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Ukraine : l’adhésion à l’Otan n’est "qu’un prétexte utilisé par Poutine" pour envahir le pays, assure l'historien Antoine Arjakovsky

L'Alliance atlantique n'a pour le moment pas vu "de signe de désescalade" sur le terrain, et exprime donc un "optimisme prudent".

Article rédigé par franceinfo
Radio France
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Le président russe Vladimir Poutine s'exprime lors d'une conférence de presse conjointe avec le chancelier allemand Olaf Scholz, le 15 février 2022 à Moscou. (KAY NIETFELD / DPA)

Alors que les tensions semblent doucement s'apaiser entre la Russie et les Occidentaux, avec le retour des unités russes déployées près de la frontière ukrainienne, "Tout ce jeu qui a lieu aujourd'hui est essentiellement une négociation sur le Nord Stream 2", ce gazoduc devenu un enjeu dans cette crise ukrainienne, a assuré mardi sur franceinfo Antoine Arjakovsky, historien et directeur de recherche au Collège des Bernardins. Selon ce spécialiste de l'Ukraine, l'éventuelle candidature à l'Otan de l'Ukraine n'est "qu'un prétexte utilisé par Poutine" pour envahir le pays.

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franceinfo : Faut-il croire le président russe qui répète que "bien sûr" la Russie ne veut pas d'une guerre ?

Antoine Arjakovsky : Tout ce jeu qui a lieu aujourd'hui au sujet de l'Ukraine, c'est essentiellement une négociation sur le Nord Stream 2. C'est la raison pour laquelle ces annonces sont arrivées aujourd'hui, au moment où Olaf Scholz est à Moscou.

Nord Stream 2 est le deuxième gazoduc qui relie la Russie à l'Allemagne et qui n'est pas encore entré en service. Les Occidentaux font d'ailleurs un peu pression ?

Il n'est pas rentré en service parce qu'au mois de mai 2019, il y a eu une directive de la Commission européenne expliquant que cela n'était pas possible que le producteur, le distributeur et celui qui gère le réseau soit la même institution, ce qui est le cas aujourd'hui pour Nord Stream 2. Donc, depuis 2019, il y a une bataille juridique extrêmement importante entre d'un côté, Gazprom et la société Nord Stream 2 qui est un consortium, et d'un autre côté, le régulateur allemand et le régulateur européen. En réalité, le fond du fond, c'est cette lutte juridique qui a lieu actuellement entre les Allemands, la Commission européenne et la Russie pour donner ou pas l'autorisation aux gazoducs de livrer du gaz en Europe. Et il faut bien être conscient que les Polonais mais aussi les Ukrainiens sont contre parce que ça produit un biais de concurrence. Il y a une situation qu'on voit déjà aujourd'hui avec l'augmentation de 30% des prix du gaz depuis un an, où les Russes maîtrisent complètement les prix du gaz, ce qui viole toutes les règles de concurrence en Europe.

"Le premier problème, c'est l'augmentation possible du prix du gaz. Le deuxième problème, c'est la sécurité énergétique de l'Europe. C'est ça le vrai enjeu des discussions."

Antoine Arjakovsky, historien et directeur de recherche au Collège des Bernardins

à franceinfo

Finalement, c'est ça le nœud du problème et non une éventuelle candidature à l'Otan de l'Ukraine ?

C'est le prétexte utilisé par Poutine mais chacun sait que l'Otan est une alliance défensive. D'autre part, il n'y a aucune menace de l'Otan sur la Russie depuis des années. Et troisièmement, de toute façon, ça fait depuis 2008 que l'Otan a promis à l'Ukraine d'intégrer son organisation, mais depuis 2008 les choses n'ont pas avancé. Le cœur du problème n'est pas là, même s'il faut bien entendu discuter de l'avenir de la sécurité de l'Ukraine, puisque l'Occident, lors du mémorandum de Budapest en 1994 a garanti la sécurité, l'intangibilité des frontières de l'Ukraine en échange de sa dénucléarisation. Il faut faire quelque chose de toute façon pour la sécurité de l'Ukraine. Les choses se sont accélérées au point de masser des troupes comme jamais en Europe, 150.000 soldats selon les services secrets américains, ça ne s'est jamais produit depuis 1945 en Europe. Donc, le cœur du problème, ce n'est pas du tout cette question-là, c'est d'abord la question économique. Est-ce que l'Europe veut être dépendante en termes d'hydrocarbures de la Russie ? Est-ce que l'Europe veut financer le budget de l'Etat russe aussi ? Ou est-ce que l'Europe veut avoir une certaine possibilité de se diversifier en termes énergétiques et surtout d'éviter une dépendance trop forte vis-à-vis de l'État russe ?

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