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Les pays du nord de l’Europe face aux défis de l’immigration

En Norvège, les législatives de septembre 2013 ont plébiscité une certaine droite xénophobe. En Suède, des émeutes dans des banlieues ghettoïsées ont donné un coup de projecteur sur la population émigrée. Les pays du Nord, longtemps considérés comme des modèles de tolérance, semblent découvrir que l’immigration peut être ressentie comme un problème…
Article rédigé par Catherine Le Brech
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6 min
Marche de protestation «Action Hijab» à Stockholm, en Suède, le 23 août 2013, après l'attaque d'une femme voilée. (AFP PHOTO / JESSICA GOW / SCANPIX SWEDEN OUT)

Malgré la crise, des pays comme le Danemark et la Suède avaient été salués par l’OCDE, dont une étude indiquait fin 2012 qu’ils avaient, à l’instar d’autres pays européens, «déployé de nombreux efforts pour intégrer les immigrés sur le marché du travail ces dernières années.»
 
Cependant, la montée des partis xénophobes au nord de l’Europe montre aussi que l’immigration est une problématique dont les gouvernements de ces pays doivent se saisir.
 
En Norvège
Le score du Parti du progrès (16,3%), mouvement populiste anti-immigration dont fut membre Anders Behring Breivik jusqu’en 2006 (le 22 juillet 2011, ses attaques à Oslo et dans l’île d’Utoya ont fait 77 morts), en font un acteur incontournable du futur gouvernement norvégien.
 
Si cette formation s'est démarquée du tueur, dont la haine a porté sur le devant de la scène le problème de l’intégration des populations émigrées, elle reste favorable à une politique d'immigration très stricte et restrictive.
 

Centre d'accueil de demandeurs d'asile à Valer, à 45 km au sud-est d'Oslo, le 25 Juillet 2008. Des tensions entre Tchétchènes et Turcs avaient cette année-là défrayé la chronique. (LIEN KYRRE / SCANPIX NORWAY / AFP)

Mi-2011, 53,7% des Norvégiens pensaient qu’il fallait mettre un terme à l’immigration, soit 8% de plus qu’en 2005, selon un sondage Gallup.
 
La Norvège (5,1 millions d’habitants) prospère et riche, essentiellement en raison de l’exploitation pétrolière, reste un eldorado pour les candidats à l’exil. Porté par une économie florissante, le pays mise sur l’intégration des immigrés par l’insertion dans le monde professionnel.
 
Quelque quatre étrangers sur dix disaient avoir choisi cette destination pour profiter du marché de l’emploi, expliquait Challenges. «En 2010, la part de la population étrangère représent(ait) 11%» de la population. En 2012, 25.000 non-Européens se trouvaient sur le territoire norvégien, dont 35% à Oslo.
 
En Suède
Cet autre pays scandinave a connu de violentes émeutes en mai 2013, corollaire de la dégradation de la situation économique (chômage des jeunes et exclusion dans les banlieues). Dans la population issue de l’immigration, 16% sont au chômage contre 6% des Suédois dits de souche.
 
Ces événements ont remis en perspective le modèle multiculturel suédois et le comportement envers les immigrés s’est tendu. A moins d’un an des législatives, les Démocrates suédois, mouvement xénophobe qui siège au Parlement, pointent désormais à la troisième place dans les intentions de vote.
 
 
Racisme et islamophobie sont en hausse, même si les délits liés à l’islamophobie restent plutôt rares, selon le Conseil national pour la prévention de la criminalité en juillet 2013 : de 272 en 2008 à 306 plaintes en 2012.
 
Le Royaume de 10 millions d’âmes possédant une politique d’accueil des immigrés généreuse (15% de la population est d’origine étrangère), 2012 a été marquée par un afflux de demandeurs d'asile, selon l'Institut statistique national qui a comptabilisé près de 44.000 demandes de ressortissants de quelque 130 pays, soit 48% de plus qu'en 2011. Ce chiffre est le plus important depuis 1992 et le conflit yougoslave. En cause, l’afflux des Syriens qui ont fui leur pays en guerre. Depuis début 2012, le pays a reçu quelque 14.700 demandes d'asile de la part de Syriens.
 
Les demandes émanent également de Somaliens (5.644), d'Afghans (4.755), de Serbes (2.696), d'Erythréens (2.356) et d'apatrides (2.289).
 
Au Danemark
Autre parti xénophobe et islamophobe ayant le vent en poupe, le Parti du peuple danois, membre de la dernière coalition. Sous la pression de ce parti d’extrême droite, le pays a durci les lois sur le séjour des étrangers (hors UE) et le regroupement familial en 2010.
 
Les immigrés représentent quelque 6% de la population (5,6 millions d’habitants).
 
Les lois s’adressent aussi aux réfugiés. Sur les 2.500 (Afghans, Irakiens, Iraniens et Russes, majoritairement) demandeurs d’asile chaque année dans le pays, seule la moitié l’obtient (par comparaison, ils sont 10.000 à l’obtenir en France sur 61.000 demandes).
 
L’assimilation culturelle, comme modèle prôné depuis les années 70, a été notamment fragilisée par le constat de l’incapacité de l’Etat à intégrer une partie des émigrés.
 
 
En Finlande
Dans ce pays, où seuls 3,5% de la population (5,4 millions d’habitants) est née à l’étranger (192.200), le parti anti-immigration des Vrais Finlandais (rebaptisé Parti des Finlandais) est passé de 5 à 39 députés en juin 2011 (19% des suffrages).
 
Selon l'Institut des statistiques de Finlande, cette formation a réalisé aux municipales en 2012 ses meilleurs scores dans les communes les plus affectées par le chômage, dans les zones rurales et ouvrières.
 
Dans une note de 2013 de l’OCDE, on apprend que le gouvernement a mis en place une politique d’immigration «autour de plusieurs objectifs-clés : organiser le marché du travail, garantir l’égalité des droits des travailleurs, améliorer les possibilités d’emploi pour les personnes issues de l’immigration, mettre en œuvre une politique d’intégration plus efficace, accélérer le traitement des demandes d’asile et lutter contre la discrimination.» Un des motifs avancés par le Guardian : «Au cours des 15 dernières années, la Finlande a vu sa population se diversifier à un rythme plus rapide que n'importe quel autre pays européen. En 2020, un cinquième des élèves d’Helsinki sont censés être nés ailleurs».

Le 25 janvier 2011 à Helsinki. Abdirashid Dirie, Finlandais naturalisé, estime qu'il était plus difficile d'être un réfugié somalien il y a vingt ans qu'aujourd'hui. (AIRA-KATARIINA VEHASKARI / AFP)

L’OCDE montre qu’il y a eu 15% de plus d’installations en Finlande en 2011 qu’en 2010. Un record en termes de migration totale dans ce pays où quelque 20.000 personnes sont des ressortissants étrangers, en hausse de 12% par rapport à 2010.
 
Les principales origines des immigrés sont l’Estonie, la Russie, la Chine, la Somalie et l’Irak.
 
La Finlande abritait en 2011 quelque 4.000 sans-papiers (sources humanitaires).
 
En Islande
L’Islande, qui se relève de l’effondrement de son système bancaire en 2008, a subi une crise qui a également touché les immigrés, dont une partie est rentrée dans son pays d’origine. Ils représentent aujourd’hui 7%, soit 12.000 personnes sur les 320.000 habitants de l’île. Ils viennent de Pologne majoritairement, mais aussi de Lituanie, du Portugal ou de Chine.
 
L’immigration est relativement récente dans ce petit pays, géré depuis début 2013 par un nouveau gouvernement de centre-droit eurosceptique. L’Islande a accueilli en 2000 son premier réfugié politique venu de RDC.
 
Selon le site du Sénat, l’intégration de ces arrivants ne va pas sans poser de problème et «la gestion de l'immigration et de ses conséquences sociales et sociétales constitue un enjeu certain. L'Islande se vit comme une société relativement fermée ayant réussi à préserver une certaine homogénéité de sa population. Ainsi, la perspective de voir arriver de nouvelles populations participant au peuplement de leur île inquiète souvent la population islandaise.»
 
«L'épuisement financier du système social»
Aujourd'hui, la question de l’immigration arrive dans le nord de l’Europe comme ailleurs au cœur du débat politique.
 
En avril 2012, Dominique Reynié, professeur à Sciences Po, estimait dans Populisme: la pente fatale que «les Européens développent une méfiance à l'égard des réalités multiculturelles auxquelles l'immigration les confronte» et ce, «sur le terreau d'un mécontentement généré par l'épuisement financier du système social».

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