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Journée du 8 mars: des grands-mères indiennes à l'école pour apprendre à lire

Dans l'Etat du Maharashtra (ouest), une trentaine de femmes âgées de 60 à 90 ans, veuves pour la plupart, réalisent enfin leur rêve d'apprendre à lire et à écrire grâce à une initiative unique près de Bombay: «l'école des grands-mères». L'établissement, qui fête son premier anniversaire, s'attaque aux préjugés de l'Inde rurale et aide ces femmes à se débarrasser du stigmate de l'analphabétisme.
Article rédigé par Véronique le Jeune
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min

Privées de scolarité lorsqu'elles étaient petites, certaines de ces mamies se font accompagner par leurs petits-enfants - un renversement des rôles très apprécié - sur le chemin qui sépare leur village de Phangane de la petite hutte d'«Aajibaichi Shala», «l'école des grands-mères» en langue marathie. Dans leur cartable, une petite ardoise, une craie et un manuel.

De deux à quatre heures chaque après-midi, elles s'asseyent, jambes croisées sur le sol d'une petite salle de classe aux murs de bambous, au toit de chaume et ouverte sur l'extérieur.

Briser le cercle infernal
Une jeune institutrice, âgée de 30 ans, les encadre. Les grands-mères lisent un texte simple et écrivent soigneusement leur nom sur l'ardoise, deux actions qu'elles auraient été bien incapables de faire il y a encore un an. Elles apprennent aussi l'arithmétique de base et rentrent chez elles avec des devoirs, comme tous les élèves du monde.

Partout dans les campagnes indiennes, le parcours des femmes se ressemble. Petites, elles doivent rester à la maison ou travailler aux champs pendant que leurs frères vont à l'école. Ensuite, elles sont mariées jeunes par leur famille, mettent au monde des enfants qu'elles élèvent au foyer. Eternel recommencement de l'histoire.

«L'école des grands-mères» brise ce cercle infernal. Financée par un organisme de charité local, elle est l'oeuvre de Yogendra Bangar, professeur à l'école primaire de Phangane depuis trois ans.


«La joie de signer de son nom»
L'idée lui est venue début 2016 lorsque plusieurs femmes se sont plaintes de ne pouvoir prendre part aux lectures publiques lors des célébrations religieuses.

«Nous avons pensé que donner à ces grands-mères une chance équitable d'avoir accès à la scolarité et à l'alphabétisation leur procurerait du bonheur», explique-t-il. «A leur âge, elles ne vont pas chercher un emploi dans une entreprise. Mais la joie de pouvoir signer de leur nom et de savoir lire a nettement amélioré leur bien-être

Pour preuve, Janabai Dajikedar, 75 ans, ne cache pas sa fierté de ne plus avoir à donner son empreinte digitale en guise de signature.

Cette école des grands-mères contribue à rehausser le statut des femmes dans le village, estime le professeur Bangar, qui espère que cette expérience inspirera d'autres localités d'Inde.

Des uniformes roses
Même la couleur chatoyante de l'uniforme de ces écolières aux cheveux poivre et sel est trangressive.

«La plupart des ces grands-mères sont veuves et doivent donc se vêtir de blanc en signe de deuil. Nous avons voulu briser ce tabou et d'autres traditions plus anciennes pour que chacune se sente sur un pied d'égalité et membre de la communauté sans discrimination, donc nous avons choisi un uniforme rose», explique encore le professeur Bangar avant de lancer la grande fête prévue pour célébrer le premier anniversaire de l'école.

Cinq cents personnes des villages alentour y ont été conviées.

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