Reportage "Nous sommes la cible numéro un" : en pleine guerre en Ukraine, les difficultés et l'inquiétude de la dernière grande maternité du Donbass

Dans la maternité de Pokrovsk, la dernière encore ouverte dans la zone, les naissances ont été divisées par deux depuis le début de l'invasion russe. Et certaines femmes accouchent parfois dans des conditions périlleuses.
Article rédigé par Vanessa Descouraux, Gilles Gallinaro - avec Yashar Fazylov
Radio France
Publié
Temps de lecture : 2min
Inna Shmigun, infirmière dans le Donbass. (GILLES GALLINARO / RADIO FRANCE)

Comment donner naissance dans un pays plongé dans la guerre ? L’Ukraine, qui entre dans sa troisième année de guerre, est confrontée à une future crise démographique. On y fait moins de bébés car l’avenir y est incertain. Selon les données nationales, certaines régions ont connu tiers de naissances en moins l’an passé. Dans le Donbass, à Pokrovsk, il reste une seule grande maternité intégralement équipée de tous les services, notamment pour les prématurés : ils y représentent plus de 20% des naissances, soit environ deux fois plus que la normale.

Olga tient son petit Bodgan dans ses bras. Le petit garçon n'aura pas de problème pour se faire garder ; il a déjà trois grandes filles de 20, 19 et 14 ans. Pour sa maman, la grossesse s'est bien passée, mais comme beaucoup de femmes ici, elle a accouché seule. Son mari est sur le front. "Il est dans l'armée depuis 2015, confie-t-elle. Je sais qu'il est près de Lyssytchansk. Je n'en sais pas plus... Il ne me dit pas tout. Il nous en dit le moins possible, sinon, ce sont des larmes, des inquiétudes. Alors, il nous dit que tout va bien."

Des grossesses de plus en plus difficiles

Dans cette maternité, les comptes sont précis : 667 accouchements ont eu lieu l'an passé. C'était le double avant la guerre. Plus inquietant : un quart de ces naissances sont prématurées. Dans le service de réanimation néonatale, il y a actuellement sept nourrissons. Le plus fragile est arrivé à 26 semaines de grossesse et ne pèse que 700 grammes. L'infirmière Inna Shmigun est un témoin de ces grossesses de plus en plus difficiles : "Dans la région, les Russes détruisent les hôpitaux, les maternités, explique-t-elle. On doit apporter des soins à plus de personnes venant d'un territoire plus vaste". 

"Beaucoup de femmes accouchent à la maison, d'autres accouchent dans les ambulances. Elles sont de plus en plus nombreuses à ne plus avoir le temps de venir jusqu'ici parce que, plus proche du front, il n'y a plus d'offre de soins."

Inna Shmigun, infirmière

à franceinfo

Il y a actuellement sept nourrissons dans le service de réanimation néonatale de Pokrovsk. (GILLES GALLINARO / RADIO FRANCE)

Les maternités ciblées par Moscou

Ivan Tsyganok a donné naissance à tellement d'enfants depuis qu'il a commencé à diriger cette maternité, en 1998, qu'il suit aujourd'hui des grossesses de bébés qu'il a vu naître. "Si on se met dans la tête des Russes, nous sommes la cible numéro un, déplore-t-il. Les Russes n'ont aucun sens de ce qu'est l'humain. Moi, je m'inquiète plus pour les bébés et les mères qui sont ici. Est-ce qu'on a peur ? Pour nous, non."

Ivan Tsyganok, directeur de la maternité et du centre périnatal de Pokrovsk. (GILLES GALLINARO / FRANCE INFO)

Le directeur se souvient aussi du drame de la maternité de Marioupol, pulvérisée par les Russes le 9 mars 2022. Parmi les victimes, des médecins, comme lui. Certains étaient ses amis.

En pleine guerre en Ukraine, les difficultés et l'inquiétude de la dernière grande maternité du Donbass. Le reportage de Vanessa Descouraux, Gilles Gallinaro et Yachar Fazylov

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