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Al-Akhdam, les «invisibles» du Yémen

Article rédigé par Laurent Filippi
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 1 min

Si la population du Yémen est l’une des plus pauvres du monde arabe, le sort des plus démunis d’entre eux, la communauté al-Akhdam, est encore pire. Qu’ils soient Arabes, musulmans et citoyens yéménites n’y change rien.

Les Akhdam*, (les serviteurs) qui préfèrent être appelés al-Muhamasheen (les marginalisés), ont toujours été rejetés. Traités comme des esclaves par les autorités, victimes de racisme de la part de la population, ils se sentent comme oubliés, étrangers sur leur propre sol, invisibles dans leur propre pays.

Douze photos de Khaled Abdullah Ali Al Mahdi, de mars et d’octobre 2012, illustrent ce propos.

Les (*) associés aux liens dans les légendes renvoient à des reportages photos

Leur origine est incertaine. Etaient-ils alliés à l'armée éthiopienne lors de l’occupation du Yémen au VIe siècle ? Sont-ils les descendants des soldats abandonnés par cette armée quand elle fut chassée du pays ? Ou encore des cousins éloignés des aborigènes d’Australie ?

Toutes ces suppositions sont sans réel fondement. Leur présence sur les terres de la péninsule arabique est sûrement aussi ancienne que celles des autres communautés, pensent les historiens. (REUTERS/Khaled Abdullah Ali Al Mahdi)
Leur aspect physique se distingue de celui des autres Yéménites par leurs traits africains, peau sombre et cheveux crépus.

Comparés parfois par les anthropologistes aux Dalits de l’Inde (les Intouchables), beaucoup s’accordent à dire que les différents régimes du Yémen au cours de son histoire imposèrent un système de castes. Mais à la différence de celui des Dalits, il ne fut jamais officialisé. Ses membres n’ont aucune possibilité d’évolution. (REUTERS/Khaled Abdullah Ali Al Mahdi)
Ce statut, qui perdure aujourd’hui, est un reliquat de l’ancien régime monarchique effondré en 1962.

Après la révolution, le pays a cherché à implanter une République égalitaire pour tous. Comment ? En abolissant certaines castes supérieures, comme les Sayyids ou les cheiks, ou des castes professionnelles (bouchers). Celle des Akhdam n’a pas été officiellement dissoute. (REUTERS/Khaled Abdullah Ali Al Mahdi)
Ils subissent une véritable stigmatisation de la part des autres habitants. Les hommes sont considérés comme des fainéants et des voleurs et les femmes, comme des débauchées.

Un proverbe yéménite confirme ces préjugés :«Si un chien lèche votre assiette, vous devez la nettoyer, mais si elle est touchée par un Khadim, alors cassez-la.»

Les immigrés venus d'Ethiopie ou de Somalie sont souvent mieux acceptés par la population. (REUTERS/Khaled Abdullah Ali Al Mahdi)
Ils vivent pour la grande majotité dans des bidonvilles* à la périphérie de la capitale Sanaa ou dans d’autres grandes villes comme Aden, Ta'izz, Lahij, al-Hudaydah ou al-Mukalla. Leur nombre est évalué à un million de personnes sur une population de 22 millions.

Si le gouvernement yéménite a récemment construit des logements pour les Akhdams, il s'agit d'une action ponctuelle. (REUTERS/Khaled Abdullah Ali Al Mahdi)
Cantonnés aux tâches les plus ingrates, ils sont au plus bas dans l’échelle sociale*. 

Pour les hommes, nettoyer les sanitaires dans les mosquées, balayer les rues ou plus récemment ramasser les ordures sont les seuls emplois qui leurs sont accordés. Les plus chanceux travaillent comme domestiques. (REUTERS/Khaled Abdullah Ali Al Mahdi)
Travaillant dans des zones insalubres mais sans aucune mesure d’hygiène, ni vêtements adaptés, ni gants fournis pour se protéger, beaucoup attrapent des maladies liées à leurs contacts permanents avec les déchets et certains en meurent. 

La grande majorité n’a pas accès, ou de façon très limitée, au système de santé. 

Les enfants ne sont pas scolarisés. (REUTERS/Khaled Abdullah Ali Al Mahdi)
Leur salaire leur est souvent versé tardivement. Et quand ils ne sont pas payés, ils n’ont aucun recours.

Alors que la plupart des salariés obtiennent un contrat de travail légal après quelques mois d’activité, les Akhdam n’en ont aucun même après des dizaines d’années.

Quand ils sont employés par le gouvernement, ils ont des contrats journaliers payés entre deux et trois euros par jour. Aucun jour de congés ne leur est accordé et ils ne possèdent pas de pensions de retraites. (REUTERS/Khaled Abdullah Ali Al Mahdi)
Les femmes font le ramassage des bouteilles. Enceintes, aucune aide ne leur est accordée. Outre le fait d’être souvent harcelées, certaines sont violées.

N’ayant pas la possibilité de se défendre légalement en cas de problème, peu portent plainte. Pour les plus jeunes, l’activité se résume souvent à la mendicité. (REUTERS/Khaled Abdullah Ali Al Mahdi)
Début 2011, survient la révolte yéménite dans la continuité des révolutions dans certains pays arabes. Dans plusieurs grandes villes, des manifestants réclament le départ du président Ali Abdallah Saleh, au pouvoir depuis 22 ans.

Le Printemps arabe permet à la communauté al-Akhdam d’être mise pour la première fois au cœur de la sphère publique. (REUTERS/Khaled Abdullah Ali Al Mahdi)
Lors des manifestations, des centaines de membres de la communauté ont été tués.

Quand le président yéménite quitte définitivement le pouvoir début 2012, les poursuites contre les responsables sont abandonnées par le nouveau gouvernement. (REUTERS/Khaled Abdullah Ali Al Mahdi)
En avril 2012, 4.000 balayeurs de rues de la capitale font grève pour protester contre le manquement du nouveau gouvernement aux promesses d’améliorer leurs conditions de travail et leur salaire.

L’arrivée au pouvoir du maréchal Abd al-Rab al-Mansour al-Hadi n’a pas été à la hauteur de leur espoir. (REUTERS/Khaled Abdullah Ali Al Mahdi)

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