Uber, Deliveroo, Bolt… Ce que va changer la directive sur les travailleurs des plateformes numériques adoptée par le Conseil de l'UE

Les règles sur lesquelles se sont accordés les Vingt-Sept sont moins ambitieuses que la proposition de la Commission européenne, mais créeront une présomption de salariat pour les travailleurs.
Article rédigé par franceinfo avec AFP
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Un livreur Uber Eats sur un vélo à Saint-Etienne (Loire), le 29 mai 2023. (REMY PERRIN / LE PROGRES / MAXPPP)

Un accord politique a été trouvé, lundi 11 mars, par les pays de l'Union européenne (UE) sur une directive visant à renforcer les droits des travailleurs des plateformes numériques. Les négociations du Conseil de l'UE ont été difficiles et le texte final est bien loin de celui proposé par la Commission européenne en 2021.

Les dispositions concernent "28 millions" de travailleurs qui opèrent la plupart du temps sous le statut d'autoentrepreneur, comme les conducteurs de VTC ou les livreurs de repas, précise un communiqué du Conseil. Un statut dénoncé par les organisations syndicales européennes, qui défendent une requalification des travailleurs comme des salariés.

L'accord a été obtenu sans le soutien de la France, opposée au projet, et de l'Allemagne, où la coalition au pouvoir est divisée sur la question. La directive doit encore être adoptée formellement par le Conseil et votée par le Parlement européen. Les Etats membres auront ensuite deux ans pour l'intégrer dans leur droit. Mais que va-t-elle changer concrètement ?

Chaque Etat définira les contours de la présomption de salariat

Les Vingt-Sept se sont entendus sur la mise en place du principe de présomption de salariat pour les travailleurs des plateformes. La proposition initiale de la Commission européenne visait à mettre en place une liste de critères commune à toute l'UE, définissant clairement les liens de subordination entre une plateforme et ses travailleurs, rappelle Euractiv. Mais la version adoptée par les ministres de l'Emploi européens a en partie été vidée de sa substance.

Le texte final laisse une grande marge de manœuvre aux Etats européens. Ces derniers auront la responsabilité d'établir "une présomption de salariat dans leurs systèmes légaux" qui sera "déclenchée quand des faits de contrôle et de direction [des travailleurs] sont établis", précise le communiqué. La définition de ces "faits" sera établie par les Etats, en concordance avec leur "loi nationale et accords collectifs". Chaque gouvernement décidera donc des critères retenus. A titre d'exemple, dans son projet initial, la Commission européenne citait notamment "la limitation de la liberté d'organiser son travail" et "le contrôle de la répartition ou de l'attribution des tâches".

L'accord ne signifie pas que tous les livreurs et conducteurs des plateformes basculeront automatiquement sous le statut de salarié. Il prévoit cependant que les travailleurs des plateformes puissent contester leur statut, pour "accéder plus facilement aux droits dont ils bénéficient en vertu du droit de l'Union en tant que salariés", précise la Commission. "On a inversé la charge de la preuve, cela donne une arme nucléaire aux travailleurs pour enclencher une procédure aux prud'hommes pour requalifier leurs statuts", a réagi Brahim Ben Ali, secrétaire général de l'Intersyndicale nationale VTC et chauffeur chez Uber auprès de France 3 Hauts-de-France.

Une régulation des algorithmes utilisés par les plateformes

"Ce sera aux plateformes de prouver que [les travailleurs] ne sont pas des employés", explique la Confédération européenne des syndicats dans un communiqué, qui s'est réjouie d'une "victoire", estimant que "la fin du faux travail indépendant est à portée de main". Le lobby des sociétés de mobilité à la demande, Move EU, qui compte Uber parmi ses membres, a de son côté exprimé son mécontentement. "Il ne permet pas d'aboutir à une approche harmonisée dans l'ensemble de l'UE, ce qui crée encore plus d'incertitude juridique", a déclaré le président de l'organisation, Aurélien Pozzana, cité par l'AFP.

L'accord comporte également un chapitre visant à réguler la gestion algorithmique du travail par les plateformes numériques. Ces outils permettent "d'automatiser certains aspects de la coordination des travailleurs, par exemple en matière de répartition des tâches et de suivi des performances", explique le site Le monde de l'informatique. Avec les nouvelles règles, l'utilisation de certaines données, notamment l'état psychologique, la religion, la sexualité et les conversations privées des travailleurs seront interdites.

L'accord précise également que des décisions influencées ou prises directement par un algorithme sur les sujets de rémunération, de suspension de compte ou d'interdiction de travailler devront être supervisées par une personne, souligne Euractiv.

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