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"Cela me brise le cœur de refuser des bénévoles" : en Allemagne, l'élan de solidarité avec les migrants

A leur arrivée à Munich, les migrants sont pris en charge par les autorités allemandes, bien aidées par la forte mobilisation de bénévoles. Reportage. 

Article rédigé par franceinfo - Thomas Baïetto, avec Marlene Goetz
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Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6 min
Des migrants arrivent dans un centre de transit à Munich (Allemagne), le 8 septembre 2015. (THOMAS BAIETTO / FRANCETV INFO)

Leur nouvelle vie commence ici, dans un recoin sans âme de la gare de Munich (Allemagne). Réceptionnés par la police à la descente du train, les milliers de migrants qui arrivent dans la capitale bavaroise depuis vendredi 4 septembre sont conduits dans le Schalterhalle, un hall des guichets transformé en aire d'accueil. Derrière les panneaux "Bienvenue à Munich", ils reviennent à la dure réalité administrative après avoir traversé l'Autriche et le sud de l'Allemagne sans montrer une seule fois leurs papiers ou payé un billet de train.

Là, les migrants sont enregistrés et on leur passe un bracelet au poignet. A l'extérieur, de l'autre côté, un premier examen médical est pratiqué dans des tentes du MHW, une ONG. Les Syriens, Afghans et autres Pakistanais y découvrent également la solidarité allemande. Des bénévoles leur distribuent de la nourriture, les produits d'hygiène et les vêtements déposés par les Munichois. Bianca, 36 ans, et Alexandre, 39 ans ont apporté un sac de vêtements pour bébé. "Plutôt que de les vendre sur une brocante, on s'est dit que ce serait plus utile ici", explique la jeune mère de famille. "C'est bien que l'Allemagne accueille des réfugiés, estime son mari. Mais les autres pays, comme la France, devraient en faire autant."

"C'est un moment historique"

Dina est venue proposer les bras de ses deux fils, Aljocha et Lassl, 15 et 12 ans. "Je leur ai dit que c'était un moment historique, dont on se souviendrait, explique cette Munichoise de 44 ans. Et que le citoyen lambda pouvait y participer." Sa proposition reste pourtant lettre morte : les deux adolescents sont jugés trop jeunes et il y a déjà suffisamment de monde dans le Schalterhalle. La famille décide d'aller se renseigner au point d'information pour les volontaires, un bus garé en face de la gare.

 

Des piles de vêtements à l'entrée du Schalterhalle, l'aire d'accueil des migrants dans la gare de Munich (Allemagne), le 8 septembre 2015. (THOMAS BAIETTO / FRANCETV INFO)

Une fois enregistrés, les migrants sont conduits en bus dans l'un des centres de transit de Munich. L'une de ces structures est installée dans un entrepôt de la Deutsche Bahn, la société de chemins de fer allemande. Un immense panneau en lettres colorées leur souhaite la bienvenue en Allemagne. Une ambulance est garée à l'arrière et une armée de bénévoles désœuvrés fait les cent pas dans la cour. "Ici, nous leur donnons un vrai repas et des médecins passent les voir, explique un volontaire. Ensuite, nous regardons où il y a des places d'hébergement disponibles".

"C'est normal d'aider quand on peut"

Nous n'en saurons pas plus. Un membre de la sécurité nous demande de quitter les lieux. Tous les centres qui accueillent des migrants à Munich sont interdits à la presse. "C'est pour que ces gens, qui viennent de faire un voyage éprouvant, soient tranquilles", justifie un peu plus tard le responsable du point d'information pour les volontaires.

Julia, 22 ans, et Niklas, 18 ans, apportent du thé pour les réfugiés, le 8 septembre 2015 à Munich (Allemagne). (THOMAS BAIETTO / FRANCETV INFO)
 

L'élan de solidarité des Munichois ne s'arrête pas à la gare. Julia et Niklas, 22 et 18 ans, arrivent à l'entrepôt, avec des sacs plastique remplis de thé. "On travaille au coin de la rue, donc c'est normal d'aider quand on peut", explique Julia, sac Louis Vuitton en bandoulière. L'un de leurs collègues est venu au centre dans la matinée pour s'enquérir des besoins. C'est leur entreprise qui a payé pour les sachets de thé.

"Ils n'ont pas besoin de nous"

Au coin de la rue, Dina et ses deux fils arrivent à vélo. Le point d'information pour les bénévoles les a envoyés ici. "Ils ne doivent pas avoir besoin de beaucoup de monde parce que sinon, cela ferait longtemps qu'ils nous auraient trouvé des choses à faire", plaisante la mère. Elle ne croit pas si bien dire. La petite famille ressort un quart d'heure plus tard. "Ils n'ont pas besoin de nous, on rentre à la maison", constate Dina.

De fait, les bénévoles sont bien plus nombreux que les migrants ce matin dans ce petit centre. Il faudra attendre 14 heures pour que les premiers réfugiés de la journée, un groupe d'environ 75 personnes, franchissent la porte du centre.

Les bénévoles de l'entrepôt ne sont pas les seuls à s'ennuyer. Après l'afflux du week-end, provoqué par le blocage de la gare de Budapest par les autorités hongroises la semaine dernière, le flux des arrivées a ralenti à Munich. Entre lundi et mardi matin, 6 000 personnes sont arrivées, contre 20 000 samedi et dimanche. A l'inverse, les images du week-end ont accéléré l'élan de solidarité. 

"Rien ne serait possible sans les bénévoles"

Michael, 29 ans, est bien placé pour le savoir. Le jeune ingénieur chimiste, au chômage en ce moment, tient le point d'information pour les volontaires. "C'est merveilleux cet élan de solidarité, rien ne serait possible sans les bénévoles. Mais ça me brise un peu le cœur de refuser des gens", explique-t-il. Les principaux besoins sont désormais linguistiques : des volontaires parlant arabe, farsi ou pachtoune sont toujours recherchés.

Pour le reste, la machine est rodée. Un site internet permet aux volontaires de s'inscrire à une tâche (trier les vêtements, cuisiner, récupérer les dons), un centre et une plage horaire de quatre heures. "Tout ce que vous voyez est le fruit de la coopération entre les volontaires, la ville et la police", explique Katja, une étudiante en communication de 28 ans bombardée aux relations presse. "Je n'ai jamais vu ça, c'est hallucinant de voir comment tout se déroule de manière fluide", ajoute-t-elle, enthousiaste.

"Les Allemands sont attentionnés"

Quelques ombres viennent cependant nuancer ce joli tableau. Le mouvement anti-islam Pegida a manifesté son mécontentement lundi soir dans les rues de Munich. Et deux foyers de migrants ont été incendiés dans la nuit de dimanche à lundi, dans le Bade-Wurtemberg.

Les principaux intéressés s'en moquent. Après avoir traversé des pays comme la Macédoine, le pire à les écouter, les migrants ne retiennent que l'accueil et la solidarité. "Les Allemands sont attentionnés avec nous, ils nous donnent de quoi manger, de quoi nous reposer et nous soigner", explique Hiba, 32 ans, les deux pieds enveloppés de pansements.

Cette mère de famille syrienne est originaire d'Idlib. Elle est professeur d'arabe et ses enfants ont fréquenté une école internationale en Syrie. Elle nous fait cette confidence devant le parc des expositions de Munich. C'est l'un des centres d'hébergement temporaire où les migrants sont conduits pour y passer une nuit ou deux, avant de quitter Munich. Des bus les déposent un peu partout en Allemagne pour répartir l'effort de solidarité. La famille Ashour, que nous avions suivie de Budapest à Munich, est désormais dans un centre de réfugiés à Kusel, près de Francfort. L'épilogue de son voyage.

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