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Paris : une photo d'enfants dormant dans des machines à laver choque les internautes

Ces mineurs isolés refusent d'être pris en charge, selon la mairie du 18e arrondissement.

Article rédigé par franceinfo - Hugo Cailloux
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5 min
De jeunes hommes assis dans les machines d'une laverie du quartier de la Goutte-d'Or, dans le 18e arrondissement de Paris, le 20 décembre 2017. (@infernale75 / FRANCEINFO)

Une photo d'enfants dormant dans des lave-linge à Paris a suscité une vague d'indignation après sa diffusion sur Twitter, vendredi 22 décembre. Sur le cliché, trois silhouettes dépassent des tambours d'une laverie du quartier de la Goutte-d'Or, à Paris. Contactée par franceinfo, la mairie du 18e arrondissement confirme la présence de mineurs isolés étrangers dans ce quartier depuis environ une année.

Publié vendredi mais avec une photo prise le mercredi précédent dans la soirée, le tweet a fait réagir vertement certains internautes, qui déplorent que des enfants dorment dans ces machines à laver.

"Ils refusent l'hébergement d'urgence"

"C'est dingue, je n'avais jamais vu ça, témoigne à franceinfo Christine, une assistante de direction de 53 ans, qui a pris la photo et l'a postée sur Twitter. Je l'ai prise par réflexe, ça m'a touchée. Les réactions m'ont un peu dépassée, je ne m'attendais pas à ce genre de retours, qui sont autant positifs que négatifs."

Si l'identité des jeunes visibles sur les photos n'a pas été vérifiée, la mairie du 18e arrondissement affirme à franceinfo suivre de très près la situation de ces enfants, qui dorment "dans les laveries ou les Autolib'", ces voitures électriques en libre accès, selon la mairie. "Cela fait un an qu'on travaille sur le sujet de ces mineurs maghrébins à la rue, pour certains polytoxicomanes", poursuit-elle.

Le plus gros problème, c'est manger, et puis après dormir.

Dajaj, un jeune garçon

à l'AFP

"Il y a 25 mineurs, dont certains très jeunes, détaille à franceinfo Dominique Versini, adjointe à la mairie de Paris pour la protection de l'enfance. D'autres, plus grands, sont des jeunes Français appartenant à des bandes, qui essaient d'entraîner les plus petits dans des trafics, puisque les mineurs risquent moins qu'eux". En novembre, le préfet de police de Paris, Michel Delpuech, estimait leur nombre à "80 environ" dans le nord de la capitale, rapporte L'Obs.

C'est difficile de les encadrer, ils refusent l'hébergement d'urgence. C'était des gamins des rues dans leur pays d'origine. Ils viennent ici pour faire la même chose.

Service de communication de la mairie du 18e arrondissement de Paris

à franceinfo

Ces jeunes sont "âgés de 14 à 25 ans", et sont originaires du nord du Maroc, selon Touraya Bouabid, la présidente de l'Association marocaine d'entraide aux mineurs en situation précaire (Amesip), mandatée pour une mission sur place fin octobre. "Presque tous sont issus de la classe moyenne et ont un membre de leur famille au Maroc", assure-t-elle dans son rapport. Mais certains doutent que ces jeunes, qui sont en rupture avec leur entourage parfois depuis plusieurs années, acceptent de rentrer dans leur famille.

"Un problème de sécurité publique"

Du côté de la police, on affirme faire le maximum pour sécuriser le quartier. "C'est d'abord un problème d'enfance en danger, mais c'est aussi un problème de sécurité publique, explique le préfet à l'AFP. Gérard Collomb, le ministre de l'Intérieur, s'est également exprimé sur le sujet, évoquant des "jeunes particulièrement violents". "Au début, ils se contentaient de menus larcins mais maintenant, ils sont passés aux vols à la tire, aux arrachages de colliers, aux cambriolages", décrit au Parisien Valérie Goetz, la commissaire principale du 18e arrondissement.

Des orphelins des rues, on n'avait pas vu ça à Paris depuis la seconde guerre mondiale.

Valérie Goetz, commissaire principale du 18e arrondissement

au "Parisien"

Lorsqu'ils sont arrêtés pour des infractions puis placés, "ils retournent systématiquement à la rue, ajoutait le parquet des mineurs au Parisien. Ils ont une grande capacité de résistance."

Un dispositif mis en place par les autorités

Pour les pouvoirs publics, le problème réside surtout dans le refus de ces mineurs de rentrer dans les parcours classiques d'aide à l'enfance. "C'est un public assez difficile", confirme à franceinfo l'association Hors la rue, qui s'occupe des mineurs éloignés de la protection à l'enfance en région parisienne. 

Ils sont très ancrés dans l'errance et ont des activités de survie.

Association Hors la rue

à franceinfo

En septembre, une réunion s'est tenue avec, autour de la table, l'adjointe à la mairie de Paris chargée de la protection de l'enfance, Dominique Versini, le préfet, le procureur de Paris François Molins, et le Consul du Maroc, puisque la plupart de ces mineurs ont la "nationalité marocaine", selon la mairie du 18e.

De cette concertation découle un dipositif spécifique pour ces populations, "lancé il y a une dizaine de jours", détaille à franceinfo Dominique Versini. Un centre d'accueil de jour et un abri pour la nuit ont ouvert près du quartier, d'après l'adjointe.

La première nuit, trois ou quatre enfants ont accepté de venir.

Dominique Versini, adjointe à la mairie de Paris

à franceinfo

Le Centre d'action sociale protestant a été mandaté par la ville pour coordonner le dispositif. Des éducateurs de l'association sont chargés "de créer du lien" avec les enfants, afin de les mettre en confiance. L'Amesip effectue quant à elle une mission d'information à Fès, au Maroc, d'où seraient originaires la plupart des enfants.

Dominique Versini récuse toute lenteur dans l'action de la mairie. "Depuis un an, on a beaucoup investi, dans des éducateurs spécialisés présents sur le terrain, on a ouvert nos centres de santé, liste-t-elle. C'est une mission difficile de prendre en charge ces enfants. C'est la première fois qu'on voit arriver des enfants des rues."

"Mettre en place un dispositif institutionnel prend beaucoup de temps, déplore l'association Hors la rue. Mais on est favorables aux récentes initiatives des pouvoirs publics, même si on attend de voir pour juger. En attendant, on continue à les accompagner."

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