementaires. C'est impossible pour lui de jouer un coup de poker pareil", explique-t-il à BFMTV.

Mais un proche allié du président, le représentant démocrate Chris Van Hollen, n'est pas de cet avis. Interrogé par CNN, il estime que "personne ne sait aujourd'hui" de quel côté penchera la Chambre des représentants. Une tendance confirmée par cette infographie du Washington Post (en anglais), qui montre qu'il y a, jeudi, au sein de la Chambre des représentants, quatre fois plus d'opposants à une intervention que de partisans.

Il reçoit à la Maison Blanche

Barack Obama a rencontré personnellement les ténors politiques avant de partir pour la Russie, où s'est ouvert jeudi le G20.

Les Républicains. Il a reçu, lundi à la Maison Blanche, l'influent sénateur républicain John McCain. Après ce rendez-vous, et alors que ce dernier disait son hésitation à soutenir une intervention en Syrie, l'ancien candidat à la présidentielle s'est prononcé pour. Et d'avertir dans un communiqué qu'un rejet du Congrès "serait catastrophique pour la crédibilité des Etats-Unis".

Le sénateur républicain John McCain (G) et le sénateur républicain Lindsey Graham répondent à des journalistes après avoir rencontré Barack Obama, à Washington (Etats-Unis), le 2 septembre 2013. (MIKE THEILER / REUTERS)

D'après The Daily Beast (en anglais), John McCain et le sénateur démocrate Chris Coon "ont uni leurs efforts pour élaborer un amendement" qui précise que l'intervention américaine vise "une inversion de la dynamique sur le terrain en Syrie, afin de favoriser une solution politique entre le régime et l'opposition". Une condition essentielle pour faire accepter le projet de la Maison Blanche, car les modalités d'intervention concentrent de nombreuses critiques. Reste que mettre des Républicains de son côté, comme John McCain ou le président de la Chambre des représentants, John Boehner, n'est pas forcément gage de sécurité. Car il y a chez les républicains un "divorce de plus en plus clair" entre la base et la direction, relève Le Figaro.

Les démocrates. Mardi, Barack Obama s'est entretenu avec une délégation bipartisane. Il a notamment rencontré Nancy Pelosi, chef de file du parti démocrate à la Chambre des représentants depuis 2002. Une pièce maîtresse de son dispositif, qui, écrit le New York Times (en anglais), "travaille assidûment en coulisses avec la Maison Blanche" pour faire accepter le projet d'une intervention en Syrie.

Barack Obama reçoit des membres du Congrès, dont Nancy Pelosi (D), à la Maison Blanche, à Washington (Etats-Unis), le 3 septembre 2013. (LARRY DOWNING / REUTERS )

Dans une lettre envoyée mercredi, Nancy Pelosi demande à ses pairs de lui communiquer leurs idées sur la façon dont les Etats-Unis devraient répondre à l'utilisation d'armes chimiques par Damas, afin de les transmettre à la Maison Blanche, révèle le Washington Post. Mais dès le lendemain, elle fait part de ses doutes dans le magazine Time (en anglais). Interrogée sur sa capacité à rassembler une majorité démocrate, elle répond : "Je ne sais pas."

Il envoie au front trois poids lourds du gouvernement

Le président américain a mis en première ligne le chef de la diplomatie américaine, John Kerry, le secrétaire à la Défense Chuck Hagel, et le chef d'état-major interarmées Martin Dempsey.

Lundi, John Kerry s'est adressé pendant près de 70 minutes aux élus démocrates, nombreux à exprimer leur scepticisme. Mardi, les trois responsables ont été entendus par la Chambre des représentants pendant près de trois heures et demie. John Kerry s'est montré confiant sur la formation d'une coalition internationale autour de Washington et Paris. Il a mentionné la Ligue arabe et assuré que l'Arabie saoudite, les Emirats arabes unis, le Qatar et la Turquie "tiennent des discours d'action". "Nous avons même trop de volontaires par rapport à ce dont nous avons besoin", a-t-il ajouté. 

Le secrétaire d'Etat américain, John Kerry, lors de son audition à la Chambre des représentants, à Washington (Etats-Unis), le 3 septembre 2013. (CHIP SOMODEVILLA / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / AFP)

Pour appuyer son discours, il a comparé Bachar Al-Assad à Saddam Hussein et Adolf Hitler, rappelant que ces "tyrans" sont les "trois seules personnes" dans l'histoire à avoir gazé leur peuple. Le secrétaire d'Etat a également mis en avant que plusieurs pays arabes s'étaient dit prêts à soutenir financièrement une opération militaire.

Il met le Congrès face à ses responsabilités

Depuis la Suède, Barack Obama a tenté de personnaliser le débat, de différencier la question de l'intervention en Syrie de celle d'un soutien à sa politique. Il a notamment pointé les risques de l'inaction. "Ce n'est pas ma crédibilité qui est en cause. La crédibilité de la communauté internationale est en cause, et la crédibilité des Etats-Unis et du Congrès est en cause", a-t-il insisté mercredi.

 

Malgré cet important dispositif, le suspense plane toujours à Washington. D'un côté les cadres du parti républicain, interventionnistes, s'opposent aux personnalités de la jeune génération, plutôt isolationnistes, et qui ne cachent pas leur ambition présidentielle. De l'autre, les démocrates sont partagés, notamment ceux qui ont voté contre l'intervention en Irak en 2003. D'ailleurs, pour Nancy Pelosi, l'incertitude est inévitable car "ces questions ne sont pas vraiment partisanes".

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