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Russie : "La victoire de Poutine n'est pas contestée malgré les fraudes"

Selon Jean-Robert Raviot, professeur spécialiste de la Russie, les contestations de l'opposition ne peuvent suffire à remettre en cause la large victoire du Premier ministre à la présidentielle. 

Article rédigé par Vincent Daniel - Propos recueillis par
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3 min
Des milliers de personnes se sont rassemblées lundi 5 mars 2012 dans le centre de Moscou (Russie) pour dénoncer l'élection de Vladimir Poutine à la présidentielle la veille. (ANTON GOUBLEV / REUTERS )

La victoire de Vladimir Poutine, dimanche 4 mars à la présidentielle, est large et massive. Avec près de 64% des voix, le toujours Premier ministre et ancien président russe (de 2000 à 2008) rempile pour un troisième mandat sans avoir à affronter un second tour. Mais cette élection est entachée par de nombreuses fraudes dénoncées par l'opposition et les observateurs russes. Golos, une ONG indépendante, dit avoir décompté au moins 2 283 irrégularités à l'échelle nationale. Ainsi, dans un bureau de vote en Tchétchénie, Poutine aurait recueilli 1 482 votes sur 1 389 inscrits... soit un score de 107%, relève The New York Times.

L'opposition russe appelle donc mardi à descendre de nouveau dans la rue en fin de semaine. Elle réaffirme ainsi sa détermination malgré les centaines d'interpellations qui ont eu lieu lundi lors de manifestations à Moscou et Saint-Pétersbourg.

Quels enseignements peut-on tirer du scrutin de dimanche ? Poutine doit-il craindre la contestation des fraudes ? Les réponses de Jean-Robert Raviot, professeur de civilisation russe et soviétique à l'université Paris Ouest-Nanterre-La Défense et à l'Institut d'études politiques de Paris. 

FTVi : Quelle analyse faites-vous des résultats de la présidentielle russe ?

Jean-Robert Raviot : Une vraie géographie du vote se dessine. Trois Russie apparaissent : la bourgeoisie urbaine des grandes villes plutôt favorisée en terme de revenus et de diplômes (comme c'est le cas à Moscou), qui est la plus contestataire. Ce sont eux qui ont le moins voté Poutine et préféré Prokhorov (le candidat libéral). Ils composent un groupe minoritaire dans la société russe mais très médiatisé, notamment chez nous en France, car ils défilent, ils apparaissent sur les images... 

Ensuite, il y a la Russie des provinces et des zones péri-urbaines, la Russie majoritaire. Elle est beaucoup moins favorisée socialement, plus fragilisée par la crise économique. Elle s'accroche à Poutine, car il incarne une certaine forme de stabilité. Et enfin, il existe une troisième Russie, celle des zones périphériques non-russes – le Caucase nord, le Tatarstan... – où les pouvoirs ont passé une alliance avec le Kremlin. Là, le vote Poutine a un caractère très clientéliste : on va voter comme l'a indiqué le pouvoir local. 

La contestation des fraudes du scrutin de dimanche peut-elle faire vaciller Poutine ?

Cette opposition de rue est très déterminée. Mais elle est très minoritaire dans la société russe. Et elle passe assez mal en dehors de la bourgeoisie métropolitaine. On retrouve surtout la jeune génération dans la rue, des intellectuels... Il n'y a pas derrière eux une protestation majoritaire qui pourrait alimenter et soutenir, même de manière implicite, cette opposition. Et ce mouvement ne se traduit pas politiquement par un parti.

Actuellement, on pointe les irrégularités du vote, les violations des urnes mais le résultat lui-même n'est pas en cause. Il ne l'est qu'à la marge. Poutine n'a peut-être pas gagné avec 63% des voix mais avec 54 ou 58%... On dénonce donc des fraudes mais la victoire de Poutine n'est pas contestée. 

Certains avancent que Vladimir Poutine redoute une "révolution orange" comme en Ukraine en 2004.

On ne peut pas prévoir ce qui va se passer. La communication officielle pointe les dangers et les débordements d'une "révolution orange". Mais le scénario est différent de celui de l'Ukraine en 2004 où deux candidats se faisaient face. La contestation des résultats portait là sur l'identité du vainqueur. Mais en Russie, même si Poutine affiche un score 5 à 10% plus élevé que la réalité, ça ne remet pas en cause le résultat. Cela reste une victoire pour Poutine, faute d'opposition réelle. Ceux qui ont essayé d'apparaître comme des candidats d'opposition populaire n'ont pas mobilisé beaucoup. Il y a une absence de contre-leader en Russie.

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