Cet article date de plus de huit ans.

Chasse à la baleine: pourquoi le Japon ne renonce pas à une tradition ancestrale

Des baleiniers japonais entament une nouvelle mission dans l'Antarctique jusqu'à fin mars 2016. La pêche à la baleine reprend après un an de suspension d’une activité présentée comme «scientifique» qui cachait en réalité une chasse commerciale. L'archipel a beau s'engager à tuer moins de baleines, le tollé international persiste.
Article rédigé par Dominique Cettour-Rose
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3 min
La Cour internationale de justice (CIJ) avait jugé en 2014 que le Japon détournait à des fins commerciales une activité présentée comme scientifique. (INSTITUTE OF CETACEAN RESEARCH / FILES / AFP)

La nouvelle est tombée le jour du lancement de la COP21: le Japon reprend ses activités de pêche à la baleine jusqu’à la fin du mois de mars 2016. L’Agence nationale de la pêche l'a annoncé sur son site internet, le 30 novembre 2015, précisant que 160 personnes réparties sur un «bateau-mère» et trois autres navires participent à cette nouvelle mission officiellement «au nom de la science».

Car Tokyo l’assure: son programme scientifique est destiné à faciliter la compréhension des écosystèmes marins de l’Antarctique. Dans son dernier plan (2015-2016) présenté à la commission baleinière internationale (CBI), l’archipel a limité le nombre de baleines capturées à 333 contre les 900 pour la saison précédente (2014-2015) dont le programme avait été retoqué par un arrêt de la cour internationale de justice (CIJ) rendu le 31 mars 2014.


Saisie en 2010 par l’Australie avec l’appui de la Nouvelle-Zélande, la plus haute instance juridique de l’ONU a reconnu que le programme de recherche Jarpa II (Japasese Whale Resaerch Program under Special Permit in the Antarctic), mené dans l’Antarctique, ne remplissait des conditions commerciales et non scientifiques.

La chasse commerciale à la baleine est interdite depuis 1986 par la CIJ. Un an après l’entrée en vigueur de ce moratoire international, le Japon entamait, en 1987, ce qu’il qualifie de pêche scientifique à la baleine. Tokyo n'a jamais fait un secret du fait que la viande du mammifère marin finissait souvent dans les assiettes.

Une tradition ancestrale
L'archipel estime que consommer de la baleine fait partie de sa culture culinaire et que la plupart des espèces ne sont pas en danger. Si des instances telles que la CIJ et la CBI souhaitent son abandon, le Japon n’a toujours pas renoncé à cette tradition ancestrale tant défendue par le Premier ministre Shinzo Abe. Un quartier chic de tokyo, renommé pour sa gastronomie, a décidé de rompre un tabou en encourageant activement les touristes étrangers à consommer de la baleine. Car cette tradition millénaire a tendance à s’essouffler: consommée depuis 10.000 ans, la chair brune des rorquals compte de moins en mois d’amateurs au fil des ans. 
 
C’est surtout après la Seconde guerre mondiale que l’industrie baleinière a connu son essor: il y avait urgence à nourrir une population affamée. Vers le IXe siècle, cette viande était plutôt destinée à la noblesse, puis aux samouraïs partir du Xe. «Ce n’est qu’au XIIe siècle que la pêche commence à s’organiser avec l’utilisation de lances. La baleine était consommée par la population surtout côtière et citadine, beaucoup moins par les Japonais résidant à l’intérieur des terres», raconte Takenori Shindo, professeur d'histoire. «Les Japonais se nourrissaient de baleine, mais n'en jetaient rien. tout était utilisé et tranformé au contraire des Occidentaux qui ont industrialié la chasse seulement pour l'huile et une toute petite partie de cet animal», souligne-t-il.

Déception de Sea Shepherd 
Le nouveau plan du Japon présenté à la CBI avec un niveau de capture de 3996 petits rorquals (ou baleines de Minke) en Antarctique dans les douze prochaines années, est jugé «nécessaire» par Tokyo pour collecter des informations sur l’âge de la population baleinière. Le Japon dit avoir besoin de ces données pour définir un plafond de captures afin de ne pas menacer la survie de l’espèce. L'association écologiste Sea Shepherd a fustigé une «décision très décevante», appelant à ce que «les eaux vierges de l'Océan austral restent un sanctuaire pour les baleines».


Durant la saison 2013-2014, le Japon avait tué 251 petits rorquals dans l'Antarticque et plus d'une centaine l'année précédente. La chasse continue parallèlement dans le Pacifique nord-ouest officiellement, là encore, pour des raisons scientifiques ainsi que dans les eaux côtières japonaises qui n'entrent pas dans le cadre visé par le moratoire de 1986.

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.