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A Amatrice, les habitants traumatisés par le séisme : "Il n'y aura plus rien ici"

Un séisme de magnitude 6,2 a frappé la petite ville d'Amatrice dans la nuit de mardi à mercredi 24 août. Reportage dans cette commune italienne meurtrie et en partie détruite. 

Article rédigé par Fabien Magnenou - Envoyé spécial à Amatrice
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Des habitants évacués à Amatrice (Italie), mercredi 24 août, après le séisme qui a dévasté la ville. (FILIPPO MONTEFORTE / AFP)

Alberto le reconnaît lui-même : il a "beaucoup de chance". Après le séisme de magnitude 6,2 qui a fait trembler la petite ville italienne d'Amatrice, mercredi 24 août. "J'étais en voiture avec un ami et je lui ai demandé de faire une pause, le temps de m'acheter une bouteille d'eau au distributeur. Ça a traîné, j'avais besoin de monnaie. Et j'ai vu une partie de l'église de Sant'Agostino s'effondrer sur la voie, à quelques mètres de la voiture." Depuis, le jeune homme parcourt les rues défigurées, sans but, les yeux dans le vide. Comme lui, les habitants sont traumatisés par l'ampleur du séisme qui a frappé cette commune de 2 000 habitants entourée de montagnes.

Un immeuble détruit par le séisme de magnitude 6,2 qui a frappé Almatrice (Italie), mercredi 24 août. (FABIEN MAGNENOU / FRANCE INFO)

"Une dizaine d'amis sont morts"

Le jeune homme refuse d'être photographié, presque gêné d'être encore en vie. "Une dizaine d'amis sont morts cette nuit", ajoute-t-il, les yeux rougis, sans même connaître le nombre exact. Il nous emmène dans un quartier dévasté et montre un tas de gravats. "Voilà, c'est là qu'un de mes amis est mort." L'immeuble faisait cinq étages, il n'en reste plus rien. Des secouristes s'activent pour extirper un nouveau corps, éclairés par la lumière des torches. Le brancard, lui, est déjà prêt. Au moins 241 personnes sont mortes dans les villes touchées par le séisme, à commencer par Amatrice, la plus touchée. A en croire les conversations des secours, ce bilan devrait encore s'alourdir. Toutes les personnes disparues, d'ailleurs, n'ont pas encore été recensées.

Des secouristes cherchent des habitants dans les restes d'un immeuble de cinq étages, mercredi 24 août à Amatrice (Italie). (FABIEN MAGNENOU / FRANCE INFO)

"Tu entends ce silence ?" glisse Alberto, en levant les yeux vers les étoiles. Des jeunes gens poussent un caddie et offrent des bouteilles aux habitants, privés d'eau potable. Alberto se sert, puis ajoute, fataliste : "Je ne suis pas en colère, je suis simplement triste." Son logement est encore debout, mais dans une zone dangereuse et verrouillée. Cette nuit, il dormira dans la voiture de sa tante.

Plus loin, un autre jeune homme est tout aussi abattu. Quand il a appris que le village de son grand-père avait été frappé, Luigi est venu en catastrophe depuis les Pouilles. "Il va bien, mais devant tous ces gravats, je n'ai pas les mots. Tout à l'heure, je suis allé surveiller sa maison pour éviter des pillages. Même dans ces circonstances, il y en a toujours qui font de la merde."

"Chaque heure compte pour les recherches"

Le centre historique est ravagé. Il renferme quelques trésors, comme l'église San Francesco, joyau du XIVe siècle. Une équipe du ministère des Biens culturels a été dépêchée sur place et doit encore évaluer les dégâts. En attendant, l'accès au cœur historique est désormais interdit. La zone est trop dangereuse car le séisme a affaibli les structures. Leur dangerosité nécessite d'ailleurs l'intervention de spéléologues et d'équipes cynophiles. Plus d'une centaine de répliques ont déjà été enregistrées, dont plusieurs d'une magnitude supérieure à cinq. "Les conditions sont vraiment périlleuses, confirme un secouriste couvert de poussière, après des heures de labeur. Les murs continuent de s'écrouler à côté de nous, il faut faire très attention."

Les secouristes ont poursuivi leurs efforts toute la nuit après le séisme qui a frappé Amatrice (Italie), mercredi 24 août. (FABIEN MAGNENOU / FRANCE INFO)

Son équipe a trouvé des corps, mais aucun survivant. Les recherches se sont poursuivies toute la nuit, grâce à d'immenses projecteurs installés sur les engins de chantier, faute d'électricité et d'éclairage public. Elles vont se poursuivre jeudi. "Chaque heure compte, nous ne devons pas ralentir nos efforts", martèle Carlo Cardinale, porte-parole des pompiers. En début de soirée, quelque 400 secouristes étaient à pied d'œuvre, sans compter les volontaires. Piémont, Lombardie, Emilie-Romagne... Les renforts sont arrivés de toute l'Italie, y compris pendant la nuit. Non sans difficulté. La route d'accès principale est bloquée et le convoi des secours doit parcourir une petite route de montagne, sinuée de lacets. "Nous demandons à tous de ne pas emprunter la route pour faciliter l'accès des secours."

"Nous sommes martyrisés, traumatisés"

Quand la terre a tremblé, certains habitants du cœur historique ont fui par un sentier encombré de gravats, guidés par les torches et les hurlements, pour gagner une petite place qui devait accueillir la Sagra ce week-end, une fête appréciée des habitants. Le centre, depuis, a été évacué mais des habitants ont pu regagner leur habitation dans certains des 17 quartiers de la ville. "Il n'y aura plus rien ici, plus d'activité économique, plus rien", lâche un habitant, amer. "Nous sommes martyrisés", reprend un autre, nommé Carloni, encore marqué. "La terre a tremblé à 3h34. Je le sais parce que l'horloge s'est brisée pendant la secousse et s'est figée à cette heure-là. Je suis sorti dehors en pyjama, avec ma femme. Aujourd'hui, nous avons rempli sept ou huit sacs avec tous les objets tombés par terre."

Peu de quartiers d'Amatrice ont été épargnés par le séisme qui a frappé cette ville italienne, mercredi 24 août. (FABIEN MAGNENOU / FRANCE INFO)

Beaucoup de maisons récentes du quartier, dont la sienne, sont restées debout. Mais à l'angle de la rue, Carloni désigne un tas de gravats. "Ici, une personne âgée est morte chez elle, tandis que les deux autres occupants ont réussi à s'échapper. Cette construction date des années 1930. Regardez ce mur porteur, il est fait de pierres liées par de la terre et de l'eau ! Le dernier séisme, c'était en 1979, mais c'était moins grave." Alors que la catastrophe va relancer le débat, en Italie, sur les règlements antisismiques, cet habitant n'évoque à aucun moment un possible départ. "Vous savez, pendant la Renaissance, les habitants avaient reconstruit une église détruite. C'est ce qui nous reste à faire."

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