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Menacé en Amérique, le foie gras résiste

La technique du gavage des canards et des oies vient d’être interdite en Californie, mesure prise pour le bien-être de l’animal. Dans le même temps, dans l’Hexagone, la nouvelle tendance est à la confection du foie gras mi-cuit fait à la maison.
Article rédigé par Jean-Claude Rongeras
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Les derniers canards de la ferme Sonoma, à Farmington, Californie, le 31 mai 2012. (AFP/KIMIHIRO HOSHINO)

La sentence est tombée. Le grand Etat de l'Ouest des Etats-Unis a banni la commercialisation tout comme la production du foie gras sur sonr sol. Une loi en ce sens, votée il y a huit ans, est entrée en vigueur en juillet 2012, un laps de temps qui était destiné à faire changer les méthodes d’élevage. La raison de cette décision : les méthodes de gavage sont considérées comme une atteinte à la santé et au bien-être des palmipèdes. 
 
Un coup de grâce pour la ferme de Sonoma, en Californie, dont le propriétaire, Guillermo Gonzalez, a mis la clé sous la porte. Il a relancé la polémique quant au devenir de cette activité dont les partisans mettent en avant l’ancienneté : des fresques égyptiennes datant de 4.000 ans y font référence.

Deux positions irréconciliables
Aux Etats-Unis, un groupe de cuisiniers réputés vont tenter de sensibiliser les hommes politiques sur ce sujet. Ils posent la question : «Allons-nous devenir le premier Etat à bannir ce mets de choix ? ». Deux camps s’opposent sur la pratique consistant à insérer un tube dans la gorge des oies et des canards pour, avec un important apport de grains, faire grossir leur foie. Les organisations de défense des animaux s’appuient sur une directive européenne de 1998 prônant que l’alimentation des volatiles ne doit pas induire des souffrances inutiles. Les activistes indiquent que les canards, observés lors de visites illégales dans des fermes aux Etats-Unis, avaient « des difficultés à respirer et à se déplacer ». Des députés européens réclament l'interdiction du gavage.
 

De leur côté les chefs, américains estiment que les canards et les oies ne souffrent pas. Cette prise de position est corroborée par des rapports de l’INRA, mais les méthodes utilisées par ces scientiques sont contestées par d'autre sources.

La France, premier producteur au monde
Pour autant, la mesure prise outre-Atlantique ne peut guère porter atteinte à la production française qui représente 75% de la production mondiale avec 19.500 tonnes par an (devant la Bulgarie 2.660 tonnes, la Hongrie 2.450 tonnes et l’Espagne 850 tonnes). Le marché américain n’est qu’un enjeu marginal. Les exportations y sont tombées en quatre ans de treize à cinq tonnes. La production au Canada (deux tonnes), principalement exportée aux Etats-Unis, devrait être sévèrement impactée. Dans la Belle Province, un producteur de l’île d’Orléans astucieux a, lu,i mis au point une technique coûteuse d’élevage sans gavage et ne sera pas touché.  
 
Les pays de l’Est ont l’avantage de leur coûts de revient, plus bas. En Bulgarie, la main d’œuvre est quatre moins chère qu’en France. De plus, la qualité, qui éveillait des doutes par le passé est au rendez-vous, estiment les spécialités. Quant à la Hongrie, elle a le quasi monopole du foie gras d’oie. Parmi les pays qui se mettent à cette production, il faut noter la Chine avec 200 tonnes (croissance de 20% par an).

L'Asie, futur eldorado?
Dans un climat législatif restrictif, les producteurs français portent leurs efforts sur l’exportation vers les pays asiatiques. Un continent en pleine expansion pour cette activité. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : en 2011, Hong-Kong a accru ses importations de 26% (3,34 millions d’euros) et la Thaïlande de 33%. La palme échoit à Singapour : 82% (1,89 millions d’euros), indique le Comité interprofessionnel du foie gras (CIFOG).     
 
Face à la nouvelle loi américaine, la réaction française ne s’est pas faite attendre. Le président François Hollande a indiqué que les Etats-Unis «ne peuvent défendre le libre-échange et empêcher la vente d’un bon produit comme le foie gras» alors que les producteurs ont fait de gros efforts pour se mettre aux normes qu’imposent  «l’Union européenne pour le bien-être animal ».
 
Cette réglementation concerne la place accordée aux volatiles lors du gavage, qui dure une douzaine de jours. La mise en conformité qui devait être effective le 1er janvier 2011 a été reculé au 31 décembre 2015 par le gouvernement de François Fillon. Pour Marie-Pierre Pé, secrétaire générale du Comité interprofessionnel du foie gras, 25% des cages ont désormais été aménagées avec des espaces pouvant recevoir de trois à huit canards. Le coût global de l’opération est évalué à 100 millions d’euros.

Les Français gardent le moral
Face à la nouvelle donne internationale, les Français gardent le moral et ne perdent point leur appétit. Leur engouement est ancien, puisqu’en dix ans, la consommation a augmenté de 25% dans l’Hexagone. La tendance entre janvier et octobre 2012 croît de +5%. De leur côté, les producteurs et transformateurs misent sur une bonne fin d’année. «  En plus d’un bon calendrier, avec les fêtes en milieu de semaine, on observe durant les périodes de crise une tendance à se concentrer sur la famille, c’est bon pour tous les produits festifs », explique Philippe Baron, président national des producteurs.
 
La bonne santé du secteur a pour corollaire l’apparition de nouvelles habitudes de consommation. Ainsi, les premiers, les industriels comme Monfort, Delpeyrat, ont constaté en une décennie un basculement de la conserve vers les fois gras entiers. Et, depuis trois ou quatre ans, le marché du fois gras est « boosté » par «l’envie de cuisiner des consommateurs » indique Marie-José Jousselin, directrice marketing de Montfort, basée à Pau. Résultat, le foie cru, est passé de 25% à 30% des ventes. Parmi les motivations, outre l’attrait d’un coût d’achat plus faible, vient la certitude de savoir ce qu’il y a dans le produit et le plaisir de pouvoir dire à ses amis : c’est moi qui l’ai fait », indique Me Jousselin.
 
 

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