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Au Malawi les réfugiés sont priés de rester vivre dans le camp de Dzaleka

Certains commerçants se plaignent de la concurrence des réfugiés qui tiennent boutique hors du camp.

Article rédigé par franceinfo Afrique avec AFP
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Temps de lecture : 3 min
Une vue générale du camp de réfugiés de Dzaleka. Ouvert pour accueillir 10 000 habitants, il en contient cinq fois plus en 2021. (AMOS GUMULIRA / AFP)

La confusion règne quant à la situation des réfugiés qui ont quitté le camp de Dzaleka, seul et unique camp de réfugiés du Malawi. Courant avril, les autorités leurs intimaient l'ordre de retourner vivre dans le camp, dans les 15 jours. Finalement la Haute cour de justice du pays leur a accordé un répit, ordonnant l'arrêt de cette relocalisation, le temps pour elle d'examiner l'affaire.

Du coup, Jean Minani défait ses cartons. Il est Burundais, mais vit au Malawi depuis treize ans, où il tient une petite échoppe avec sa femme. Ce commerçant rencontré par l'AFP avait obéi sur le champ à l'obligation de rejoindre le camp de Dzaleka. "J'avais mis tout mon magasin dans des cartons, pour préparer le déménagement vers le camp", explique-t-il au journaliste. Surpris, mais surtout rassuré par ce contre-ordre, il remet sa boutique en place, mais ignore pour combien de temps.

Un camp surpeuplé

Dzaleka se situe à une cinquantaine de kilomètres de Lilongwe, la capitale du pays. La majorité des réfugiés viennent de RDC, mais également du Burundi, du Rwanda, de Somalie ou encore d'Ethiopie. Ouvert en 1994 pour initialement accueillir 10 000 réfugiés, le camp comptait fin 2019, selon le HCR, 41 000 habitants.

Aujourd'hui ils seraient 50 000. "Cela a créé une situation de congestion qui nécessite l’adoption et la mise en œuvre de stratégies et de principes qui réduiront intrinsèquement les risques liés à la congestion", écrivait le HCR en novembre 2019.

Ainsi une extension du camp a été proposée sur un terrain pouvant accueillir environ un millier d'habitations, de quoi alléger une partie de la pression notamment sur les points d'eau du camp.

Vivre en dehors du camp

Mais certains réfugiés ont de leur propre chef quitté le camp, pour tenter leur chance un peu partout au Malawi. Selon les autorités du pays, ils seraient environ 2000, comme Jean, mère isolée burundaise, qui avec ses trois enfants a quitté le camp il y a 5 ans. Elle a ouvert une boutique d'artisanat dans le district de Ntcheu, à environ 150 km au sud du camp. A la demande de sa clientèle explique-t-elle.

"La quasi totalité de ma clientèle était malawite. Alors mes clients m'ont demandé d'ouvrir une boutique près de chez eux car il n'y avait pas d'équivalent". Pour elle, retourner vivre dans le camp affecterait gravement ses conditions de vie.

Mais cet éparpillement, bien que très limité, n'est pas du goût des autorités du Malawi. Richard Chimwendo Banda, le ministre de la Sécurité intérieure a même déclaré que la vie de ces réfugiés en dehors du camp menaçait la sécurité intérieure du pays. Il a rappelé que la reconnaissance du statut de réfugié interdisait toute activité économique en dehors du camp. Il donnait alors 15 jours à ces réfugiés pour regagner le camp de Dzaleka.

Il est vrai que plus de la moitié des 18 millions d'habitants du pays vivent avec moins d'un dollar par jour. L'essentiel de l'activité économique réside dans l'agriculture. Le travail est rare, et devoir le partager est très mal vécu.

Xénophobie

En fait, le gouvernement répond aux plaintes des commerçants locaux qui protestent contre la concurrence qu'exercent selon eux ces étrangers. Ils attireraient les clients en pratiquant des prix inférieurs. Pour Michel Kayiyatsa du Centre pour les Droits de l'Homme du Malawi, "la décision du gouvernement est susceptible de déclencher la violence contre les étrangers".

Il précise que les conflits sont fréquents notamment à l'égard des burundais qui font du commerce. A ses yeux la décision du gouvernement semble dire : "Ok, l'heure est venue de vous débarrasser de vos concurrents". "Il ne faudrait pas que des gens en profitent pour s'emparer de leurs biens ou les saccager", dit Gift Trapence, président de la Human Rights Defenders Coalition.

Le HCR, un peu pris de court, a finalement conseillé au gouvernement du Malawi de renoncer à sa décision. Car ces retours dans le camp de ces réfugiés aggraverait "l'encombrement des écoles, la recherche d'eau et les questions de santé".

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