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Qui sont les groupes islamistes qui opèrent en Afrique de l'Ouest ?

INFOGRAPHIE | Sept Français ont été enlevés au nord du Cameroun mardi et emmenés au Nigeria. La secte Boko Haram, présente dans la zone, a été pointée du doigt par le président François Hollande, même si pour l'heure personne n'a revendiqué cet enlèvement. Il pourrait également s'agir d'un groupe dissident de cette secte. Franceinfo.fr fait le point sur les groupes islamistes en présence dans cette zone.
Article rédigé par Clara Beaudoux
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4 min
  (IDÉ)

Aucun groupe n'a pour l'instant revendiqué l'enlèvement des sept Français, survenu mardi dans le nord du Cameroun. D'après les autorités camerounaises, rejointes mercredi par des forces spéciales françaises, la famille et leurs ravisseurs se trouvent désormais au Nigeria voisin.

Qui sont ces ravisseurs ? Paris évoque la piste de Boko Haram, et plus particulièrement d'un de ses groupes dissident, Ansaru. Décryptage des groupes islamistes en présence en Afrique de l'Ouest, zone aux frontières très poreuses, et en ébulition notamment depuis le début de l'intervention française au Mali.

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Boko Haram : jamais d'enlèvement jusqu'ici

Il y a une dizaine d'années, Boko Haram était un simple groupe d'étudiants en révolte contre la société nigériane, qui s'est peu à peu radicalisé. Boko Haram signifie le rejet "d'un enseignement perverti par l'Occidentalisation".

"*L a dérive vers la violence terroriste s'est faite à partir du moment où le leader spirituel Mohammed Yusuf, qui avait pignon sur rue, a été froidement exécuté par la police au Nigeria ", explique Marc-Antoine Pérouse De Montclos, spécialiste du Nigeria, chercheur à l'Institut de recherche pour le développement. "Depuis lors, on a connu une dérive terroriste avec plusieurs phénomènes, notamment le changement de mode opératoire, comme des attentats suicide, ça c'est une vraie nouveauté au Nigeria* ", ajoute-t-il.

L'objectif de Boko Haram est d'imposer la charia dans l'ensemble des 36 états du Nigeria (elle s'applique aujourd'hui dans les 12 états du nord du pays). Mais jusqu'à présent, Boko Haram n'a jamais revendiqué d'enlèvements, même si le groupe a fait des centaines de morts dans des attaques. 

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"Si c'est vraiment le canal historique de Boko Haram qui a enlevé les sept Français, alors je pense qu'ils vont relâcher les enfants ", indique Marc-Antoine Pérouse De Montclos. "Je serai beaucoup moins sûr si jamais la revendication est avancée par Ansaru ".

Ansaru : groupe dissident en pleine expansion

Ansaru est un groupe dissident de la secte Boko Haram. Apparu il y a un an environ, il est en pleine expansion. "Ansaru est spécialisé  dans l'enlèvement d'expatriés ", explique Marc-Antoine Pérouse De Montclos. Le week-end dernier encore, le groupe revendiquait l'enlèvement de sept employés étrangers d'une société de construction libanaise dans le nord du Nigeria. En décembre, c'est eux aussi qui revendiquait l'enlèvement  d'un Français au Nigeria.

"Ansaru est beaucoup plus connecté sur un registre rhétorique al-qaïdiste, selon lequel il faut chasser les croisés de la terre d'Islam ou ce genre de choses ", ajoute le spécialiste du Nigeria.

Aqmi et son dissident le Mujao 

Le groupe le plus influent de la zone est Al-Qaïda au Maghreb islamique. Créé en 2007, Aqmi détient actuellement sept otages Français dans le Sahel sur les quinze retenus en Afrique. 

En octobre 2011, le Mujao (Mouvement pour l'unicité et le jihad en Afrique de l'Ouest), dissident d'Aqmi, voyait le jour. Le 20 novembre dernier, il revendiquait le rapt du Français  Gilberto Rodriguez  Léal. Après le début de l'intervention
française au Mali, le Mujao avait aussi menacé à la mi-janvier de "frapper le
coeur de la France
".

Al-Mouakaoun Be Dam et Ansar Dine

Les "Signataires par le sang" (Al-Mouakaoun Be Dam), eux, se sont fait connaître en janvier, avec la prise d'otages d'In Amenas en Algérie. Au total, 37 otages étrangers, dont des Occidentaux et des Asiatiques, et un Algérien, avaient été tués.

Enfin, les "défenseurs de l'Islam" (Ansar Dine) sont un des groupes qui avait uni ses forces avec Aqmi et le Mujao pour s'emparer du nord du Mali, supplantant en juin dernier les rebelles indépendantistes touaregs.

"Une zone de non-droit entre le Golfe de Guinée et le Soudan"

"Ce sont des groupes qui se réclament du même  fondamentalisme, qui ont les mêmes méthodes, que ce soit au  Mali, que ce soit en Somalie ou que ce soit au Nigeria " indiquait mercredi le ministre de la défense Jean-Yves Le Drian. "Ces groupes menacent notre sécurité. Ils veulent faire vivre une zone de non-droit entre le Golfe de Guinée et le Soudan... Un très grand Sahel qui est une zone où se passent tous les trafics ", a-t-il ajouté.

Quels liens entre ces groupes ?

Mais alors quels sont les liens entre ces différents groupes ? "Il y a beaucoup de spéculations sur cette question ", répond Marc-Antoine Pérouse De Montclos, chercheur a l'Institut de recherche pour le développement. "I l faut distinguer ce qui relève de convergences tactiques : le fait que cela coûte moins cher d'acheter à plusieurs des armes, et d'autre part une coordination stratégique qui ferait qu'il y aurait une sorte de commando central au Nord-Mali, où on aurait appuyé sur un bouton pour demander à Boko Haram d'aller enlever des Français : ça non ", explique-t-il.

"Il n'y a pas de lien opérationnel, mais en revanche il y a des convergences, un peu de circulation des hommes, encore qu'il y a beaucoup de spéculations sur le fait que Boko Haram aurait envoyé des gens pour aider le Mujao à Tombouctou, j'attends encore les évidences ", ajoute-t-il.

"Une chaîne continue dont Aqmi est un maillon central"

L'ex-ministre de la Défense Gérard Longuet indiquait lui mercredi que les membres de Boko Haram étaient "formés par
Aqmi
". "C'est une continuité dans le terrorisme
extrémiste, il y a une chaîne continue dont Aqmi est un maillon central. C'est
la raison pour laquelle il est indispensable d'intervenir au Mali
", ajoutait-il.

Sans oublier que cette région est aussi la proie de bandes criminelles qui profitent de
l'insécurité provoquée par l'insurrection islamiste pour se livrer à des
attaques à main armée.

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