Cet article date de plus de quatorze ans.

Pour la première fois, un pape, Benoît XVI, admet l'utilisation du préservatif "dans certains cas"

A la question "l'Eglise catholique n'est pas fondamentalement contre l'utilisation de préservatifs ?", Benoît XVI répond dans un livre à paraître:"Dans certains cas, quand l'intention est de réduire le risque de contamination, cela peut quand même être un premier pas pour ouvrir la voie à une sexualité plus humaine, vécue autrement."
Article rédigé par France2.fr avec Reuters
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 7min
Benoît XVI salue ses fidèles à la basilique St-Pierre de Rome le 20 novembre 2010 (AFP Alberto Pizzoli)

A la question "l'Eglise catholique n'est pas fondamentalement contre l'utilisation de préservatifs ?", Benoît XVI répond dans un livre à paraître:

"Dans certains cas, quand l'intention est de réduire le risque de contamination, cela peut quand même être un premier pas pour ouvrir la voie à une sexualité plus humaine, vécue autrement."

Dans cet ouvrage réalisé avec un journaliste allemand, intitulé "Lumière du monde", et qui aborde une multitude de sujets (pédophilie, célibat des prêtres, ordination des femmes, relation à l'Islam...), Benoît XVI cite un seul exemple pour illustrer son propos, celui d'un homme prostitué. "Il peut y avoir des cas individuels, comme quand un homme prostitué utilise un préservatif, où cela peut être un premier pas vers une moralisation, un début de responsabilité permettant de prendre à nouveau conscience que tout n'est pas permis et que l'on ne peut pas faire tout ce que l'on veut", dit-il.

Jusqu'à présent, le Vatican a banni toute forme de contraception, en dehors de l'abstinence, même comme prévention des maladies sexuellement transmissibles.

Par ailleurs, dans le même livre, le pape relance le débat sur Pie XII en affirmant qu'il a été "l'un des grands justes, qui a sauvé des juifs plus que personne". Ce à quoi le Conseil représentatif des institutions juives de France (Crif) a réagi dès dimanche: "Cette opinion de Benoît XVI n'est partagée par aucun historien sérieux de la période. Il est dommage que le pape ne se soit pas donné la peine d'analyser des travaux d'historiens, dont certains sont récents."

Préservatif: dernière mise au point du Vatican
Le Vatican a insisté dimanche, dans un communiqué, sur le caractère "exceptionnel" de l'utilisation du préservatif, que le pape s'est déclaré prêt à admettre "dans certains cas", répétant que son utilisation "ne représente pas la solution du problème".

"Le pape a considéré une situation exceptionnelle dans laquelle l'exercice de la sexualité représente un vrai danger pour la vie de l'autre. Dans ce cas précis, le pape ne justifie pas moralement l'exercice désordonné de la sexualité mais considère que l'utilisation du préservatif puisse être un 'premier acte de responsabilité'", a déclaré le porte-parole du Vatican, le père Federico Lombardi.

Réactions mitigées des associations anti-sida au livre à paraître
Sidaction:
"Dans un ouvrage (...), Benoît XVI évoque des situations où l'utilisation du préservatif lui semble admissible. Mais dans le même temps, il continue d'affirmer que ce n'est pas la façon à proprement parler de venir à bout du mal de l'infection au VIH", a regretté l'organisation dimanche dans un communiqué. "Les acteurs de la lutte contre le sida ne peuvent que se désoler d'une nouvelle prise de position qui est à l'opposé des certitudes scientifiques. L'utilisation du préservatif doit être promue de façon étendue partout où des hommes et des femmes sont exposés au VIH."

Onusida: Il s'agit d'un "pas en avant significatif et positif", selon le directeur du programme Onusida, Michel Sidibé, lancé par les Nations unies pour lutter contre la propagation du virus du sida. "Cette avancée reconnaît qu'un comportement sexuel responsable et l'usage du préservatif ont un rôle important dans la prévention du VIH-sida", a-t-il ajouté.

Chrétiens et sida: "La brèche est ouverte", s'est félicité dimanche un responsable de l'association Chrétiens et sida, Gérard Guérin. "Ce qu'il dit, je l'assume totalement. Le préservatif doit permettre d'arrêter le virus. Il est non seulement utilisable mais il doit être utilisé (...) On est heureux parce que cela va permettre la libération de certaines personnes qui auraient pu avoir des doutes. Je pense qu'il y avait encore des gens qui écoutaient ce discours ou qui étaient terriblement culpabilisés quand ils l'utilisaient (...) Ce message risque d'être extraordinairement libérateur pour les Antillais et les Africains", a-t-il notamment relevé.

Act Up-Paris: "Le pape est encore loin du compte", "Si le pape veut vraiment lutter contre l'épidémie, il faut qu'il aille beaucoup plus loin", déclare pour sa part l'association française. Act-Up, qui se montre très dur vis-à-vis du pape et de l'Eglise, les accuse de rester "homophobe, anti-avortement et complices de 25 ans de propagation du sida à travers le monde".

Réunion des cardinaux
Par ailleurs, le Vatican prépare une série de directives à l'attention des évêques sur la conduite à tenir face aux actes pédophiles. Les cardinaux se sont réunis à huis clos vendredi au Vatican dans le but de s'impliquer davantage contre les actes de pédophilie des prêtres. Le cardinal américain William Levada a notamment appelé à "une plus grande responsabilité des évêques dans la protection des croyants qui leur sont confiés".

Il a également parlé de "coopération avec les autorités civiles, de la nécessité d'une protection efficace des enfants et des jeunes personnes et d'une sélection minutieuse des futurs prêtres". Ses services, qui étaient dirigés par le pape Benoît XVI avant son élection, préparent de nouvelles directives à ce sujet afin de proposer "un programme coordonné et efficace" de réaction et de prévention.

L'Eglise catholique a été ébranlée par plusieurs scandales de pédophilie de la part de prêtres dans différents pays. Des victimes de tels abus ont manifesté vendredi à Rome à l'occasion de la réunion des évêques. Elles estiment que le Vatican n'a pas pris assez de mesures pour protéger les enfants d'éventuels futurs abus imputables à des prêtres.

"Nous voulons que les évêques remettent à la police et aux tribunaux les dossiers personnels de religieux accusés de mauvais traitements sur des enfants de façon crédible", a déclaré Barbara Blaine, responsable du réseau de victimes Snap, basé aux Etats-Unis.

Le cardinal anglais Cormac Murphy O'Connor a assuré que l'Eglise "fait tout ce qu'elle peut" pour préserver l'intégrité des enfants. "Le pape a exprimé son aversion pour ce crime terrible et je suis certain que l'Eglise apportera en tous points la preuve que ce qui s'est produit dans le passé ne se produira pas à l'avenir", a-t-il dit à la presse au Vatican.

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.